Dans son intervention sur les nouvelles conflictualités maritimes, Jean-Yves Le Drian a dressé un panorama clair et concis d’une nouvelle période de défis qui s’ouvre pour le contrôle des océans: morceaux choisis.
En 2012, l’arrivée au pouvoir de Xi Jing Ping en Chine, et le retour de Vladimir Poutine à la tête de la Russie marquent la bascule de la géostratégie mondiale. « La géopolitique du 20ème siècle était continentale, celle du 21ème siècle sera maritime ».
Après la mondialisation « heureuse » née de l’ouverture de la Chine dans les années 90, jusqu’à 2012, nous sommes entrés dans une période de démondialisation où la sécurité devient primordiale, avec le découplage de la géopolitique et de la géoéconomie pour un certain temps. C’est la nouvelle donne mondiale.
Les tentatives de territorialisation des mers par un certain nombre d’acteurs, le renforcement de la vulnérabilité des « artères », câbles, gazoducs, pipelines, la personnalisation des trafics de drogues et d’humains utilisés comme armes, et en complément des enjeux conflictuels pour des raisons climatiques, comme ont fait les Russes en plantant au fond du pôle Nord leur drapeau. Tout cela entraîne un réarmement naval en cours impressionnant avec bien entendu la Chine, mais également l’Inde, l’Indonésie, etc. Qui nous fait entrer dans une phase d’accélération des risques.
À la question de Thibault Teillard, « N’a-t-on pas été trop loin dans la géoéconomie, en nous mettant nous-mêmes en situation de vulnérabilité en n’ayant pas les moyens de nous défendre en cas de rupture des chaînes logistiques ? », Jean-Yves Le Drian répond : « On s’adapte et on a les moyens d’y remédier », car maintenant la sécurité prime sur la géoéconomie. On commence à reparler de droits de douane et d’un retour à une forme de protectionnisme qui suppose une prise en compte par les acteurs de la sécurité.
L’Impact de l’élection de Donald Trump ?
« Je suis un des rares à avoir fréquenté Trump durant quatre années. Je ne confonds pas l’isolationnisme américain et le renoncement à des capacités navales américaines. Trump c’est America first, avec les USA centrés sur leurs propres intérêts perçus à court terme. Mais on n’imagine pas les Américains se priver de la sécurité des flux maritimes ».
« Trump est un homme de deals, de coups… qui ne marchent pas tous ». Indirectement les Américains font passer le message que les Européens ont intérêt à prendre leur destin en main, sinon ils sortent de l’Histoire. On évite de la jouer perso dans tous les domaines qui conduiraient à la dislocation. C’est un enjeu de génération majeure qui passe par notre propre stratégie européenne, même à l’intérieur de l’Alliance atlantique. Nos intérêts ne sont pas toujours les mêmes que ceux des USA, en raison de notre configuration géographique, de notre histoire et des intérêts économiques divergents, en particulier pour l’énergie. Les marines en Europe peuvent jouer un rôle de précurseur, car nous avons des eaux, des intérêts communs et l’habitude de travailler ensemble sur des opérations.
En matière de sécurité collective, il faut renforcer les liens avec les Britanniques, « les Anglais ont été déçus de la période Trump 1 ». Il faut se placer en capacité d’agir en situation autonome. En Europe nous produisons nous-mêmes nos navires, mais nous sommes très nombreux à le faire. Il faudrait une concentration des chantiers navals dans le militaire. Rechercher les convergences en capacités militaires.
Questionné sur le Liban, Jean-Yves Le Drian s’est félicité de l’accord sur la délimitation de la frontière maritime entre Israël et le Liban grâce à la médiation de France et des États-Unis. L’élément important est la découverte de gisements de gaz dans la zone. À cette heure, les conditions pour avoir un accord de paix entre Israël et le Liban, il faut un président libanais qui n’existe pas, pas de volonté d’Israël et un engagement diplomatique international où la France apportera sa contribution.