À la uneJeune Marine N°254

OFW SHIPS : et si l’écologie n’était qu’affaire de bon sens ?

« Les approches intellectuelles d’un projet peuvent différer selon les individus. Régis REVILLIOD, président fondateur d’OFW et d’Optimum Consulting nous fait le privilège de nous exposer sa vision qui a conduit à la naissance d’un armateur pour produire de l’eau en bouteille à partir de l’eau de la mer des profondeurs. Idée saugrenue pour les uns, géniale pour les autres, mais quelle est réellement la réalité et à quoi sert l’affrètement d’un navire pour produire de l’eau ? A l’heure de la responsabilité écologique voici ses solutions : »

1. Bonjour Monsieur REVILLIOD, vous êtes le président fondateur d’OFW SHIP pouvez-vous nous expliquer les origines de votre projet ?

La naissance d’un concept novateur est bien souvent le résultat d’expertises et de la concomitance de plusieurs idées ou situations. Ce fut le cas pour OFW SHIPS !

Le marin est homme de Ports. Ce sont les premières portes des villes, où finalement se mêlent la pauvreté, les opportunités, et l’espoir. Le marin y côtoie la faim, la soif et au cours d’une carrière, développe forcément un profond sens de l’humanité. Depuis toujours, j’avais à cœur d’apporter une solution au stress hydrique. La pénurie en eau est déclarée et grandissante. Il y avait urgence d’agir.

Elevé au Marinol, un médicament à base d’eau de mer des Laboratoires la Biomarine de Dieppe, tellement imbuvable (salé !) qu’il laisse des traces. Néanmoins convaincu des bienfaits de l’eau de la mer, c’est devenu une obsession : enlever le sel de la mer pour la consommer (avec plaisir !).

O Deep One amarré dans le port de Sète © Jeune Marine

Il faut savoir que je suis propriétaire d’une société d’ingénierie, Optimum Consulting, qui a été le porteur du projet Ocean Fresh Water. Depuis 25 ans, nous automatisons des barges de pose de pipelines et des usines dans l’agroalimentaire (vins et champagne, panification, produits laitiers, boissons). En 2013, nous venions de faire une usine d’embouteillage pour le compte d’un client prestigieux. Après ce lourd chantier, j’ai pris quelques jours dans le Lot. J’apprécie particulièrement les vide-greniers de cette région. Cet été-là donc, je suis tombé sur un ouvrage sur Colbert. Emblème et Maître à penser de la marine, j’avoue que je n’avais jamais rien lu sur Colbert… Après la lecture des 10 premières pages, j’ai compris que le business modèle de la marine marchande, tel qu’il avait été pensé, n’existait plus. A l’origine, l’armateur était propriétaire de la marchandise qu’il transportait. Imaginez aujourd’hui si CMA CGM était propriétaire-marchand des biens qu’il transporte… Tout est dit. J’ai donc réfléchi sur la nature même de la marine marchande, à un retour aux sources et ai construit un scénario où je serais propriétaire d’une marchandise que je produirais à bord d’un navire afin d’être doublement rentable. Comme je venais de faire cette usine d’embouteillage, l’idée a germé de mettre une usine du même type dans un navire. J’ai implanté l’usine sur les plans d’un ferry, bingo, c’était possible.

Restait à enlever le sel de la mer pour la mettre en bouteille… C’est au restaurant que j’ai eu la dernière révélation. Je ne sale jamais, j’étais avec un ami Marine Marchande qui me surprend à saler sa sole… C’est là où je me dis, voilà un poisson qui vit dans l’eau de mer et sa chair n’est pas salée. Comment est-ce possible ? Ce que la nature fait, on doit pouvoir le reproduire. La R&D a été guidée par cette filtration membranaire.

2. Pourquoi partir sur un modèle embarqué : la mise en place d’une usine à terre n’est-elle pas une solution plus simple, moins coûteuse et surtout plus vertueuse écologiquement ?

L’installation et l’automatisation d’une usine, qu’elle soit à terre ou embarquée, sont identiques dès lors que les contraintes sont identifiées. Tout est question de cahier des charges. Dans notre cas, puiser de l’eau de la mer à 300 m de profondeurs par 2000 m de fond, c’est de l’off-shore, ce n’est pas viable économiquement. Par ailleurs, le process innovant de filtration sélective ne peut se faire qu’en pleine mer, à la dérive et intégré au cycle de fabrication. Cela assure une production en circuit fermé, gage de sécurité sanitaire. Néanmoins, cette réalisation embarquée, assujettie à la taille du navire, n’aurait pas été possible sans les avancées technologiques de l’industrie des 5 dernières années.

Passerelle de l’O Deep One © Jeune Marine
Salle de contrôle machines de l’O Deep One© Jeune Marine

D’un point de vue écologique, il y a plusieurs avantages considérables. OFW SHIPS a bâti son business model sur la production d’une eau de qualité avec l’empreinte carbone la plus faible possible. Une usine sur un navire devient par nature mobile. La production s’affranchit donc des sites traditionnels pour se positionner en face des pays consommateurs. Ce ne sont plus les bouteilles qui voyagent mais l’outil de production. L’activité maritime spécifique que nous avons permet de réduire considérablement la consommation de DO low sulfure (vitesse max de 8 nœuds sur 1 MP, propulsion stoppée 85% du temps, SWAC). A terre, la consommation d’électricité et d’eau serait plus importante pour une chaîne de même envergure.

Cuisines de l’O Deep One © Jeune Marine

3. En parlant de vertu écologique, nombre de projets partent sur un modèle neuf recyclable, votre choix de « recycler » un navire non exploité est-il un choix ou une opportunité ?

L’ADN de notre compagnie maritime est de produire avec une empreinte carbone maîtrisée. OFW ships a fait le choix de ne pas recourir à la construction neuve, mais de revamper un navire dont l’empreinte carbone de sa construction est déjà amortie, cela a demandé 6mois1/2 de travaux au chantier. Nous lançons un programme ambitieux de réduction carbone sur les 10 prochaines années avec le développement de plusieurs innovations maritimes parmi lesquelles : une voile de traction, un système de pyrolyse, des panneaux solaires… pour viser une autonomie énergétique en mer et à quai.

Ce navire est incontestablement une opportunité. Sa fabrication est une prouesse qui traverse le temps et supplante les technologies modernes ! Nous avons vu des centaines de navires avant d’enfin trouver un navire capable d’embarquer l’usine et d’offrir une stabilité telle que nous pouvons produire en toute tranquillité jusqu’à 10 nœuds ! Le système de ballastage automatique est redoutable. Navire soviétique mis à l’eau en 1985, c’est toujours un symbole en Russie ! Ce navire est unique.

L’ODEEP ONE offre une grande flexibilité de par ses volumes. Les améliorations que nous prévoyons visant à tendre vers l’autosuffisance sont possibles grâce à sa grande modularité.

Régis REVILLIOD, présentant l’usine d’embouteillage à bord de l’O Deep One© Jeune Marine

4. L’eau produite provient de l’eau de la mer des profondeurs, actuellement de la Méditerranée : pouvez-vous nous expliquer l’intérêt, les bienfaits et les impacts sur l’environnement ?

D’avant d’être environnementaux, les impacts sont humanitaires.

La raréfaction de la ressource en eau s’amplifie sur la planète. Disposer d’une ressource en eau de qualité devient de plus en plus difficile. Garantir à l’humanité entière de l’eau et en quantité suffisante d’ici à 2050 est illusoire sans innovation majeure comme la nôtre. Il était urgent de concevoir un outil de production alternatif pour produire de l’eau durablement et de façon raisonnée. La source dans laquelle nous puisons est probablement inépuisable (97% d’eau salée sur la terre), une des moins polluée de la planète, qui ne sert ni aux hommes, ni aux cultures.

La qualité de l’eau reste le point d’intérêt majeur de notre entreprise. Notre cahier des charges est très précis et garantit de nous éloigner des sources majeures de pollution. Nous puisons l’eau de la mer à 300m de profondeur dans la zone des grands fonds (+2000m), au grand large. Les emplacements de pêche d’eau de la mer se situent hors des routes maritimes majeures. Cela permet d’assurer des conditions physico-chimiques optimales de l’eau de la mer. À 300 mètres de profondeur, la vie animale est faible et la pêche d’eau ne perturbe pas le milieu marin.

Vue arrière de l’O Deep One à quai ( Port de Sète) © Jeune Marine

L’eau de la mer est le produit naturel par excellence. Peu transformée, sans intrants chimiques et sans additifs, notre boisson est composée d’une matière première unique. Sa recette est simple : l’eau de la mer des profondeurs, sans le sel… Fidèle à l’eau de la mer des profondeurs, elle préserve et restitue sa minéralité marine naturelle. Au total, c’est une diversité unique de 78 minéraux marins, l’une des sources nutritionnelles les plus complètes qui existe sur terre. Cette eau originelle a de surcroît la particularité d’être analogue à la composition minérale du plasma sanguin humain.

5. La partie logistique est elle aussi innovante pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez opté pour des bouteilles en plastique ?

Le verre est un mythe écologique. Supposé vertueux pour l’environnement grâce à son recyclage et historiquement apprécié, le verre n’en est pas moins un réel « fardeau écologique » lorsqu’on étudie son éco-profil tout au long de son cycle de vie. En effet, la fabrication du verre est extrêmement énergivore. La température de fusion du verre est de l’ordre de 1400°C, celle de transformation du PET est d’environ 230°C (températures variant en fonction des caractéristiques des matériaux). La fabrication de 1 tonne de verre engloutit l’équivalent de 105 kilos de fioul. Fondre un kilo de verre produit entre 300g à 500g de dioxyde de carbone (CO2). C’est-à-dire que près d’une bouteille recyclée sur deux est jetée dans l’atmosphère sous forme de CO2. Le pire revenant au verre recyclé. Pour recycler du verre, il faut atteindre 2400°C, pour atteindre ces températures, il faut du coke de charbon ou de raffinerie, les professionnels comprendront… Son poids impacte aussi son transport… In fine, une bouteille de 1 litre en verre génère au cours de son cycle de vie 345 grammes de CO2, contre 129 grammes pour une bouteille en plastique.

O Deep One à quai © Jeune Marine

Notre but est de minimiser l’empreinte carbone de notre production. Ce modèle nous conduit à nous fournir en France tous nos consommables. Nos bouteilles intègrent progressivement un PET 100% recyclés et recyclables. Nous travaillons actuellement à un emballage en PLA. Nous hésitons encore à opter pour cette solution tant que les chaînes de tri n’y sont pas adaptées. A date, lors du recyclage, si le PLA est détecté, la bouteille n’est pas recyclée. Ce qui impose au consommateur d’en faire le tri sélectif.

La R&D sur le plastique biodégradable n’a pas encore atteint la phase d’industrialisation et aucun grand industriel de la boisson n’a pu encore faire ce choix technologique. A l’heure actuelle, nous comptons principalement sur un recyclage accru du plastique pour que l’industrie de la boisson puisse disposer de PET 100% recyclé. Ceci ne pourra que s’accompagner de la mise en place du principe de consigne… Principe rejeté par les instances mais qui devrait indéniablement revenir sur le devant de la scène.

6. La crise COVID a mis en évidence la polyvalence et l’adaptabilité de votre process, de nouvelles ambitions sont-elles nées de cette situation sans précédent ?

Sous la pression de l’urgence de la situation et du besoin, nous avons su déployer des forces et des outils qui jusque-là nous semblaient longs et difficiles à mettre en place. Tout s’est accéléré et forts de nos compétences (scientifique, navale, ingénierie, informatique, logistique), nous avons su en l’espace de quelques semaines révolutionner l’ODEEP ONE, produire et distribuer une solution hydro-alcoolique en Europe ! Un secteur inconnu qu’il a fallu décoder, vite et sans soutien extérieur. Avec l’ODEEP ONE, nous avons prouvé qu’Arnaud Leroy avait raison de revendiquer la création d’une flotte stratégique. Nous avons été fiers de servir la France en ces moments difficiles.

Cette période a révélé nos forces que nous mettons d’ores et déjà au service de nos activités OFW SHIPS. Nous développons actuellement une plateforme de produits et services autour de l’eau de la mer. Le service Marketing & Commercial travaille à une gamme de boissons issues de l’eau de la mer des profondeurs et le département R&D, sur la valorisation du chlorure de sodium.

Regis REVILLIOD

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