L’histoire
Le 26 novembre 2004, le navire pétrolier Athos1 s’échoue dans la rivière Delaware et les équipes de sauvetage découvrent rapidement que la coque a été endommagée par une ancre perdue, qu’il a remontée avec sa propre ligne de mouillage, l’un de ces nombreux mouillages qui jonchent les zones d’attente portuaires internationales.
Ce qui aurait pu être un incident banal sans conséquences graves, et rapidement réglé par une équipe classique d’intervention, voire même tout simplement une équipe de plongeurs sous-marins, s’est rapidement transformé en un grave accident environnemental, car 834 tonnes de pétrole se sont échappées du navire, polluant toutes les berges et la côte alentour.
Le coût total des opérations de dépollution a été de 100 millions de dollars, il y a près de vingt ans.
Combien cela coûterait-il aujourd’hui ?
En réponse à cet incident, plusieurs ports internationaux, mesurant ainsi les risques encourus pour l’environnement mais aussi et surtout financièrement, ont décidé de nettoyer leurs chenaux d’accès et zones de mouillage, en utilisant tous les moyens dont ils pouvaient disposer à l’époque.
C’est ainsi que plusieurs appels d’offres furent lancés par les gestionnaires des grands ports, publics ou privés, depuis les Etats-Unis d’Amérique jusqu’en France.
L’état des lieux
C’est dans ce contexte et dans un souci de sécurité et de qualité que certains Grands Ports Maritimes hexagonaux ont donc décidé de s’attaquer à l’entretien et au nettoyage de leurs zones d’attente. Ainsi dès 2005, le port de Rouen profitant de la jonction de deux de ses zones en une seule plus grande, fut le premier à engager les hostilités et enfin s’occuper des épaves sous-marines dans ses zones d’attente portuaires, et agir en parfaite collaboration avec les services de la préfecture maritime de la Manche et de la Mer du Nord, impliqués dans ces projets, l’Action de l’Etat en Mer (AEM).
Si ces actions étaient avant tout animées par un souci environnemental et financier, elles l’étaient tout autant par souci économique, puisqu’une zone d’attente polluée n’attire pas forcement les armateurs qui tremblent pour leurs navires et leur mouillage et engendre généralement et très rapidement des hausses de primes d’assurance.
Ainsi après un appel d’offre fructueux, une étude a permis de découvrir et de relocaliser près de 25 obstructions, au large de l’embouchure de la Seine, dans les zones d’attente portuaires 1 & 2 de Rouen, et qui pourraient correspondre à des mouillages perdus, sans savoir d’où ils viennent ni quand ils ont été perdus.
Rapidement, une entreprise a été chargée de l’identification et du renflouement d’un choix pertinent de ces obstructions, en fonction de leur nature et de leur position exacte. Il a été déterminé que 95% de ces épaves étaient des ancres seules ou des mouillages complets, pesant jusqu’à plus de 100 tonnes, ancre et chaîne comprises.
Ainsi, ce n’est pas moins de 20 mouillages qui ont été ainsi renfloués dans les zones d’attente, puis la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord a dépêché un navire chasseur de mines accompagné par le Bâtiment de Soutien Régional (BSR) Elan pour relever près d’une dizaine d’ancres de toutes sortes hors des mêmes zones d’attente portuaires, dans des zones, cette fois hors des responsabilités du port de Rouen.
Si les préfectures maritimes envoyaient déjà régulièrement des mises en demeure pour le relevage des épaves, y compris des ancres et mouillages perdus dans les zones d’attente portuaires, la question de la responsabilité financière du relevage des obstructions restait à résoudre. En effet, les autorités compétentes émettaient des mises en demeure immédiates aux parties concernées pour les pertes récentes déclarées, mais il n’en était pas de même pour les ancres perdues depuis longtemps ou appartenant à des navires dont les armateurs avaient disparu.
C’est ainsi que plusieurs années après, en 2019 et suite à un encombrement important qui s’était accumulé au fil des ans, le port de Barcelone a dû lancer plusieurs appels d’offres internationaux pour nettoyer sa propre zone de près de 25 km2.
Le problème était de taille, car lorsqu’un navire perdait son mouillage sur un mouillage déjà perdu, croché sur un autre encore plus ancien, cela créait un imbroglio judiciaire et administratif complexe, et il fallait bien qu’il y ait une responsabilité financière à la fin.
La première étude fut plus que fructueuse puisque qu’elle permit de localiser, grâce à l’utilisation d’un sonar à balayage latéral, près de 64 ancres et mouillages divers, 15 obstructions qui pourraient correspondre à des mouillages perdus et 15 objets non identifiés, sur une zone de 25 km2.
Pour exemple, la seule zone d’attente N°3 du Havre fait à elle seule plus de 30 km2.
La deuxième partie de cette opération fut axée sur le renflouement proprement dit et il fallut non seulement trouver les sociétés capables de répondre à une telle demande mais aussi leur fournir une zone de stockage, et in fine soit retrouver les propriétaires des ancres perdues pour leur facturer l’intervention, soit considérer une déchéance de propriété pour l’ensemble des épaves présentes sur la zone.
à suivre… « La relocalisation et l’identification »