AEM2024

AEM 2024 – Quelle stratégie nationale ?

Les Assises de l’Économie de la Mer nous ont offert de brillants exposés à connotation stratégique. Il est dommage que chaque morceau du puzzle dont le dessin est talentueux mais partiel, ne s’assemble pas toujours aux autres pour former une image compréhensible. Autrement dit, l’auditeur a parfois du mal à mettre bout à bout les différents exposés pour se forger une idée simple mais complète de ce que devrait être une stratégie nationale.

Jean-Yves LE DRIAN © AEM24 Ilago DR

L’ancien ministre Jean-Yves Le Drian, qui parle encore d’une voix autorisée, a expliqué comment la géoéconomie avait laissé la place à la géopolitique dans un contexte de démondialisation et d’appropriation des mers par des puissances régionales. Le réarmement naval dans le monde est impressionnant et les préoccupations de sécurité priment désormais sur celles des échanges.

Amiral VAUJOUR © AEM24 Ilago DR

L’Amiral Vaujour a exprimé une forte inquiétude sur l’évolution des conflits qui, de terrestres, s’étendent désormais en mer. Le Chef d’état-major de la Marine a lui aussi parlé d’une bascule dans l’appropriation des espaces qui va de pair avec un développement inquiétant et rapide de nouvelles armes dont nous pouvons observer dans les conflits larvés qu’elles comprennent des armes « cheep ».

Didier LALLEMENT © AEM24 Ilago DR

Compte-tenu de ces inquiétudes exprimées avec franchise, nous attendions beaucoup de la conférence du secrétaire général de la Mer qui suivait et s’intitulait « Flotte stratégique, une urgence ? ». Ce serait peu dire que Didier Lallement nous a déçus ! Rappelant l’excellent travail du député Chenevard dans son rapport dont Jeune Marine a rendu compte, et qui se résumait à affirmer que la flotte stratégique nécessitait des navires sous pavillon français et des officiers français formés, il a enfoncé le clou : « Il faut être en capacité de faire face aux crises. Nous voulons rendre concrète la flotte stratégique. Nous faisons tout pour être prêt ». Puis, le secrétaire général de la Mer a quitté l’estrade sur cette dernière déclaration qui tenait lieu de conclusion, nous laissant sur notre faim quant aux mesures que son gouvernement et son administration allaient prendre.

Loïc Rocard © AEM24 Ilago DR

Volonté des organisateurs ou hasard de la programmation, la communication suivante s’intitulait : « propulsion nucléaire : quels futurs usages pour les navires civils et militaires ? ». Il ne nous avait pas échappé que les navires civils venaient avant les navires militaires dans cette question dont nous attendions beaucoup. Pierre-Éric Pommellet, PDG de Naval Group, et Loïc Rocard, PDG de Technicatome, le concepteur des chaufferies, étaient les mieux placés pour parler avec passion de la propulsion nucléaire des sous-marins et des porte-avions, rappelant que la France avait dans ce domaine une forte et rare compétence, lui donnant un grand avantage stratégique et défensif. Il restait bien peu de temps pour s’interroger sur l’extension de cette technologie aux navires marchands. Nouvelle déception : « c’est une hypothèse raisonnable. Il faudra un acteur industriel majeur. On ne transige pas avec la sécurité et la sûreté ». Certes, mais encore ?

Frustré de n’avoir pas eu le débat attendu sur les questions essentielles de la prolifération, des accidents à proximité des côtes et de la récupération du réacteur en fin de vie, je suis allé interroger Loïc Rocard… qui ne m’a pas apporté de réponses tout en m’assurant que celles-ci viendraient en temps utile !

Résumons-nous, messieurs : nos navires se déplacent dans un monde toujours plus conflictuel et les océans deviennent des espaces disputés. Dans ce contexte, la logistique d’approvisionnement est la clef de notre indépendance. Or, la flotte stratégique n’a pour l’heure de stratégique que le concept. Enfin, la grave question du réchauffement climatique pourrait trouver une réponse dans la propulsion nucléaire dont la technologie, certes onéreuse, est maîtrisée, mais nous n’avons pas obtenu l’esquisse d’une réponse sur les problèmes fondamentaux qu’elle poserait sur des océans qui ne sont plus des lacs paisibles : contrôle complet du cycle et défense contre les agressions extérieures.

 

Eric BLANC

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