LA PERIODE DE GUERRE.
Très peu d’officiers trouvent un embarquement. Certains arrivent, faute de mieux, à entrer dans des services sédentaires, ou font du gardiennage de navires désarmés. On crée les premières Ecoles d’Apprentissage Maritime, (Grandcamp, Marseille), fruit des efforts du Père Lebret.
A Marseille, les Pères Bégouen-Demeaux et de Laubier se retrouvent et reprennent leurs activités auprès des élèves de l’Ecole de la Marine Marchande. Au printemps 1940 ils suscitent la réapparition d’EQUIPES D’HYDROS qui sera diffusé dans les autres écoles d’hydrographie à partir de 1942. En septembre 1943, Georges Bergoin devient secrétaire de Jeune Marine qui vient de se créer et le bulletin, toujours ronéotypé, devient JEUNE MARINE dès 1943 pour se réintituler pendant un temps JEUNE MARINE MARCHANDE au début de 1944.
Finalement, en octobre-novembre 1944, sort le premier numéro imprimé de JEUNE MARINE, ce
qui fait que l’exemplaire qui contient le présent article appartient à la 80ème année.
Ces années de guerre sont favorables à l’introspection : des groupes de réflexion se réunissent afin de réfléchir aux aspects de la vie de marin.
Dès 1943, un premier camp regroupe des Hydros après leurs examens sur les bords de la Seine à Notre-Dame-de-Bliquetuit, les rivages marins étant interdits par l’occupant allemand. D’autres camps suivront, jusqu’en 1948, pour les Hydros de Paris, Marseille, Le Havre et Nantes.
Si Joseph Lebret reste la référence économique et sociale de Jeune Marine en ces premières années, la référence philosophique sera Emmanuel Mounier, qui avait développé l’idée de Péguy d’une synthèse entre le christianisme et le socialisme. Sa doctrine, le personnalisme, voulait maintenir « le primat de la personne humaine sur les nécessités matérielles et sur les appareils collectifs qui soutiennent son développement ».
L’APRES-GUERRE
Le 4 juin 1945, l’association Jeune Marine est déclarée à Paris. Le 19 juin 1946 ses statuts sont déposés à Rouen dans la structure juridique définie par la loi de 1901 et son siège social est établi à Paris. Mais dès 1946 la revue est imprimée au Havre et la Rédaction y est transférée en 1947 avec pour président Max Thibaud, et Albert Pellicé pour gérant. Ce sont le Père de Laubier et Madame Bisson qui se complètent pour assurer les tâches d ‘animation et de secrétariat de rédaction de la revue.(10) Alain Cédel et Robert Vrinat apportent leur aide régulière.
C ‘est à la même époque que débute l’expérience d’apostolat en milieu ouvrier. Le Père Bégouen-Demeaux et le Père Jean-Marie Butel, jésuite, aumônier de la J.M.C. constituent l’Aumônerie Générale de la Marine Marchande, déclarée en 1948 à Paris. (1 & 11) Une Mission est constituée au Havre avec trois prêtres, dont les premiers ont embarqué dès 1947. Les actions en milieu officier et équipage sont développées parallèlement et différemment (1 ).
Mais en 1959 l’expérience des prêtres ouvriers est arrêtée par décision de Rome, et en 1961 le couvent des Dominicains du Havre qui assure le support intellectuel de l’équipe ferme ses portes. Le Père de Laubier quitte Le Havre ; malade, il décédera le 13 mars 1962. Le Père Bégouen-Demeaux rejoint le couvent de Casablanca en 1961. Il s’y consacrera jusqu’à sa retraite au rapprochement oecuménique des trois religions issues du Livre : catholiques, israélites et musulmans.
Jeune Marine subsiste grâce au travail de Madame Bisson et d’une petite équipe de « sédentaires », souvent pilotes. Mais l’esprit ne souffle plus. Le nombre des abonnés diminue lentement pour atteindre les 500.
Madame Bisson, fatiguée par une vingtaine d’années de dévouement, se retire. Une nouvelle équipe se constitue alors afin de relever le défi et maintenir la revue.

LA REORGANISATION DE 1974
Le nouveau bureau se constitue autour du Président Cogan, ancien directeur de l’agence des Chargeurs Réunis du Havre, avec un petit groupe constitué principalement de pilotes du Havre et de la Seine, auquel s ‘adjoignent quelques navigants de passage, trop peu nombreux.
De nouveaux statuts sont rédigés et déposés au Havre. Avec le recul on a l’impression que la transformation de la revue d’idées en revue professionnelle est alors préparée. Une nouvelle couverture bleu marine est créée sous le sigle JM.

André Descol assure la direction. Tout est à relancer : abonnements, recherche d’articles, nouvel imprimeur, car le précédent double ses prix du jour au lendemain.
Le démarrage est laborieux. Pour économiser sur la dépense, les étiquettes adresses sont rédigées à la main, les articles manuscrits dactylographiés avec l’aide d’une amie. Une prospection des compagnies est entreprise par le président Cogan afin d’obtenir des abonnements… Michel Maheu recherche un imprimeur consciencieux et raisonnable : après Etaix au Havre, c’est la SPEDIM à Paris, puis Courtin à Louviers.
Mais il faut travailler avec une imprimerie située à proximité de l’équipe de rédaction. C’est fait en avril 1978: l’imprimerie Grenet sort avec ce numéro 22 de Jeune Marine son premier périodique. Elle se développera dans ce sens jusqu’à devenir l’une des premières de la place.
Le travail porte ses fruits : à la fin des années 70, le tirage a franchi les 1000 exemplaires, et les abonnements dépassent les 900. Le commandant Albert Abelanet succède au Cdt Cogan à la présidence en 1977.
Le contenu devient plus technique, reflétant les préoccupations de la nouvelle équipe rédactionnelle, dans laquelle, seul le directeur maintient le lien avec les créateurs originels.
Mais alors que la revue semble avoir acquis sa vitesse de croisière, on observe un nouveau fléchissement du nombre des abonnements : la flotte française commence son déclin qui l’amènera de 485 navires en 1974 à 213 en 1991, le nombre d’officiers diminuant en proportion.
Sans se décourager, l’équipe cherche à conquérir de nouveaux lecteurs en développant des thèmes susceptibles d’intéresser des non-marins : maquettistes (avec M. Schou), ship-lovers (avec Hans Pedersen qui commence une longue série d’historiques de compagnies), amateurs de marine (Eric Weiss, Ch.H. Mercier), spécialistes (Yann Le Gouard, actuellement édité au Marin). En 1985, afin de réduire les coûts d ‘impression, avec l’accord de l’imprimeur, on sort un numéro 57 dans lequel certains articles ont été reproduits tels qu’ils sont sortis d’une imprimante
d ‘ordinateur à aiguilles. La solution au problème des coûts d’impression est là : la composition représente 30 % de ces frais.
En 1986, on sort les textes sur une imprimante laser louée, et à la fin de la même année on achète un ordinateur Macintosh sur lequel des membres du comité de rédaction composent les textes.
La présentation est améliorée par Eric Houri. Une étude de rapprochement avec Le Maillon n’aboutit pas à cause des difficultés techniques de fabrication à Paris et au Havre selon des procédés différents, et en raison de la distribution gratuite de La Maille à bord des navires. L’élargissement de l’audience surviendra en 1989 lorsque Jeune Marine commence à publier des textes de la nouvelle association Hydro. Cet essai se concrétisera en février 1991 par un protocole d’accord entre les deux associations qui conserveront leur autonomie de gestion.
Il reste que le précédent numéro a été tiré à 1350 exemplaires, la qualité est l’objet des
soins constants de l’équipe rédactionnelle, le courrier reçu indique qu’il faut continuer dans
cette voie. Souhaitons que Jeune Marine recherche longtemps encore des auteurs bénévoles, en toute indépendance…
La suite et fin dans le prochain épisode.
Notes
(1) Michel Begouen-Demeaux : La transmission de la foi dans la marine de commerce française
entre les années 1930 et 1950, in : Actes du 109e congrès des Sociétés Savantes. Dijon 1984.
(2) Jacques Traizet : les origines de notre mouvement, in n° 1 de la revue Présences.
(3) Fondée à Saint-Malo en 1929.
(4) J. Traizet : voir note 2.
(5) Le Secrétariat Social Maritime se transformera en Centre d’Etudes et d’Actions Sociales Maritimes (CEASM) en 1960, l’influence chrétienne rencontrant d’autres courants de pensée, dont le courant marxiste. En 1989, il deviendra Association pour le Développement des Activités Maritimes. Il effectue des études pour le compte de la Commission Européenne, le Ministère de la Mer, celui de la Recherche… Il entreprend des actions au Sénégal, Guinée- Bissau, et au Mozambique conjointement avec le C.C.F.D.
(6) Le Cri du Monde n° 10 – septembre 1967. J. Batuaud : L’évangile dans l’économie politique.
(7) Rappelons que René Moreux était un universitaire qui fut appelé par René Plisson, fondateur du Journal de la Marine Marchande en 1920, afin de sauver le journal mal géré. Il réussit au-delà de toute espérance puisque le JMM en est aujourd’hui à sa 74ème année. (Louis Bigard : Mes premières trente années dans les Affaires maritimes. Largentière 1951).
(8) Louis-Joseph Lebret et René Moreux : Les professions maritimes à la recherche du bien commun. Dunod 1939.
(9) Voir à ce sujet : Jean-Yves Calvez : L’économie, l’homme, la société. L’enseignement social de l’Eglise. Desclée de Brouwer, 1989.
(10) J. Bérar, faire-part de décès de Madame Bisson le 22 mai 1984, dans Jeune Marine n° 54 /1984.
(11) R. Bedel : La Mission de la Mer au Havre dans Jeune Marine n° 50 /1983.