Les conditions météorologiques favorables en Manche-Mer du Nord poussent les trafiquants a lancer leurs « cargaisons » de migrants sur le détroit. L’ensemble des moyens de sauvetage et de surveillance sont mobilisés par l’État sur ordres du Préfet Maritime de Cherbourg depuis le mercredi 11 juin pour porter assistance de Boulogne à la frontière belge : RIAS Abeille Normandie, les bâtiments hydrographiques (BH) Laplace et Lapérouse, les PSP Flamant et Pluvier, le navire affrété par l’État Ridens, les vedettes de la Gendarmerie, les moyens du SDIS 62, de la Police, des Douanes et bien entendu l’ensemble des embarcations de la SNSM de Boulogne à Dunkerque. Ces moyens nautiques sont complétés selon la situation par des moyens aériens de la Marine Nationale, des Douanes, de l’agence Frontex et même du drone basé au CROSS Gris-Nez.
Combien de migrants ?
Pour avoir une vision globale du flux réel de migrants tentant de rejoindre les côtes anglaises, il est intéressant de comparer les chiffres communiqués avec parcimonie par les autorités françaises, et ceux comptabilisés par les Anglais. En effet, les Français n’empêchent pas les migrants une fois en mer de franchir le détroit, sauf s’ils demandent assistance personnellement. Quand une embarcation est abordée par les moyens de sauvetage et que la sécurité des occupants de cette embarcation n’est pas engagée, seuls ceux qui acceptent l’assistance sont transférés puis débarqués à Boulogne ou Dunkerque. Les autres peuvent continuer leur odyssée vers les falaises de Douvres.
Voici les chiffres des personnes assistées par la France et le Royaume-Uni sur trois jours :
France Royaume-Uni
- 11 juin 54 400 dont 6 ont nécessité une prise en charge sanitaire
- 12 juin 9 52 dont 1 a été prise en charge
- 13 juin 90 919 dont 14 ont nécessité une prise en charge sanitaire
Les chiffres anglais ne tiennent bien entendu pas compte de ceux qui n’ont pas été interceptés par les autorités. Le flux réel est sans aucun doute bien supérieur, probablement plus de 2500 par semaine.
Combien de drames évités par l’engagement des équipages ?
En bout de chaîne, les moyens nautiques de la SNSM sont très sollicités dans la zone, pour des opérations d’assistance aux migrants où l’on flirte parfois avec la catastrophe.
Ce mercredi 18 juin, vers 5 heures du matin, le navire affrété par l’État auprès de SeaOwl, le Ridens signale au CROSS Gris-Nez le naufrage, au large de Malo-les-Bains, d’une embarcation de migrants.
Les moyens de la SNSM de Dunkerque sont mobilisés, avec le semi-rigide SNS 035 Reuze et le canot tous-temps SNS 087 Jean-Bart II. Ils rejoignent le Ridens qui malgré son franc-bord trop élevé engage la récupération des naufragés. Son semi-rigide tente de sortir le pneumatique des migrants pris dans les filières d’un parc à moules en face de Zuydcoote, mais l’embarcation des migrants se disloque par l’arrière avec le tableau arrière et son moteur qui coulent directement. Le semi-rigide remorque un paddle recouvert d’un filet qui permet aux naufragés de s’agripper et d’être ramené à proximité du Ridens. Trois personnes ont été blessées dont un Iranien gravement touché à la jambe, avec une hémorragie fémorale. Il a été immédiatement pris en charge par le médecin bénévole de la SNSM embarqué sur le Jean-Bart II…et ramené par le canot SNSM à Dunkerque.
Dans cette opération, le Ridens a récupéré 23 migrants transférés en partie par le Dauphin GW de la Marine Nationale et les deux embarcations de la SNSM 55 personnes, soit un total de 78 naufragés, originaires d’Iran, d’Érythrée et du Pakistan. Parmi eux, beaucoup de femmes et d’enfants de 14 mois à 17 ans ont été pris en charge physique mais également psychologique, dont certains étaient choqués et en hypothermie.
Une pression permanente sur les équipages bénévoles de la SNSM
De retour à leur ponton dans le port de Dunkerque, les bénévoles de la SNSM accompagnent jusqu’au quai les naufragés qui sont alors pris en charge par les services de secours à terre. Quatre d’entre eux ont été accompagnés à l’hôpital . Ce matin ils ont été également attendus par des membres de l’association Utopia 56, accompagnés d’un avocat, qui souhaitent trouver une preuve de maltraitance de migrants de la part des sauveteurs de la SNSM.
Difficile d’accepter de tels reproches quand ces bénévoles prennent des risques jour et nuit pour porter assistance, quelles que soient la météo et les circonstances, aux personnes en perdition dans le Pas-de-Calais.
Difficile de comprendre la finalité d’Utopia 56, qui en promouvant une action en justice cherche probablement à décourager les bénévoles de la SNSM, afin de laisser plus de champ libre aux trafiquants de ces malheureux migrants, ou plus cyniquement une opération de communication de l’association.
Difficile de regarder ailleurs quand les tentatives se généralisent à l’approche de l’été, de jour comme de nuit de la frontière belge jusqu’en baie de Seine, montrant les limites d’une organisation du sauvetage au bord du point de rupture.
Les équipages de la SNSM sont totalement dévoués à leur mission de sauvetage aux personnes. La réussite d’une telle opération complexe est le fruit d’heures d’entrainement et d’un engagement intense de tous ces bénévoles. Il ne faudrait pas décourager tous ces bénévoles par des actions en justice dont on voit les dégâts qui visent déjà les agents de l’État, comme les 5 membres du CROSS Gris-Nez actuellement mis en examen suite à un naufrage mortel le 24 novembre 2021.
Une nouvelle méthode ingénieuse est apparue début avril, après avoir volé un petit voilier, plusieurs migrants ont tenté de sortir du port de Dunkerque mais ont terminé sur les enrochements de la jetée ouest de l’avant-port-est de Dunkerque. Le voilier s’est très vite disloqué et a coulé. Les migrants ont été récupérés sur la plage par les gendarmes.
©Jean-Vincent Dujoncquoy
Photos ©H. JeuneMarine.fr et ©DR