Commandant CharcotJeune Marine N°266Vie à bord

Journal de bord de la première Semi-circumnavigation Côtière de l’Antarctique occidentale par le navire d’exploration polaire Le Commandant Charcot

Par Nicolas Servel, Chercheur en biologie marine actuellement à bord

Jeune Marine a le plaisir de vous proposer une toute nouvelle rubrique avec ce premier volet du « Journal de bord de la première Semi-circumnavigation Côtière de l’Antarctique occidentale par le navire d’exploration polaire Le Commandant Charcot. »

Cette formidable aventure vous est narrée par Nicolas SERVEL, Chercheur en biologie marine actuellement embarqué sur le Commandant Charcot, Président de TALARIA-XR et contributeur pour la revue Jeune Marine : que de talents ! Il nous fait l’extrême honneur de suivre le déroulé avec le Commandant Stanislas Devorsine.

Voici l’introduction et toutes les explications du principe de cet article au long cours  :

Qu’ils peuvent paraître loin, les temps glorieux de l’exploration et des grandes découvertes, lorsque des pans entiers du monde restaient à déchiffrer et que l’horizon avait encore la place de reculer devant nos proues. La mer, depuis, a été mise en coupe réglée. Les routes sont tracées à l’avance, soigneusement balisées, et les navires sont suivis sans relâche par des armées de satellites prêts à déjouer les pièges tendus par les tempêtes – et cela avant même que celles-ci ne se forment.

Pourtant, il subsiste toujours des zones qui échappent à la maîtrise prométhéenne de l’homme. Des mers cachées sous le couvercle de nuages souvent impénétrables aux satellites, aux remous alourdis par le froid, et qui se ferment et se referment au gré des caprices du mercure. Ces eaux, ce sont les océans polaires, et c’est là que nous allons.  

J’en ai connu un certain nombre, des navires. Des minces, des gros, des élégants, des plus pratiques, des luxueux et même des moches ; à la voile ou au moteur… Mais poser mes valises sur Le Commandant Charcot de la compagnie Ponant, c’est quelque chose d’unique. Il flotte un air d’exceptionnel dans la moindre coursive, un parfum d’aventure comme le 21ème siècle ne sait plus vraiment en offrir. Pour moi, féru de science-fiction, c’est un peu comme prendre pied sur un vaisseau Starfleet et mettre le cap sur les étoiles. L’Antarctique a beau être moins distante, c’est une autre planète. J’y suis déjà venu, mais je sens que cette fois, ce sera différent.  

D’ailleurs, un simple coup d’œil à nos laboratoires de recherche scientifique fait saliver l’océanographe-biologiste en moi. Le Commandant Charcot, c’est un rêve de gosse devenu réalité : un navire d’exploration polaire surpuissant à propulsion hybride, aux azipods dévoreurs de banquise, et sculpté dans l’acier pour tracer des sillages là où les cartes se dérobent. C’est aussi une station de recherche avec ses doctorants, ses microscopes et ses sondes océanographiques, sans oublier un havre de raffinement et une incroyable concentration de talents. De la passerelle à l’expédition et des cambuses à la machine, nous avons tous conscience de nous aventurer aux confins de notre planète, sur les mers les plus périlleuses, hors de portée de tout secours. Les périples du Commandant débutent là où s’achèvent les autres. Une fois là-bas, dans le grand sud, nous serons seuls quoi qu’il arrive -et cette pensée nous soude.

L’itinéraire ? Nul ne le connaît. Il n’y en a pas vraiment. Nous savons que nous partons ce 16 janvier 2023 d’Ushuaïa, la capitale du bout du monde, avec pour ligne d’arrivée le port de Lyttelton sur l’île sud de la Nouvelle-Zélande, le 13 du mois de février. Entre les deux, le temps nous dictera la marche. Nous suivrons les caprices de la ceinture dépressionnaire qui isole l’Antarctique du reste de la Terre. Nous espérons tutoyer les côtes désolées de la Terre Marie Byrd, la plus grande étendue émergée de la planète qu’aucune nation ne revendique tant elle demeure inaccessible, mais aussi les glaciers de l’Apocalypse de la baie d’Amundsen et l’infranchissable Barrière de Ross, terminus maritime le plus méridional au monde. Ce qui est certain, c’est que toutes les opportunités seront bonnes pour aller au-delà de ce que nous connaissons. De l’exploration pure !  

Aperçu de l’itinéraire – ©N Servel – DR

Aussi, avec Jeune Marine, nous avons tout de suite réalisé le potentiel unique de cette navigation afin de créer un journal de bord d’exploration polaire moderne, sorte de clin d’œil aux écrits de nos prédécesseurs tel Jean-Baptiste Charcot, le gentleman des pôles, à qui le nom de notre navire rend hommage. De jour en jour, je travaillerai avec le Commandant Stanislas Devorsine afin d’établir un résumé de nos péripéties au rythme des glaces et des houles, au-delà du 70ème parallèle sud.  

Pour lui, ce voyage est un vieux rêve qui se concrétise, et qu’il nourrissait déjà, m’avoue-t-il, lorsqu’il commandait le brise-glace Astrolabe. S’il concède que Le Commandant Charcot est un outil époustouflant, il sait au-delà de la technique pouvoir compter sur l’équipage. En effet, le navire jouit de ce qui se fait de mieux comme aide à la navigation, mais sous ces latitudes, ce n’est pas suffisant. Il faut à la passerelle développer ce que le commandant appelle « le sens marin », cette intuition de l’environnement qui ne vient qu’avec l’expérience.   

Les cartes météo sont bien en peine de nous prédire les conditions de banquise ou les microphénomènes qui varient d’une baie à l’autre, alors Stanislas Devorsine et ses officiers devront lever le nez, observer, et écouter, humbles et attentifs, la voix des éléments. Sur le Charcot, les marins reprennent les commandes aux ordinateurs de bord. La passerelle est un PC stratégie où ceux-ci élaborent et réévaluent constamment les trajectoires. Épaulé par son second, son chef mécanicien, la cheffe d’expédition, et ses officiers, le commandant gouvernera au fur et à mesure, guidé par la conscience constante que nous sommes seuls face à la démesure de l’Antarctique.   

Au récit de cette navigation, j’apporterai le regard d’un scientifique sur ce morceau de planète invraisemblable, ancré au cœur des grandes circulations océaniques qui régulent le thermostat terrestre, mais frappé de plein fouet par le dérèglement climatique. L’exploration est avant tout une aventure humaine. Je vous propose de partager celle du navire d’exploration polaire Le Commandant Charcot et de son équipage.  

PROTAGONISTES : 

L’auteur : 

Né à Toulon, fils et filleul de pilotes maritimes, Nicolas commence à voyage dès son plus jeune âge. Après de multiples tours du monde par la mer comme par la terre, et des études de relations internationales et sciences de la mer effectuées aux États-Unis, il rejoint l’Université du Pacifique Sud pour un projet de recherche en biologie marine. Une fois ses diplômes en poche, il fonde la société de production audiovisuelle Talaria-XR (Prix Historia) avec sa sœur et devient en parallèle guide naturaliste pour Ponant et Silversea, obtenant ainsi son livret de marin. Il intègre l’équipe Jeune Marine été 2022. 

 

 

 

Le navire LE COMMANDANT CHARCOT 

  •       Navire de Classe Polaire II 
  •       Tonnage : 31,283 GT
  •       150 m de longueur, 28m de bord à bord, et 10m de tirant d’eau
  •       Propulsion hybride Marine Diesel Oil ou LNG avec batteries électriques. 2 azipods ABB (17MW) 
  •       Équipage au 16/01/2022 : 201
  •       Passagers au 16/01/2022 : 81
  •       Rayon de giration : 135m 
  •       Vitesse : 16 nœuds

 

Le Commandant Stanislas Devorsine :

Cdt S. Devorsine
Le Commandant Stanislas Devorsine – DR

Le Commandant Devorsine est un homme franc, sérieux, mais toujours abordable. On n’attend pas du commandant d’un navire comme Le Commandant Charcot qu’il verse dans la fantaisie, et ce n’est effectivement pas le cas. Toutefois, Stanislas Devorsine aime la mer, la glace, et l’Antarctique. Il aime son navire, et c’est avec enthousiasme qu’il a accueilli ce projet de reportage sur l’aspect maritime de la semi-circumnavigation. Voici l’esquisse de l’homme qui va nous mener à travers les eaux sombres et les glaces immaculées du grand sud. 

C’est en 2022 qu’il prend la tête du Commandant Charcot pour la première fois, après avoir participé dès 2018 à la conception des aménagements de la passerelle, aux procédures d’abandon polaires et à l’intégration de l’hélicoptère.

Biberonné aux récits des héros polaires, mordu de grande course et d’aventure maritime de l’extrême, il se passionne de voile très tôt, initié par ses parents. Une fois diplômé de l’Hydro (ENSM) comme Capitaine Seconde Classe (C2MN), il rejoint l’équipe des Abeilles Internationales où il sert sur la Flandre et la Languedoc

En parallèle, il enchaine les courses au large sur tout ce qui flotte et a des voiles, notamment des trimarans. Il participe au trophée Jules Verne en 2004, court sur le Mary Sha 4 et le Pen-Duick 6, et fait équipe avec Bruno Peyron et Olivier de Kersauson. 

Chaque année, il écrit à la société Surf qui arme l’Astrolabe dans l’espoir d’en rejoindre l’équipage, et c’est en 2007, au rachat du navire par l’antenne australienne de P&O que ce souhait s’exauce. D’abord comme Second Capitaine, puis Commandant à partir de 2013, il enchaine les rotations scientifiques entre la Tasmanie et la Terre Adélie pour le compte des Terres Australes et Antarctiques Françaises afin de desservir la base scientifique de Dumont Durville en Antarctique. 

La tâche s’avère ardue, car le navire peu puissant évolue dans les conditions extrêmes de l’Antarctique orientale. C’est justement cela qui attire le Commandant Devorsine. Il décrit d’ailleurs affectueusement son arrivée aux commandes du Commandant Charcot comme le passage d’une vieille quatre-ailes à un quatre-quatre.

 

Nicolas SERVEL

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