Monsieur Blanc, vous avez été particulièrement réactif à la conclusion de ma présentation de votre premier roman, « Eaux troubles » : les Editions Jeune Marine ont en effet le plaisir de vous nous annoncer la parution du deuxième ouvrage signé Eric Blanc. Si vous avez suivi les tribulations du héros de son premier roman, vous allez participer, en lisant « Eaux libres », à l’aventure d’une poignée de capitaines-armateurs européens qui ont décidé de s’affranchir de la mainmise des GAFAM sur le transport maritime occidental.
S’affranchir en premier lieu des données satellitaires, sans lesquelles les marins ne savent plus naviguer (nous sommes en 2040 !) mais surtout dont la diffusion est dorénavant verrouillée et autorisée aux seuls armements ayant accepté de se soumettre aux géants de l’internet, nouveaux maîtres du transport maritime mondial. Qui plus est, pour des raisons « de sécurité », le passage des détroits qui canalisent l’essentiel du trafic maritime n’est maintenant autorisé qu’aux navires pourvus de système de positionnement satellitaire, donc soumis ! Ce qui signifie, entre autres, l’exclusion des eaux européennes pour les capitaines-armateurs réfractaires, pourtant habitués depuis des générations à commercer librement entre les grands ports et les ports régionaux aux accès restreints. Même si les vieux loups de mer savent toujours naviguer à vue ou au radar, voire manier le sextant pour la navigation hauturière, le « terrain de jeu » a été réduit à une peau de chagrin et réclame de la part des de la confrérie des réfractaires des décisions lourdes de conséquences. Il va leur falloir pratiquer une navigation inédite par les détroits du Nord-ouest et du Nord-est, découvrir pour certains les dangers de ces nouvelles voies maritimes infestées de glace et impraticables une partie de l’année. Amis lecteurs, vous n’échapperez pas au besoin d’aller devrez rechercher consulter un globe terrestre afin de mieux comprendre les possibilités offertes par le passage du détroit de Béring.
Ces braves capitaines doivent en premier lieu trouver un port d’attache libre de tout assujettissement et relativement proche de la mer de Béring. Ils jettent leur dévolu sur l’île Hatteras, située en plein milieu du Pacifique, sur le 45ème parallèle, dans le prolongement de l’archipel des Aléoutiennes, à mi-chemin entre l’Alaska et le Kamchatka. Cette île Hatteras, qui n’a rien à voir avec la Caroline du Nord, n’est qu’un îlot volcanique aux allures inhospitalières, ancien lieu de relâche délaissé par les baleiniers, mais pourvu d’une rade intérieure idéale pour accueillir les navires traditionnels des capitaines-armateurs. Le décor est planté ! A la manière de Jules Verne, dont les romans furent certainement les lectures favorites de l’enfance d’Eric Blanc, ce dernier nous fait vivre par le détail l’installation de cette communauté originale sur un caillou isolé qui, fort heureusement, recèle tous les ingrédients pour y créer une mini-société autonome. Bien évidemment, le bar antillais et sa tenancière créole en constitueront le point de rassemblement idéal pour prendre les grandes décisions.
Qui dit port d’attache dit port d’immatriculation ! Le nouveau pavillon aux trois vaguelettes rouge, bleue et noire se doit d’être dûment enregistré afin de permettre aux navires l’arborant de commercer en toute quiétude : Eric Blanc nous ouvre les portes de bureaux habilités à donner le coup de tampon miracle de la Flag Administration, moyennant quelques menus cadeaux…
Des histoires de mer, ce roman en est truffé, des histoires dans lesquelles chaque marin se retrouvera, avec très certainement une pointe de nostalgie pour cette navigation à l’ancienne que les nouvelles générations ne sont plus à même d’imaginer car initiées à une navigation essentiellement numérique.
Jacques MEVEL
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