EnquêteÉvènementFacteur humainJeune Marine N°279

Echouement du Rhodanus , retour sur l’évènement de 2019 et le rapport du BEAmer

L'effet de la fatigue sur le marin de quart

BEA Mer vient de diffuser une vidéo sur son enquête sur l’échouement du Rhodanus, mettant en lumière l’impact sévère de la fatigue sur les marins. 

Retour sur un événement passé — l’échouement du Rhodanus —, qui est un exemple frappant de l’impact sévère de la fatigue sur l’officier de quart. 

Dans la nuit du samedi 12 au dimanche 13 octobre 2019, le Rhodanus, petit cargo battant pavillon d’Antigua et Barbuda, se dirige droit sur la presqu’île de Cappiciolu, sur la côte sud de la Corse. Appelé par le CROSS à maintes reprises par VHF, le navire ne répond pas. Il s’échoue au sein de la réserve naturelle de Bonifacio, au lieu-dit « Cala Longa ». Seul en passerelle, le lieutenant responsable de la conduite du navire s’est endormi pendant son quart. Le navire est déséchoué le vendredi 19 octobre et remorqué, avec ses sept membres d’équipage, jusqu’à Fos-sur-Mer. Il n’y a ni victime ni pollution. 
 
Le BEAmer en tire quatre enseignements, et émet trois recommandations à l’armement du navire. 

Les enseignements :

  • 2020-E-24 : lorsqu’un marin ne dispose pas de façon chronique au moins du repos réglementaire au titre des conventions internationales STCW et MLC,.2006, il ne bénéficie pas du temps de détente et de sommeil suffisant pour éviter une fatigue excessive.
  • 2020-E-25 : l’accident est la conséquence du non-respect de la réglementation internationale, notamment la convention SOLAS pour l’emploi systématique du système d’alarme de quart à la passerelle de navigation, la convention STCW pour la présence obligatoire de deux personnes en passerelle la nuit et la convention COLREG pour effectuer la veille en utilisant tous les moyens disponibles et adaptés aux circonstances et conditions existantes.
  • 2020-E-26 : un brevet STCW d’officier chargé du quart à la passerelle à bord de navires d’une jauge brute égale ou supérieur à 50023 devrait attester d’un niveau d’anglais minimum permettant à son détenteur de pouvoir communiquer avec les autres navires et les autorités côtières et portuaires.
  • 2020-E-27 : l’État du pavillon devrait vérifier que sur ses navires exploités de façon similaire au RHODANUS, avec seulement deux officiers à faire le quart en passerelle, le safe manning délivré permette aux équipages de respecter les temps de repos minimums.

Les recommandations à l’armement:

  • 2020-R-14 : effectuer une campagne de communication aux équipages de la compagnie sur les dangers qu’entraîne une fatigue excessive à bord, sur la manière de la reconnaitre sur les autres membres de l’équipage et sur les temps minimum de repos obligatoires à prendre au titre de la règlementation internationale.
  • 2020-R-15 : de vérifier que la familiarisation aux équipements d’aide à la navigation soit effective pour les officiers responsables du quart en passerelle sur tous les navires de la compagnie et qu’elle soit effectuée par des personnes compétentes.
  • 2020-R-16 : de s’assurer que les commandants de la compagnie respectent, pour les membres d’équipage, l’affectation prévue dans le contrat d’engagement maritime de chacun.

Conclusion :

L’échouement du Rhodanus est la conséquence d’une gestion des ressources en passerelle défaillante qui a conduit à la généralisation de mauvaises pratiques en termes d’organisation des quarts.

En termes de facteurs humains ayant contribué à l’accident, il y a notamment la position dans l’organisation du bord de la personne responsable du quart lors de l’échouement : embarqué et rémunéré comme matelot mais employé comme officier. Peu expérimenté à la navigation au long cours, il tente de s’affirmer par un surcroît de travail qui empiète depuis trois mois sur ses temps de repos. Avec l’état d’esprit de « faire ses preuves », Il ne se trouve pas en position de remettre en question les pratiques installées à bord. La fatigue accumulée par ce marin n’a pas été détectée par le commandant ni signalée par les autres membres de l’équipage ou par l’intéressé lui-même.

 D’un point de vue procédural et « culture de la sécurité », plusieurs barrières réglementaires sensées éviter qu’une personne soit seule en passerelle la nuit et qu’elle puisse s’y endormir ont été transgressées, notamment en autorisant le veilleur à quitter son poste et en neutralisant le système d’alarme de quart à la passerelle de navigation. De plus, les pratiques en passerelle sur le Rhodanus révèlent une utilisation restreinte des outils d’aide à la navigation disponibles à bord.

 Concernant les conditions de veille en passerelle, le défaut d’utilisation du BNWAS, l’absence de veilleur et la mauvaise utilisation du radar, on relève de grandes similitudes avec la situation constatée à bord de l’Ulysse entré en collision avec le CSL Virginia à proximité du Cap Corse le 7 octobre 2018. On constate à nouveau des pratiques à bord en décalage avec les conventions SOLAS et STCW.

Les autorités maritimes côtières ont mis en œuvre toutes les actions possibles à leur disposition pour attirer l’attention du bord et tenter de prévenir l’échouement. Toutefois, les règles locales de circulation maritime et les délais de mise en œuvre des moyens d’intervention disponibles ne permettent pas aujourd’hui d’intervenir de nuit, dans les délais que nécessite le risque d’un navire de commerce qui se dirige droit sur la côte.

Télécharger le rapport ici, version française et anglaise

 

François-Xavier Rubin de Cervens 

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