À la uneJeune Marine N°255

Arnaud Le Campion : Penn Ar Bed, une navigation sans routine au cœur du territoire

Établie sur le port de Brest, la Penn Ar Bed est un acteur incontournable du transport en Bretagne. Elle est lancée en 1917 sous l’impulsion du département du Finistère : un service de vapeurs va enfin relier les îles de Molène, de Sein et d’Ouessant au continent de manière régulière. Jusqu’alors, les îliens comptent sur les pêcheurs pour se déplacer d’un point à l’autre de la Mer d’Iroise. Une sorte de bateau-stop dans une zone à la météo aussi cisaillée que le dessin des côtes… La compagnie se développe et prend son nom actuelle à sa privatisation en 1992. Elle s’appuie maintenant sur une flotte de six caboteurs (3 navires mixtes, un navire à passagers, un cargo et  un transbordeur) pour relier chaque jour, été comme hiver, les îles finistériennes à Brest, au Camaret et à Audierne. Rencontre avec Arnaud Le Campion, Ingénieur d’Armement, pour découvrir cette navigation au cœur du territoire.

Arnaud Le Campion © DR

 

Après sa formation, Arnaud Le Campion a rejoint le cabotage pétrolier avec Petro Marine (Sea Tankers). « J’ai ensuite basculé au long cours, comme lieutenant puis Second Capitaine, second mécanicien, puis chef mécanicien. » Il naviguera au conteneur puis au câble. « Je garde de cette navigation des souvenirs exceptionnels ! » Il rejoint la Penn Ar Bed en 2004, comme Chef Mécanicien avant de devenir Superintendant en 2008. « J’agis comme responsable technique et DPA. Il m’arrive d’effectuer des remplacements à bord » détaille-t-il.

Depuis sa création, la compagnie s’est construite à la forme de la région qu’elle dessert. « Chaque navire a été dessiné en fonction de nos lignes, des infrastructures disponibles » explique Arnaud Le Campion. À Molène comme à Sein, les ports n’ont pas été conçus pour accueillir de gros transbordeurs avec plusieurs centaines de passagers à bord : de fait les navires en flotte sont de petite taille, avec une LOA de 26 à 45 mètres et un tonnage entre 150 et 774 UMS. Parmi les principales contraintes, Arnaud Le Campion évoque sans surprise le clair sous quille souvent très limité.

Carte des traversées ©Penn Ar Bed
Carte des traversées ©Penn Ar Bed

Arnaud Le Campion met en garde ceux qui verraient dans le cabotage une horloge bien réglée : « Dans ce genre de navigation, l’idée même de routine est très dangereuse. C’est ce qu’il faut absolument éviter. L’hiver, on doit faire avec la météo et ses caprices. Il arrive très souvent qu’une traversée soit modifiée : horaires décalés, voire traversée annulée… » Sur la ligne sud par exemple, le port d’Audierne n’est pas accessible par fort vent de suroît. L’Enez Sun III se déroute vers Douarnenez, parfois pour une semaine. « Une autre contrainte est permanente, il s’agit de la marée. On modifie nos horaires pour travailler le plus souvent à basse mer, parce que les infrastructures sont moins exposées quand il fait mauvais. On travaille ainsi avec la marée et en fonction de la météo. »

Pour assurer cette navigation, Arnaud Le Campion mentionne d’emblée une réactivité encore plus importante qu’au long cours. « Lorsqu’un bateau est au large, au milieu de nulle part, il n’y a pas vraiment de danger s’il a un problème technique ou un problème de navigation. Dans nos zones de navigation, il faut toujours être prêt à réagir. » Il décrit un métier exigeant beaucoup de précision et, pour les capitaines, beaucoup de sang-froid.

« Nos navires font très peu de route libre… On travaille beaucoup à l’ancienne : tel alignement, telle marque et telle manœuvre. Cela reste de la navigation côtière dans des zones réputées dangereuses. »

S’agissant d’acquérir ce savoir-faire, Arnaud Le Campion ne voit qu’une méthode : l’expérience. « On a besoin d’équipages qui ont déjà de l’expérience avant de venir chez nous. Sur nos navires, il n’y a qu’un officier au pont et un à la machine : on ne laissera pas quelqu’un inexpérimenté à bord, tout seul. » La Compagnie Maritime Penn Ar Bed fonctionne de manière décentralisée, chaque navire demeurant maître de ses décisions en relation avec  la compagnie. « De manière générale, le Commandant est décideur de toutes les questions nautiques. Plus on aura géré des situations, même difficiles, en tant qu’officier et second, plus on aura des facilités à appréhender le poste de Commandant et de chef mécanicien. On s’y sentira plus à l’aise. »

L’Enez Sun navigue entre Audierne et l’île de Sein © DR
L’Enez Sun navigue entre Audierne et l’île de Sein © DR

La Compagnie Penn Ar Bed emploie toute l’année 60 marins et environ 30 sédentaires : l’été, elle atteint 80 marins pour 40 sédentaires. « Notre effectif gonfle en saison estivale parce qu’on rajoute des bateaux sur nos lignes » explique Arnaud Le Campion. Les six navires utilisés ont été construits dans des chantiers bretons (Brest,Douarnenez,Concarneau,Nantes), ils  effectuent les entretiens et leurs réparations a Concarneau. « On travaille dans un cadre local finistérien » ajoute-t-il. La compagnie est au cœur de la vie locale de fait : « Nos bateaux sont le seul lien entre le continent et les îles, en particulier l’hiver. » Les traversées se font en correspondance avec les transports terrestres, bus départementaux à Audierne et réseau de transport de l’agglomération brestoise.

Les marins eux-mêmes se sont pour la plupart installés à proximité des ports de départ. « Nos bateaux rentrant tous les soirs à leur port d’attache : Brest pour les bateaux du nord et Audierne pour le bateau du sud (ou Douarnenez en cas de mauvais temps) » relate Arnaud Le Campion. De fait chacun rentre à la maison après sa journée, même si elle se termine parfois tard. « La seule exception concerne les départs insulaires de Ouessant : l’hiver, le bateau y passe une nuit (si la météo le permet). » Une vie sur l’eau pour un travail de mer ; au cœur d’une région et au service d’un territoire.

L’Enez Sun au large de la Pointe du Raz, sur la traversée Île de Sein – Audierne © DR
L’Enez Sun au large de la Pointe du Raz, sur la traversée Île de Sein – Audierne © DR

 

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