Chronique littéraireJeune Marine N°269

Dans le sillage du Voilier Rouge

Dans le N°266 de Jeune Marine, vous faisiez connaissance avec la jeune maison des Editions Voilier Rouge qui ne publie que des textes issus du patrimoine maritime. Cette nouvelle chronique vous présentera succinctement chacune de ses nouvelles publications.

Un rapport de mer historique :
suivre Napoléon sur la route de Sainte-Hélène

Apprendre aux futurs officiers à rédiger un rapport de mer est certainement l’un des enseignements diffusés à l’ENSM les plus utiles dans toutes nos vies professionnelles. Concision, objectivité, sens de l’analyse et clarté dans l’expression des faits sont des qualités rédactionnelles précieuses et rares. Grâce aux Editions Voilier Rouge, nous découvrons la valeur historique d’une telle pratique, car les témoignages de marins qu’elles nous offrent sur la personnalité et l’histoire d’un empereur déchu sont aussi limpides et fluides qu’honnêtes.

Rémi Blanchet, le fondateur des Editions Voilier Rouge, nous propose une nouvelle traduction de récits parus en Angleterre et aux USA dans la première moitié du 19e siècle. Le premier est dû à la plume de Frederick Lewis Maitland qui commandait le Bellerophon à bord duquel Napoléon fut convoyé de l’île d’Aix à la baie de Plymouth, et le second, rédigé par l’amiral George Cockburn, nous emmène de Plymouth à Sainte-Hélène.

Napoléon est certainement l’un des personnages les plus controversés en Europe : héros militaire pour de nombreux Français, tyran pour les Allemands, qui s’y rallièrent pourtant lors de ses premières victoires et conservèrent de son génie administratif le Code civil et le cadastre, ennemi juré pour les Anglais, vaincu symbolique pour la fierté nationale russe, l’empereur des Français ne laisse personne indifférent. Capitaine à 23 ans, général à 24 ans, Premier Consul et initiateur de la Constitution de l’an VIII à 30 ans, empereur conquérant puis défait, Napoléon a suscité des centaines d’ouvrages, mais celui qui nous est offert par les Editions Voilier Rouge éclaire le personnage sous un jour nouveau. Deux officiers de marine britanniques, ses ennemis les plus obstinés, qui ne peuvent être soupçonnés de flagornerie, tombent sous le charme d’un homme dont on comprend ainsi qu’il ait pu être aussi populaire parmi ses grognards. Capable de s’intéresser aux caractéristiques techniques des navires sur lesquels il est embarqué, commentant les exercices d’artillerie en mer, comparant la formation des officiers de marine en Angleterre et en France ou interrogeant ses hôtes sur la stratégie navale, il fait preuve d’une inlassable curiosité dans ce moment cruel où il apprend sa déportation « dans une île déserte des tropiques ».

Alors qu’il passe d’abord pour un brillant stratège de la guerre terrestre et que l’histoire maritime ne retient de son ère que la défaite de Trafalgar, nous découvrons l’intérêt qu’il portait à sa marine et les espoirs, déçus, qu’il plaçait en elle. Soucieux de mises en œuvre pratiques, il révèle à Cockburn avoir fait dresser un inventaire français du bois de chêne propre à la construction de 1000 vaisseaux de ligne, et que, les mâts étant habituellement fabriqués à partir d’essences de la Baltique, il avait imaginé utiliser les sapins de Corse… deux ans après leur coupe. Il comptait sur la conscription côtière pour disposer de 20.000 marins par an, mais il considérait comme une faiblesse le manque de formation et d’expérience de ses officiers.

Riches en révélations sur des épisodes et des rencontres qui ont marqué l’homme, les récits fourmillent aussi d’anecdotes qui humanisent le personnage, tel le don qu’il propose de faire aux marins pour s’éviter les facéties d’un baptême au passage de la ligne, et sont riches en propos très libres, qui tranchent avec la raideur royale à laquelle l’époque nous avait habitués, montrant chez lui un sens aigu de l’observation : « ce que j’admire le plus (à bord), c’est l’extrême silence et la conduite ordonnée de vos hommes. A bord d’un navire français, tout le monde s’appelle, donne des ordres et tous jacassent comme des oies. » 

Si les Anglais passent pour d’excellents historiens, leurs marins ne sont pas en reste !

 

Napoléon sur la route de Sainte-Hélène

Capitaine Frederick Maitland – Amiral George Cokburn

Editions Voilier Rouge

www.editionsvoilierrouge.com

CORSICA linea recrute... DES OFFICIERS PONT & MACHINE CORSICA linea recrute... DES OFFICIERS PONT & MACHINE

Nos abonnés lisent aussi...

Bouton retour en haut de la page