Jeune Marine N°269

La formation comme levier de la transition écologique du secteur maritime

Remettre l’humain au cœur des solutions

Dans la droite ligne de l’une de ses missions – l’évolution des compétences des gens de mer – La Touline a lancé une étude, en partenariat avec l’Office Français de la Biodiversité (OFB)[1], sur les besoins de formation des marins aux enjeux de préservation de la biodiversité.

En effet, la biodiversité est en train de subir un effondrement de grande ampleur « La nature décline de façon globale et à des rythmes sans précédent dans l’histoire de l’humanité »[2]. Le dernier rapport du l’IPBES[3] indique, par exemple, que 66% de la biodiversité marine (connue) est gravement altérée. En cause : des pressions qui seraient toutes d’origines anthropiques. Or, la biodiversité est à la base de la vie humaine sur terre et nous rend de nombreux services (appelés services écosystémiques).

De son côté, le GIEC, dans son dernier rapport[4], parle d’un réchauffement climatique supérieur à 2°c (tous scénarios confondus) si nous ne réduisons pas, dès aujourd’hui, nos émissions de gaz à effet de serre (GES).]

Campagne de communication de l’Association La Touline « Les métiers de marins ont de l’avenir » 2022[5]
Face à ce constat, la transition écologique apparaît inéluctable. Elle peut se définir comme étant une mise en action du principe de développement durable, vers un nouveau modèle économique et social qui renouvelle nos façons de consommer, de produire, de travailler et de vivre ensemble.

Au cœur des trois piliers du développement durable, l’économie, le social et l’environnement la formation apparaît comme un levier accélérateur de cette transition au sein de la société.

Donner les moyens aux personnes – citoyen(ne)s, salarié(e)s, chef(fes) d’entreprise – de comprendre et de s’approprier ces enjeux dans le but de participer à l’évolution des métiers dans chaque branche d’activité, notamment le secteur maritime, se révèle primordial.

Par ailleurs, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre[6], la transition écologique peut s’avérer être un levier pertinent de remobilisation et d’attractivité, en développant de nouvelles compétences, plus « vertes » (ou « bleues »), et en donnant du sens au travail.

L’innovation technologique ne peut pas être la seule réponse aux défis de demain. Il faut remettre l’humain au cœur des solutions.

C’est sur la base de ce constat, et dans l’objectif de mobiliser la communauté éducative maritime, que nous avons mené une enquête auprès des marins[7] en formation (initiale et continue) et des entreprises du secteur maritime (notamment via le réseau de notre partenaire Armateurs de France) afin d’identifier les besoins et les attentes vis-à-vis de ces enjeux.

Les marins sont plus de 90% à déclarer que les professionnels de la mer ont un rôle à jouer dans la préservation de la biodiversité.

« En matière de prévention de la pollution, il n’y a rien de plus efficace que des individus conscients de leur impact sur l’environnement et soucieux de le limiter au maximum »[8]

Appliquer la réglementation est une chose, et il faut dire que le secteur maritime a fait preuve d’avant-gardisme en se dotant d’une réglementation internationale dès les années 1970 (convention MARPOL[9]), mais saisir précisément les enjeux en termes de préservation du milieu marin en est une autre.

« Il y a un travail monstrueux à faire et c’est inadmissible que les formations maritimes n’intègrent aucune dimension écologique »[10]

Fonctionnement des écosystèmes marins, rôle des océans dans le changement climatique, pollution plastique des océans, impact du bruit sous-marin sur les cétacés, impact des espèces exotiques envahissantes sont autant de sujets essentiels à appréhender pour opérer une transition vers un secteur maritime durable.

A la question, « souhaiteriez-vous que la biodiversité et ses enjeux en termes de préservation soient plus présents dans les formations maritimes ? », plus de la moitié (65%) répondent « oui ». A l’image des étudiants en grandes écoles dans le manifeste « pour un réveil écologique » de 2018[11], les étudiants/stagiaires de la formation maritime souhaitent se former pour être pleinement acteurs de la transition.

« En étant les personnes passant le plus de temps en mer, nous finissons par devenir des observateurs privilégiés et ambassadeurs potentiels »[12]

Surveiller les populations d’espèces, avoir des pratiques plus durables, faire l’économie des ressources à bord, collecter des données scientifiques, réduire la vitesse pour limiter la pollution sonore, effectuer le recyclage des déchets de manière plus importante sont autant de solutions mises en avant par les marins interrogés.  

Du côté des compagnies maritimes[13], la majorité des représentants déclarent que la transition écologique va avoir un fort voire très fort impact sur leurs activités. La prise en compte des enjeux de la transition écologique représente en effet

« Une part essentielle à l’évolution des métiers »

Pour le moment, le sujet de la transition écologique du secteur maritime est essentiellement traité au travers du prisme de la transition énergétique[14] : amélioration de l’efficacité énergétique, énergies alternatives, éco-conception, etc. ; évolutions qui vont inévitablement engendrer de nouveaux besoins de formation, notamment pour l’entretien et la maintenance de ces nouvelles technologies.

L’étude des différents référentiels de formations maritimes montre que les enjeux de transition écologique ne sont, pour le moment, que très peu intégrés dans les cursus de formation des marins en France. Pourtant, l’avenir se prépare. Les enjeux d’attractivité des métiers sont au cœur de notre filière.

Il est vrai que les normes de formation sont fixées par la convention internationale STCW[15] mais la France ne pourrait-elle pas faire preuve d’exemplarité en la matière ?

La Touline est à l’écoute de tous commentaires, observations, et plus globalement contributions.

brest@latouline.com
https://www.latouline.com/


[1] https://www.meretmarine.com/fr/formation-et-emploi/la-touline-et-l-ofb-travaillent-ensemble-pour-former-les-marins-a-la
[2] IPBES 2019, Summary for policymakers of the global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. S. Díaz et al, IPBES secretariat, Bonn, Germany. 56 pages
[3] Souvent décrit comme le « GIEC pour la biodiversité », l’IPBES est un organisme international créé en 2012 qui regroupe plus de 130 Etats membres.
[4] GIEC 2023, AR6 Changement climatique, rapport de synthèse
[5] https://www.latouline.com/orientation/decouverte-metiers/metiers-de-marins/
[6] Drewry Shipping Consultants, 2023, Le marché du travail des gens de mer est le plus tendu jamais enregistré.
https://www.drewry.co.uk/maritime-research-opinion-browser/seafarer-labour-market-tightest-on-record
[7] 378 questionnaires remplis, ce qui représente 9% de la population ciblée
[8] Marin en formation Officier Chef de Quart, 30 ans
[9] Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires
[10] Marin en formation Capitaine 200, 31 ans
[11] https://pour-un-reveil-ecologique.org/fr/
[12] Marin en formation Capitaine 200, 36 ans
[13] 47 questionnaires remplis
[14] DGAMPA, 2023, Feuille de route de décarbonation de la filière maritime. Proposition de plan d’action pour décarboner le maritime national, assurer la souveraineté d’approvisionnement de la France. 67p
[15] Convention sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille

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