Jeune Marine a le plaisir de vous proposer un nouveau volet du « Journal de bord de la première Semi-circumnavigation Côtière de l’Antarctique occidentale par le navire d’exploration polaire Le Commandant Charcot. »
Cette formidable aventure vous est narrée par Nicolas SERVEL, Chercheur en biologie marine actuellement embarqué sur le Commandant Charcot, Président de TAXALIA-XR et contributeur pour la revue Jeune Marine : que de talents ! Il nous fait l’extrême honneur de suivre le déroulé avec le Commandant Stanislas Devorsine.
- Coordonnées GPS départ : 67°34,5’ S / 67°55,6’ W
- Coordonnées GPS arrivée : 68°30,1’ S / 73°16,3’ W
- Distance parcourue : 200 NM
Météo :
– vent : Force 7-8. 20 nœuds de secteur nord-ouest sous le vent des îles, puis navigation 40 nœuds avec des rafales à 50 au sortir de la Baie Marguerite
– houle : 3m à 4m de secteur nord-ouest
– glace : 1/10 dans la Baie Marguerite. Aucune au large
– courant : veines de circumpolaire d’ouest à 1/2 nœud
Ce matin, c’est opérations ! Le Commandant Charcot se poste en positionnement dynamique devant l’ancienne base britannique de Stonington, où résidèrent les deux premières femmes à hiverner en Antarctique en 1947-48. Cette stratégie, bien connue des officiers Ponant sous toutes les latitudes, permet ici de jouer avec les glaces poussées par le vent telle une armada de voiliers en perdition. Elle génère également un dévent au niveau de la plateforme de débarquement, appelée gangway.
J’enfile ma Regatta, une combinaison polaire intégrale, et rejoins Gaël, l’officier expédition. Nous embarquons dans le zodiac depuis la porte de bordée bâbord, directement suspendus à grue, trois mètres au-dessus des vagues. Une fois à l’eau, nous récupérons les pilotes à la gangway tribord pour procéder au débardage de la flottille. Je pilote le zodiac éclaireur, que nous appelons scout, avec à bord la cheffe d’expédition Florence. Nous explorons les côtes de l’île de Stonington à la recherche d’un site d’atterrissage. L’île triangulaire est peu commode aujourd’hui. À l’ouest, les rochers sont battus par la houle. À l’est, le front du glacier présente un risque fort de vêlage ravageur. Finalement, ce sera une approche par le sud.
Malgré le ressac, je parviens à pointer la proue du zodiac contre un bloc de granit. J’ouvre les gaz ; l’équipe peut mettre pied à terre. Florence donne le feu vert et le débarquement des passagers commence. Les derniers cormorans que nous verrons avant longtemps daignent nous survoler, et nous dénichons même un phoque crabier étendu sur un morceau d’iceberg. Les scientifiques effectuent quelques prélèvements de neige et d’eau de mer afin d’y chercher d’éventuels microplastiques. Vers midi, nous remontons les zodiacs sur le navire et mettons cap au 269.
Vers 14h, le Commandant Devorsine et Lucas, son second, réunissent l’équipage. Au programme, itinéraire et sécurité. Nous serons bientôt à plus de six jours pleins-gaz de tout secours, chacun doit redoubler de prudence. Le froid extrême, les vents violents, le verglas sur les ponts extérieurs, et les cahots du navire dans la glace sont autant de dangers qu’il nous faudra intégrer à notre quotidien. Florence et le Commandant insistent tout de même : cette semi-circumnavigation est exceptionnelle, nous devons tous en profiter. Au terme du briefing, je remonte en passerelle. Nous abordons la houle aux trois-quarts face ; les embruns qui jaillissent de la proue balayent l’hélideck jusqu’aux vitres du pont 8. La station météo embarquée enregistre un solide force 7. Il fait 0,6 degrés pour 40 nœuds de vent, 82% d’humidité et 985,8hPa de pression atmosphérique. Ces données, précieuses par leur rareté, sont fournies à météo France : Le Commandant Charcot apparait même sur les cartes Windy.
Nous finissons la journée en mer de Bellingshausen. Demain, nous aborderons l’île Charcot.
Nicolas Servel
