Au début de ses aventures maritimes, l’homme utilise un fil gradué, chargé d’un poids profilé de forme creuse en dessous, pour pouvoir y fixer une balle de suif, afin de pouvoir évaluer la profondeur de l’eau à mesure qu’il avance, mais aussi de ramener les matériaux provenant du fond et déterminer, grâce à l’interprétation de la nature du fond, sable, cailloutis, ou vase, s’il convenait de jeter l’ancre.
Non seulement ces marins faisaient sans le savoir de la Bathymétrie et également bien entendu de la cartographie, mais ils utilisaient une autre science, grâce au sédiment remonté sur le suif du plomb de sonde, que l’on appelle aujourd’hui sédimentologie.
Jusque dans la moitié du 20ème siècle les pêcheurs utilisent ces techniques, qui leur permettent de pouvoir effectuer les réglages optimums pour leurs apparaux de pêche, type chalut.
Ils peuvent donc, grâce à l’expérience de leurs relevés, reconnaître les fonds déjà travaillés par recoupement avec les temps de route et les moyens rudimentaires de positionnement de l’époque, amers ou autres.
Ce sont les marins de commerce qui les premiers ont mesuré à l’aide de plomb de sonde la profondeur des mers aux abords des rivages sur lesquels ils comptaient débarquer.
Les marins Normands utilisèrent en 1066 les informations fournies par leurs pères Vikings pour traverser la Manche et débarquer en Angleterre, mais c’est au début de la renaissance que les expéditions portugaises, espagnoles, anglaises et françaises ont entrepris l’exploration systématique des mers ainsi que la cartographie exhaustive des côtes.
Ainsi, si en 1521, Magellan tente une bathymétrie du Pacifique, il en est empêché par la profondeur, ses lignes plombées ne dépassant pas 800 mètres.
Deux siècles et demi plus tard, en 1785, le roi Louis XIV envoie un de ses marins les plus valeureux, Jean-François de Galaup, comte de Lapérouse, pour effectuer autour du monde une expédition ramenant des précieux renseignements scientifiques sur les côtes découvertes, permettant d’ouvrir ces mondes inconnus aux futures expéditions coloniales françaises.
Or à bord de la Boussole et comme souvent dans ce type d’expédition, embarque un ingénieur géographe, nommé Bernizet, chargé de faire les relevés des sondes à l’approche de côtes et d’en établir la cartographie, en bref de la « bathymétrie ».
Depuis ces années où les handicaps technologiques étaient compensés par la fréquence des relevés, les navires chargés de faire les relevés bathymétriques sont équipés de systèmes acoustiques que l’on appelle sondeur ou échosondeur.
Le terme réel étant sondeur acoustique mono faisceau.
Créés dans le but d’équiper les navires de guerre au cours de la première guerre mondiale, Paul Langevin s’est vu confié la mission d’étudier la mise au point d’un sondeur à ultra-sons, mais ce n’est qu’en 1920 que le premier appareil voit le jour.
Plus largement utilisés au cours de la deuxième guerre mondiale pour la reconnaissance des fonds à l’abord des côtes, les sondeurs digitaux se sont largement vulgarisés depuis une quarantaine d’année.
Si les utilisateurs ont vu apparaitre sur le marché les premiers sondeurs à éclat qui leur donnaient une simple information sur la profondeur, sous la forme d’une lumière repérée sur un cercle gradué suivant les profondeurs choisies, ils ont utilisé ensuite les sondeurs enregistreurs qui retranscrivaient plus ou moins fidèlement la coupe du fond sur un papier spécifique fort onéreux.
Pour l’anecdote, nombreux étaient les utilisateurs qui, pour économiser le papier, retournaient à chaque fin de rouleau, puis retournaient encore jusqu’au remplissage maximum ces bandes de papier thermique qui devenaient à la fin totalement illisible.
Puis les sondeurs sont devenus vidéos sur des écrans cathodiques, et enfin ne sont aujourd’hui que, soit des sondes reliées à un ordinateur, soit inclus dans des écrans LCD. Parmi de nombreuses autres fonctions comme la cartographie ou encore le radar et l’enregistrement, le couplage avec un GPS, sont devenus possible permettant de pouvoir rejouer les données et ainsi aborder ce que l’on peut appeler un début de bathymétrie, celle-ci souffrant de règles de précisions et de méthodes d’acquisition plus strictes que ne le permettent ces types de sondeurs.
Si ces appareils sont destinés à obtenir des renseignements, et visualiser les hauteurs d’eaux sous le navire, ils ne sont pas capables d’effectuer des relevés suffisamment précis pour la réalisation de cartographie dite Bathymétrique.
En effet, ces derniers sont soumis aux règles de marées, aux pressions atmosphériques ainsi qu’à tout élément faisant varier les hauteurs dans l’absolu et non pas par rapport à un paramètre de surface changeant.
C’est pourquoi, sur les sondeurs de tous types, les résultats ne peuvent être fiables que si ils sont positionnés précisément, en x, y, mais surtout en Z, le Z représentant la hauteur, autant en topographie qu’en bathymétrie. Or la plupart des sondeurs sont couplés à un GPS classique, où le Z n’est pas une valeur précise.
Encore aujourd’hui, dans les zones éloignées de tout point de référence géodésique ou encore hors de portée des émetteurs différentiels, le marégraphe est toujours employé pour corriger les erreurs.
Par contre, dans la plupart des cas, sont utilisés les systèmes GNSS centimétriques de types RTK (Real Time Kinematic) dont maintenant la réception des corrections peut se faire via internet lorsque le réseau existe, facilitant énormément le temps d’installation (plus de mobilisation et surveillance de station de base).
Autrefois la bathymétrie était essentiellement utilisée pour établir une cartographie permettant une navigation plus sure, autant en mer qu’en rivière et connaître la hauteur d’eau sous la quille.
Elle est aujourd’hui indispensable à une connaissance globale des fonds qui va permettre d’autres travaux, comme le dragage, le suivi portuaire, l’étude de l’envasement et l’estimation des couches sédimentaires, voire la recherche et l’imagerie via des appareils de plus en plus précis et puissants.
Bertrand SCIBOZ
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