InterviewJeune Marine N°279Marine marchande

TARA POLAR STATION : Clémentine MOULIN nous livre les secrets du « noyau d’olive »

Nous vous l’annoncions la semaine dernière dans l’édito de ce nouveau numéro d’été de Jeune Marine, nos équipes sont montées à bord d’un des tout derniers navires fabriqués en France et en bonus sous pavillon français : le TARA POLAR STATION. Pour nous faire visiter et nous expliquer tous les secrets de ce fabuleux navire nous avons pu nous entretenir avec sa Directrice des Expéditions, Clémentine MOULIN, figure bien connue du lectorat Jeune Marine puisqu’elle nous partage avec Antoine CLEMENT son podcast Women of the Seas. Bienvenue à bord pour cette nouvelle rencontre d’une personnalité exceptionnelle du maritime français !

 

Tara-polar-station – Pont extérieur © Jeune Marine – DR

 

Aymeric Avisse : Bonjour à tous, nous voici aujourd’hui à Lorient sur un bateau exceptionnel avec une personnalité non moins exceptionnelle, Clémentine Moulin. Bonjour Clémentine !

Clémentine Moulin : Bonjour Aymeric.

Aymeric Avisse : Donc nous sommes aujourd’hui à bord de Tara, le navire d’expédition, avec sa cheffe d’expédition Clémentine que vous avez connue dans les pages de Jeune Marine avec le podcast inspirant de Women of the Seas. Clémentine, merci beaucoup de nous consacrer un peu de temps pour nous expliquer quel est ce projet, quel est ce bateau fou qui ne ressemble pas aux autres bateaux. On a un bateau tout rond, explique-nous !

Clémentine Moulin : Alors, tout d’abord, c’est un bateau unique, ça c’est certain ! Je pense que beaucoup de personnes vont être surprises quand elles vont le voir arriver dans le port ou tout simplement en mer.

Aymeric Avisse : Il est vraiment impressionnant !

Clémentine Moulin : Tara Polar Station est un bateau qui a été construit par la fondation Tara Océan dans le but d’aller étudier la biodiversité en Arctique. On va donc embarquer des scientifiques à bord du bateau pour aller étudier tout ce peuple invisible et toute cette biodiversité à travers les saisons et à travers les années en Arctique, lors d’expéditions qui vont durer à peu près 14 mois. On part là-dessus parce que c’est ce qu’avait fait à l’époque la goélette Tara, en 2006-2008, prise dans la banquise en Arctique.

Aymeric Avisse : C’est donc l’explication de cette forme très originale ?

Clémentine Moulin : Le bateau a donc été construit exactement comme Tara, finalement avec une coque en aluminium qui résiste très bien au froid et aussi vraiment pensé comme un noyau d’olive, parce qu’un noyau d’olive quand on appuie dessus, en fait on ne peut jamais finalement l’écraser, il va toujours remonter.

Tara-polar-station © kadeg-boucher – DR

Aymeric Avisse : Le but, c’est  qu’il vienne se poser, enfin se prendre dans la glace et remonter quand la glace se forme.

Clémentine Moulin : Effectivement, la banquise va se former autour de la coque et le bateau ne va pas être écrasé par la pression de la glace mais va remonter sur la banquise. Après on arrête le moteur, on reste simplement sur les groupes électrogènes.

Aymeric Avisse : Donc on a vu un moteur principal, deux groupes électrogènes et tous les auxiliaires, pour 500 jours d’autonomie pris dans les glaces : ça paraît un peu beaucoup 500 jours ?!

Tara-polar-station – Moteur Principal © Jeune Marine – DR

Clémentine Moulin : C’est ce que Tara a fait en 2006-2008, on verra bien comment ça va se passer pour la première expédition qui commencera en septembre 2026 ; mais vraiment on se base sur ces 500 jours de dérive pris dans la glace jusqu’à ce que la banquise libère Tara Polar Station de la glace, tout simplement.

Aymeric Avisse : D’accord ! Donc, en fait, vous êtes à l’écoute de la nature et vous attendez que la nature vous libère.

Clémentine Moulin : En fait on ne peut pas faire vraiment autrement, c’est pour quoi on utilise le terme «  prisonnier volontaire de la banquise », mais c’est réel !

Tara-polar-station © kadeg-boucher – DR

Aymeric Avisse : D’accord, alors on a vu un bateau noyau d’olive, mais pourtant il y a une vraie passerelle, il y a une vraie machine. Vous êtes combien à bord ?

Clémentine Moulin : Sur la partie hiver il y aura 12 membres d’équipage, tout simplement  parce qu’on a 12 cabines ; la partie hiver ce sont les huit premiers mois de l’expédition. Ensuite on va relever cette première équipe, on aura une rotation avec 18 nouvelles personnes qui vont embarquer et là, du coup, sur la partie printemps-été on peut doubler certaines des cabines : c’est pour cela qu’on aura jusqu’à 18 personnes à bord sur ces périodes-là. On fait donc les huit premiers mois vraiment dans la partie hivernage, c’est-à-dire dans le froid polaire, dans la nuit polaire ; ensuite, sur les trois mois de la partie été on pourra déployer des instruments tout autour, pour aller étudier de 1000 m d’altitude jusqu’à, à peu près, 1500 m de profondeur : on fait des analyses de l’atmosphère, des analyses de la vie dans la glace de mer et aussi dans la colonne d’eau, aidés par des instruments qui vont être déployés directement par la moon pool que tu as vue dans le laboratoire humide. Donc, on peut vraiment déployer des instruments directement dans cette grosse moon pool, qui a 1 m60 de diamètre ; on aura aussi différents instruments qui seront installés sur la banquise pour permettre un champ de recherches plus large. Tout cela donc pendant la période de l’été et puis ensuite nouvelle relève, avec une nouvelle équipe de 18 personnes qui viendra pour cette fin d’expédition, jusqu’à ce que le bateau soit libéré.

Aymeric Avisse : D’accord, parce que vous ne faites pas 500 jours avec une seule équipe !

Clémentine Moulin : Non, on ne fait pas 500 jours avec une seule équipe.

Aymeric Avisse : Comment faites-vous les relèves ?

Clémentine Moulin : La première relève, on espère la faire en avion.

Aymeric Avisse : Donc un avion qui se pose sur la glace ! C’est un sacré challenge !

Clémentine Moulin : Tout à fait, il faudra créer la piste d’atterrissage, ce fut aussi le cas avec la goélette Tara : je me souviens d’un moment où l’avion devait atterrir, ils avaient eu un problème avec la glace qui s’était brisée, ils avaient eu des crêtes de compression sur la piste d’atterrissage et donc ils avaient dû tout refaire alors que l’avion était en route. Ce fut un gros moment de stress et on espère que l’on ne devra pas revivre la même chose ! Enfin, les deux autres rotations, on espère les faire avec des brise-glace qui seront dans la région. Parce qu’en fait, on connaît très peu la région de l’Arctique central en hiver.

Aymeric Avisse : Parce que le but c’est quand même de connaître un petit peu mieux l’environnement de l’Arctique.

Clémentine Moulin : Exactement, en fait on n’a pas beaucoup de données à travers les années, surtout à travers les saisons : on ne comprend pas comment la biodiversité réagit à la nuit polaire, comment elle réagit quand il y a moins de glace ou quand la glace est en train de se former. Tous ces moments intersaisons sont très importants à étudier ; généralement, les bateaux y vont plutôt pendant la période d’été mais ils ne restent pas à travers les saisons et à travers les années ; donc c’est vraiment le but du projet, de faire des expéditions sur les 20 prochaines années.

Aymeric Avisse : Superbe projet ! Félicitations ! Alors, si on te connaît et on te reconnaît, c’est parce que depuis 4-5 ans on t’entend, on te voit aussi dans les pages de Jeune Marine, avec un podcast inspirant et même un roman-graphique pour les Women of the Seas. Donc nous te suivons depuis les débuts et ce podcast est vraiment très bien fait, et en plus avec des profils vraiment atypiques. Comment t’est venue l’idée de créer ce podcast ?

Clémentine Moulin : On a créé ce podcast avec Antoine en 2020 (Antoine qui est officier de marine marchande),  dans le but de mettre en avant les femmes qui travaillent dans le milieu maritime, montrer différents métiers qui existent, différents bateaux, et puis en fait faire parler les femmes qui vivent toutes ces aventures qui se passent en mer. A titre personnel, je revenais d’un an de voile, plutôt côté plaisance, et on demandait toujours où était le skipper… Je ne pensais pas qu’en 2019 on en serait toujours à ce stade-là. Antoine, sur les navires sur lesquels il était embarqué, voyait qu’il n’y avait pas non plus beaucoup de femmes, même s’il y en a plus, même s’il y en a de plus en plus.

Aymeric Avisse : Parce qu’il faut préciser qu’Antoine et toi êtes ensemble, vous vivez en couple.

Clémentine Moulin : Tout à fait, et du coup on trouvait cela intéressant aussi d’avoir le côté homme et le côté femme, en fait il portait un tel projet de façon commune, et donc on a interviewé des femmes dans le milieu maritime et on a découvert de nombreux métiers que nous-mêmes ne connaissions même pas initialement. C’est comme cela qu’on a rencontré Anne Smith, qui est une Peintre officielle de la Marine, qui nous a parlé de son profil, de ce que c’était que d’embarquer en tant que peintre sur les navires, et ensuite on s’est associé pour faire ce roman graphique.

Aymeric Avisse : Alors comme on disait, tu es en couple avec un marin, moi également, ce n’est plus du tout exceptionnel, il y en a de plus en plus, donc voyez : on peut très bien naviguer et avoir une vie de famille en étant deux marins.

Clémentine Moulin : Tout à fait, oui, tout à fait possible : il faut s’organiser, c’est de la logistique, mais ça marche !

Aymeric Avisse : Très bien ! De très beaux messages pour les femmes, pour les marins en général, pour les couples, pour la vie de famille. N’hésitez pas à venir vous renseigner, pour  prendre contact avec Clémentine, pour vous renseigner sur les possibilités qui vous sont données avec Tara.

Clémentine Moulin : Oui, bien sûr !

Aymeric Avisse : Et puis on vous mettra aussi toutes les dates, toutes les prochaines échéances qui seront intéressantes pour te rencontrer et pour voir ce fabuleux bateau et suivre ton périple. Merci Clémentine, à bientôt, au revoir !

Clémentine Moulin : Au revoir, bye bye !

 

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