Philippe Louis-Dreyfus faisait partie de la quatrième génération de l’entreprise familiale dont les débuts remontent à 174 ans, en 1851.
Le fondateur est Léopold (1833-1915). Fils de Louis Dreyfus, fermier établi à Sierentz (Haut-Rhin), il se lance à 18 ans dans le commerce du blé en commençant par vendre la production de son père sur le marché de Bâle, en Suisse, à 18 kilomètres de là. Comme il est encore mineur, il effectue ses transactions sous le nom paternel, sous la raison sociale « Louis Dreyfus et Cie » d’où découlera plus tard le nom de famille Louis-Dreyfus. Ses affaires se développent rapidement et il ne tarde pas à vendre du blé qu’il se procure déjà en « international ». Après la défaite de 1871, il quitte sa terre natale pour Marseille, puis Paris où il s’installe en 1875. La Russie, alors le grenier à blé de l’Europe, devient son principal fournisseur et il développe son organisation logistique sur place avec une flotte conséquente sous pavillon russe. Léopold n’en verra pas la disparition car il décède deux ans avant la révolution d’octobre qui met un terme brutal à ce commerce
Les rênes de la compagnie sont reprises par ses fils, Louis (1867-1940) et Charles (1870-1929).
Après le décès de Charles Louis-Dreyfus, la troisième génération de la famille se retrouve en 1930 à la tête de la maison : Pierre (1908-2011), fils de Charles, ainsi que Jean (1908-2003) et François (1909-1958), fils de Louis. Louis Dreyfus et Cie continue de se développer à la fois dans le négoce et dans l’armement.
Au 1er janvier 1996, la branche maritime devient une société à part entière sous la raison sociale de Louis Dreyfus Armateurs (LDA), sous la présidence de Philippe Louis-Dreyfus (1945-2025), fils de Pierre, et frère de Gérard Louis-Dreyfus (1932-2016), président du groupe Louis Dreyfus, tous deux représentants la quatrième génération de la famille.
Depuis le 1er juillet 2015, Edouard Louis-Dreyfus (né en 1974), fils de Philippe, est à la barre de Louis Dreyfus Armateurs, son père restant président du conseil de surveillance.
La cinquième génération pourrait bien être la dernière exerçant le contrôle familial sur l’entreprise. Effet, en février dernier a été annoncée l’entrée en négociations exclusives de la famille Louis-Dreyfus avec la société de capital-investissement indépendante basée à Paris, InfraVia, en vue de la prise de participation majoritaire (80 %) de cette dernière dans Louis Dreyfus armateurs. La famille resterait actionnaire à hauteur de 20 %, Edouard Louis-Dreyfus en conservant la présidence.
Lorsque Philippe Louis-Dreyfus prend les rênes de Louis Dreyfus armateurs, la branche maritime du groupe avait déjà commencé sa diversification hors de son activité d’origine de transport de vrac (charbons, minerais, céréales…). En 1991, notamment, a débuté sa coopération avec la Compagnie générale de géophysique et la mise en service du navire de recherche sismique CGG Mistral, construit par Louis Dreyfus et affrété à long terme par la CGG. LDA a ensuite pris en charge la gérance technique de plusieurs autres navires pour le compte de la CGG. Mais on sait qu’à la suite des difficultés propres à la CGG du fait de la baisse du prix du pétrole brut, toute cette flotte a dû être désarmée en 2015-2016. Philippe Louis-Dreyfus n’a pu que s’y résigner.
C’est en 1998 que LDA prend le contrôle à 100 % de Travocean, entreprise spécialisée dans l’installation de câbles sous-marins, auparavant en joint-venture avec Coflexip qui devient LD Travocean puis Louis Dreyfus Travocean en 2013.
En 2000 débute l’aventure des câbliers. L’association de LDA avec Alcatel Submarine Networks est le point de départ de la formation d’une flotte de câbliers qui compte aujourd’hui 12 navires (Alcatel et Optic marine) dont 10 sont sous pavillon français.
En 2002, est créé Fret-Cetam, joint-venture entre LDA et l’armement norvégien Hoëgh, qui met en service en 2004 le premier roulier transporteur d’Airbus, le Ville de Bordeaux, suivi en 2008 et 2009 par les City of Hamburg et Ciudad de Cadiz. Après le rachat des parts de Hoëgh, cette filiale devient LD Seaplane en 2015.
BORDEAUX 03 DEC 2007 – Les éléments du premier Airbus A380 destiné à Air France ont été déchargés à Pauillace, près de Bordeaux en début de semaine. Cet avion, qui nomme provisoirement MSN 033, sera terminé et livré à Air France en 2009. Construits par les différents sites Airbus d’Europe, ces éléments sont acheminés par le mer à bord du Ville de Bordeaux, navire spécialement conçu pour ce transport. Photo Eric HOURI Photo : En 2002, est créé Fret-Cetam, joint-venture entre LDA et l’armement norvégien Hoëgh, qui met en service en 2004 le premier roulier transporteur d’Airbus, le Ville de Bordeaux. ©JMEH
En 2004 démarre LD Lines. D’abord axée sur le transport de voitures sur une ligne Marseille/Tunis, cette filiale participe avec Grimaldi à partir de janvier 2005 à l’autoroute de la mer Toulon / Civitavecchia (arrêtée en 2009), reprend en octobre suivant la ligne Le Havre / Portsmouth abandonnée par la P&O, décroche en 2007 la délégation de la ligne Dieppe / Newhaven (Transmanche ferries) et lance l’autoroute de la mer Montoir / Gijon en 2010. Ces activités passent à DFDS en 2012 (sauf la ligne Montoir / Gijon qui sera suspendue en 2014).
En 2007, LDA entre dans le remorquage de haute-mer avec l’acquisition de Fairmount marine et de ses cinq remorqueurs de 16 000 cv. Mais Fairmount est revendu en 2014 et retourne aux Pays-Bas, au groupe Boskalis.
Photo : En 2007, LDA entre dans le remorquage de haute-mer avec l’acquisition de Fairmount marine et de ses cinq remorqueurs de 16 000 cv. ©JMEH
La diversification continue sous la présidence d’Edouard Louis-Dreyfus. Il obtient en 2017 la gérance technique du Marion Dufresne des Terres australes et antarctiques françaises, et débute une nouvelle aventure dans l’éolien offshore avec la commande en Turquie en 2017 de son premier navire de service à l’éolien offshore Wind of Change affrété par l’énergéticien danois Orsted, suivie de celle du Wind of Hope destiné au même affréteur. En 2020 nait une nouvelle collaboration entre LDA et la société anglaise Tidal transit pour former la filiale LD Tide qui entreprend la construction d’une flotte de navires de transferts de personnels (crew transfer vessels) qui sont aujourd’hui au nombre de sept au sein de la flotte.
En 2021, LDA vend ses deux derniers vraquiers capesize, Léopold LD (180 000 tpl) et Jean LD (172 000 tpl), et en 2022 ses treize vraquiers handysize de 40 000 tpl (La Briantais, La Chambordais, etc). C’est la fin du transport de vrac, l’activité d’origine de la famille.
Photo : Le Jean LD, dernier capesize de la flotte, a été vendu en 2021. ©JMEH
Aujourd’hui, la flotte de Louis Dreyfus Armateurs compte 25 navires en propriété ou en gérance technique dont 21 actuellement sous pavillon français : 3 rouliers transports d’Airbus, 12 câbliers (Alcatel et Optic marine), le Marion Dufresne et 9 navires dédiés à l’éolien en mer. Ce total ne comprend pas la flotte de barges et remorqueurs de la filiale indonésienne Sinarmas LDA maritime, ni les barges exploitées à Dubai.
La branche négoce, sous la direction de Robert Louis-Dreyfus (1946-2009), fils de Jean Louis-Dreyfus (1908-2003), est devenue Louis Dreyfus Commodities en 2006. Elle est présidée par sa veuve Margarita Louis-Dreyfus depuis son décès et a été rebaptisée en 2016 Louis Dreyfus Company (LDC). Elle exploite, sans aucun lien avec LDA, une flotte de 200/250 navires affrétés.
Gérard CORNIER