À la uneJeune Marine N°259

Les e-RDV du CMF

Numérisation de la navigation maritime, autour de la norme S-100 et des produits et services de cartographie augmentée associés

Le 3 juin dernier à 17h00, le Cluster Maritime Français conviait ses membres au 6ème e-RDV du CMF. Le sujet était : « Numérisation de la navigation maritime, autour de la norme S-100 et des produits et services de cartographie augmentée associés« 

La navigation maritime poursuit sa transformation numérique. Depuis plusieurs années, l’IHO (Organisation Hydrographique Internationale-OHI) développe des normes de produits hydrographiques et nautiques (famille S-100) afin en particulier de répondre aux enjeux de la e-navigation.

Avec ce standard s’ouvre une nouvelle ère de services maritimes visant à améliorer la sécurité et à optimiser la navigation en protégeant le milieu marin. La norme S-100 étend la carte marine aux informations complémentaires : bathymétrie (S-102), hauteurs d’eau (S-104), courants (S-111), etc. afin de permettre une exploitation intégrée de données interopérables à la fois par des systèmes en mer comme à terre.

Le SHOM participe au développement de la norme S-100. A ce titre, le CMF et le SHOM proposaient au travers de cet e-RDV d’échanger autour des futurs services qui découleront de la mise en application de la norme S-100 et que le SHOM souhaite développer en réponse aux besoins des utilisateurs potentiels de ces produits. Plus largement, ce e-RDV permettait d’aborder l’impact de la transformation numérique sur la navigation maritime dans les années à venir.

Gaëlle Cadiou en charge de la communication au CMF est chargée de la gestion de ce e-RDV.

Les principaux intervenants : De gauche à droite et de haut en bas, Gaëlle Cadiou, Yann Vacchias, Nathalie Leidinger, Jérôme Leroux, Patrice Laporte, André Gaillard et Frédéric Moncany de Saint-Aignan.

Après l’introduction faite par Frédéric Moncany de Saint-Aignan, Président du Cluster Maritime Français, les divers intervenants se sont succédé en commençant par Nathalie Leidinger, Pilote innovation du SHOM, et Vice-présidente du Comité des Services et des normes hydrographiques de l’OHI.

En introduction, elle se propose de décrire le contexte de la mise en œuvre de ces normes S-100 qui sont les enjeux de la e-navigation.

Pour commencer, elle a proposé une présentation du SHOM.

Le SHOM est un établissement public dont la mission est de connaître, de décrire et de prévoir l’environnement physique marin. Le SHOM est un acteur global qui intervient depuis l’acquisition des données à la mer, l’exploitation de celles-ci pour fabriquer des produits et des services et leur diffusion.

Le portail « data.shom.fr » vient de faire peau-neuve avec une nouvelle ergonomie.

La mission répond à 3 finalités opérationnelles :    

  • l’hydrographie nationale pour la sécurité de la navigation
  • le soutien à la défense (Opérations aéromaritimes, préparation des futures capacités)
  • le soutien aux acteurs des politiques publiques de la mer et du littoral

Les travaux de normalisation sont essentiels pour assurer la sécurité de la navigation à travers des produits qui seront conformes à des standards éprouvés. Pour l’hydrographie et les produits nautiques, c’est l’Organisation Hydrographique Internationale qui coordonne à l’échelle mondiale les différents travaux et les différents services hydrographiques conduits en particulier par le comité des normes de l’OHI.

 

Historique de la carte électronique de navigation

Née dans les années 1990. En 1992, mise en place du standard S-57. Reconnue par l’OMI en 1995 comme l’équivalent légal des cartes papier. Elle répond toujours aux besoins de navigateurs qui utilisent en particulier l’ECDIS. Le saut technologique suivant, c’est le saut relatif à la famille des nouvelles normes S-100 pour répondre aux enjeux de la e-navigation. Le conseil de l’OHI lors de sa session d’automne 2019 a convenu que les 10 prochaines années serait la décennie de la mise en œuvre de la norme S-100.

La S-100, qu’est-ce que c’est ? Le Modèle Universel de données hydrographiques

La S-100 permet d’adjoindre des couches d’informations supplémentaires superposables aux cartes électroniques de navigation afin de fournir aux marins des informations complémentaires pour être intégrées dans le système et interopérables, comme les courants, la météo, les informations règlementaires (par exemple sur les aires marines protégées), la bathymétrie à haute résolution. En termes de priorité, l’OHI a fait un focus sur les produits listés sur la vue suivante qui sont en fait les produits utiles pour le mode « route monitoring » de l’ECDIS.

La e-navigation, c’est la stratégie présentée par l’OMI dans le but de promouvoir le partage harmonisé des informations numériques entre les navires et aussi entre la terre et les navires avec bien sûr l’objectif d’accroître la sûreté et l’efficacité de la navigation et également de protéger l’environnement.

La e-navigation se décline en « Maritime Services » qui s’appuient sur la S-100 (véritablement le modèle de données adopté pour la e-navigation).

Parmi les 16 « Maritime Services » repris ci-dessous, le SHOM est impliqué dans les 4 mentionnés en bleu (n° 5, 11, 12 et 15) et donc l’OHI travaille sur ces 4 points.

  • Le service n° 5 va fournir aux marins les informations relatives aux alertes de navigation, aux alertes météo, en fait les messages urgents liés à la sécurité
  • Le service n°11 va fournir les cartes marines.
  • Le service n°12 va fournir les informations qui sont aujourd’hui dans les ouvrages nautiques.
  • Le service n°15 va fournir les informations dynamiques en temps réel de hauteurs d’eau et de courants.

Quels gains, apports pour la S-100 ?

  • Gains en sécurité de la navigation avec des données plus précises, avec aussi des méthodes de « surveys » modernes
  • Gains en efficacité avec des données dynamiques en temps réel de hauteurs d’eau par exemple combinées avec de la bathymétrie de détails vont permettre le calcul de la profondeur du chenal, de la hauteur d’eau sous quille. On va optimiser ainsi l’escale et la route avec des courants et la météo.
  • Formats de données exploitables directement par des machines (machine readable), ce qui devrait faciliter la navigation « autonome ».

Cela est résumé sur la vue ci-dessous :

 

Tout cela implique d’avoir une capacité d’échange de flux d’informations plus important que ce n’est le cas aujourd’hui et également une prise en compte accrue des enjeux de cybersécurité.

Pour le SHOM, c’est une révolution car il va falloir transformer son offre qui est actuellement numérique mais qui est numérique héritée quand même du papier. La carte électronique (ENC) c’est un produit vectoriel en 2 dimensions. Il y a beaucoup d’informations nautiques contenues dans des ouvrages : Annuaires des marées, Atlas de courants, etc…Toutes ces données sont numériques aujourd’hui dans des formats PDF. Il va falloir les passer dans les formats de la nouvelle norme S-100 exploitable par des machines.

Ces nouvelles couches de données portent un gisement d’applications potentielles très très important proche des côtes. C’est clairement là quand la quille du navire s’approche du fond, il y a besoin de précisions dans les ports et tous ces produits portent ce gisement d’applications pour la navigation de précision.

Quelques projets en cours au SHOM 

  • Projet BluePort qui a permis de modéliser et diffuser les courants de marée en haute résolution dans le port de Brest à la norme S-111
  • Projet PING (Plateforme de l’Information Nautique Géospatiale), en partenariat avec la DAM : Développement d’une plateforme nationale à disposition de l’État pour collecter, élaborer et diffuser l’information nautique en respectant le standard S-124 pour les avertissements à la navigation.
  • Le SHOM travaille aussi à des démonstrateurs de visualisation (réalité augmentée, réalité virtuelle)

Quelques projets internationaux

  • Projet canadien : Développement d’une chaîne de bout en bout, de la production jusqu’à la mise à disposition dans le navire de ces nouveaux produits, en particulier de la bathymétrie de détail pour la navigation dans le St-Laurent.

  • Projet coréen : Prototype d’ECDIS qui utilise l’ENC à la norme S-101 avec des courants de surface. Ils en sont déjà aux essais à la mer.

  • Projet SMART Navigation : S’intéresse plus particulièrement à la connectivité. Des navires plus intelligents,  beaucoup de données à partager, cela nécessite des capacités d’échange et donc il faut travailler aussi sur les standards techniques pour s’échanger ces flux d’informations plus importants  tout en prenant en compte les enjeux de la cyber.

La S-100, c’est véritablement un enjeu très important pour le SHOM qui est au début, dans un esprit de co-construction de ces services pour la satisfaction optimale des besoins des navigateurs.

Yann Vachias, Directeur général adjoint de l’ENSM a ensuite pris la parole pour parler de l’approche numérisation de la navigation maritime à bord avec un focus sur l’ECDIS.

Il est d’abord revenu sur l’ENSM, ses 4 sites, ses formations. 2 missions principales : Formation (initiale, continue et professionnelle) et Recherche (2 thèmes sont développés : Le risque maritime et l’efficience énergétique. Avec des domaines de compétence dans la cybersécurité, les facteurs humains, la gestion des risques, les systèmes de propulsion, la glace, la règlementation et l’expertise métier. L’école travaille essentiellement sur des projets de R&D.)

L’aspect navigation de la numérisation du transport maritime.

  • Assistance à la navigation : Amélioration de la sécurité avec des systèmes d’aide à la décision, la préparation du voyage avec l’ECDIS
  • Optimisation de la consommation : avec l’amélioration de l’efficacité énergétique. La numérisation, c’est un apport important de données lié à la présence de plus en plus importante de capteurs au sein du navire. Au travers de l’ECDIS, il est possible de travailler sur la fonction « Just in time ».
  • Navire autonome : La numérisation, c’est beaucoup de données pour l’opérateur.
  • Sur une passerelle, tendance à la centralisation des informations. L’ECDIS va jouer un rôle de plus en plus important. A ce sujet, il a pris l’exemple de CMA CGM qui précise que l’aérien est une source d’inspiration pour les nouvelles générations de passerelles. Sur un Airbus A 320, le pilote n’a qu’un seul écran où tout est centralisé et où l’information s’actualise sur la phase de vol.

Volet règlementaire sur les conditions d’emport de l’ECDIS 

  • Règle V/19 de la Convention SOLAS avec :
    • Obligations d’emport de cartes marines appropriées et tenues à jour
    • Si utilisation de l’ECDIS, le logiciel ECDIS doit être à jour
    • Dispositifs de secours autonomes appropriés pour garantir la sécurité de la navigation en cas de panne de l’ECDIS.
  • STCW (Volet formation) avec le modèle de cours 1.27.
    • Formation générique (Généralités du système)
    • Formation spécifique (Concerne l’équipement utilisé)

Utilisation à bord de l’ECDIS

Suivi lors de la navigation

Points de vigilance à noter avec l’arrivée de cette norme S-100 et la numérisation maritime

  • Nécessité d’une formation. Nouvelle norme, nouveaux services, si on veut qu’ils soient utilisés à bon escient et de manière efficiente, il est important que les futurs exploitants soient formés à leur utilisation.
  • Prise en compte de l’IHM (Interface Homme Machine). Importance de la manière dont est présentée l’information. Les besoins de l’opérateur doivent être pris en compte très tôt.

Sur l’image, une bonne connaissance de l’utilisation de l’ECDIS est nécessaire. On peut voir que la taille de la carte électronique est fortement diminuée par rapport à celle de l’ECDIS traditionnel, pour laisser de la place aux menus. Le chef de quart doit apprendre à se servir de ce nouvel outil de manière qu’il reste à la fois utile et que l’on puisse rapidement retrouver les informations nécessaires (IHM performant). La plateforme de test qui est mise en place par l’ENSM avec le SHOM pourra découvrir les problèmes de l’utilisateur et y remédier.

  • Prise en compte de la Sûreté du système. Plus de numérisation veut dire plus de cyberattaques possibles. Nécessité de robustesse du système avec la présence d’un moyen de détection pour rapidement observer une attaque et alerter l’opérateur sur une éventuelle attaque. La formation doit aussi aider à préparer l’opérateur à faire face à ces cyberattaques.
  • Prise en compte du niveau de complexité qui peut apparaître et la nécessité à la fois de sensibiliser l’opérateur mais aussi de prendre en compte ses besoins et ses sensibilités pour avoir l’outil le mieux adapté.

Le troisième intervenant fut Jérôme Leroux, Ingénieur R&D de GEOMOD pour la présentation de l’état des lieux de l’activité de GEOMOD sur la S-100 aux côtés du SHOM.

Une rapide présentation de la société en préambule. GEOMOD en quelques points :

Petite agence à Brest, équipe de 7 ingénieurs en R&D logiciel, 20 ans d’expérience, spécialisée en exploitation des produits numériques maritimes. Pas de prétention sur le lancement ou la réalisation de grandes idées sur le futur de la navigation maritime, mais sa capacité à exploiter les produits leur a permis de se rapprocher de partenaires comme Génavir ou les Pilotes de Marseille pour mettre en œuvre des produits qui les aident dans leur métier. Pour Génavir, il s’agit de la réalisation d’une application de navigation maritime embarquée sur les navires d’IFREMER et pour les pilotes marseillais, la mise en œuvre des ENC bathymétriques avec AIS, ETA, zones de garde, etc…

Le SHOM s’est rapproché de GEOMOD pour le projet S-100.  Participation au groupe de travail de l’OHI avec une écoute passive pour apporter les critiques sur les normes, des éclaircissements sur le texte des normes pour que les choses soient bien claires et puissent être implémentées correctement. Cela donne lieu à la réalisation d’une maquette qui permet de mettre en œuvre 3 spécifications produites sous la S-100, la S-101 (ENC de navigation), la S-102 (Bathymétrie précise) et la S-111 (Courants de surface). Cette maquette permet d’avoir une vue à l’écran de ces produits.

Le monde de la S-100 : Description du monde réel de manière informatique.

Les enjeux de la S-100 : Facilité à la production de la donnée et à l’échange.

Actuellement il y a toujours le souci du format, de quel outil il faut pour lire la donnée. Demain ce ne sera plus le cas. La S-100 permettra à tous d’échanger ces données.

Les mises à jour seront facilitées. La spécification ENC est sous forme papier et non numérique, non logicielle. Toute modification de la spécification donnait lieu à une modification du logiciel et donc une réinstallation du logiciel à bord. Ce qui n’est pas facile pour tous. La S-100, c’est le fameux « plug and play » : la donnée vient avec sa spécification de manière numérique et pour toute évolution de la spécification le logiciel va de lui-même changer son comportement pour prendre en charge les nouvelles données (c’est-à-dire, les nouveaux symboles, les nouveaux objets, les nouvelles règles d’affichage de ces objets). Cela permet à la S-100 d’évoluer de manière fluide, de manière continue.

La S-101 est très avancée. Elle repose sur les S-52 et S-57, les anciennes normes ENC (les normes actuelles). Il reste à traiter des détails. Ici, une ENC S-101 qui visuellement ne fait pas de différence avec une ENC actuelle S-52/S-57. La production des ENC S-101 est prévue en 2024. Au lancement du nouveau système les cellules S-52/S-57 et S-101 devront cohabiter ensemble pendant la période transitoire, ce qui explique que l’affichage soit similaire.

La S-102, c’est une grille donc une image mais pas du vectoriel. C’est assez simple de produire de la bathymétrie S-102. Il y a déjà de produite par le SHOM. Les enjeux sont plutôt axés sur l’exploitation de ces données-là. Comment prendre en priorité de la donnée S-102 plutôt que la donnée bathymétrique de la S-101. Quelle est cette priorité ? Est-ce que c’est la date de production, est-ce que c’est le producteur de la donnée qui prend la priorité ? Est-ce qu’une donnée publiée par un port a plus de valeur qu’une donnée plus ancienne publiée par le SHOM ? Ce sont ces questions qui restent encore à poser et auxquelles il faut apporter une réponse.

Ici une ENC bathymétrique en mode anti-échouement. Respect des couleurs S-52 qui limitent les zones de garde et les zones de danger. Il y a un ombrage de la donnée qui permet de voir le relief du fond. Mais des questions se posent. Le contour de l’ENC (donnée S-101) qui est par-dessus la donnée bathymétrique est en décalage avec la donnée S-102. Qui prend la priorité, quelle donnée doit-on utiliser pour la navigation ?

Pour la S-111, données de courants de surface, il s’agit aussi d’une grille donc la donnée est assez facile à produire et à afficher (avec des flèches). Au niveau du navire, elle est facilement exploitable, utilisable. Pour le tracé de routes et l’exploitation de ces courants pour optimiser des routes, réduire la consommation de fuel, on en est encore assez loin parce que les modèles de courants en haute mer au niveau océanique sont assez peu précis.  

Les flèches de courant évoluent en fonction du temps. Données temporelles : à chaque heure une nouvelle donnée de courant s’affiche. Il y a donc une mise à jour très fréquente qu’il faut gérer au mieux pour la navigation.

Ils devaient aussi travailler sur la S-104 (Information sur les hauteurs d’eau), mais c’est la moins avancée comparée aux 3 autres et aucune donnée n’a encore été publiée.

La mise en place de ces nouveaux produits va favoriser la fluidité des échanges entre le producteur de données et le port, le port et le navire et même entre navires. Cela va dans le bon sens de la sécurité. La France est à une bonne place dans l’établissement de cette norme, dans son suivi, dans la préparation de nos logiciels pour arriver en état en 2024 avec des premières sorties de données officielles provenant des services hydrographiques.

Puis c’est le tour de Fabienne Vallée, coordinatrice des projets européens, Port de Brest, de nous présenter le projet Brest port S-100. Le port comme laboratoire de développement de services S-100. (Il est dommage que la transmission sonore de cette présentation n’ait pas été optimale, rendent parfois difficile voire impossible la compréhension de certains mots ou expressions. D’où l’utilisation des slides montrées pour rendre compte d’une bonne partie de la présentation.)

Présentation orientée sur le port et les services (qu’est-ce qu’on entend derrière l’intégration de différents types de données) pour les exploitants du port bien sûr et les différents partenaires qui sont les pilotes, les capitaineries.

Brest port S-100, c’est un projet collaboratif dont l’objectif est d’utiliser le port comme laboratoire vivant pour le développement et le test de services pour répondre en réel aux questions qui ont été posées notamment par GEOMOD : quelles sont les priorités données, quelles sont les données, quels sont les fournisseurs de données et comment on peut les exploiter sur les terminaux des utilisateurs.

Pourquoi les ports ? Parce que plus on approche des ports, plus le nombre de données augmente et plus finalement la précision de ces données est importante pour les opérations dans le port, le pilotage, le guidage du bateau jusqu’à son quai d’arrivée, pour aussi assurer la sécurité, etc… Le port est de par lui-même une sorte de laboratoire de test de ces services qui seront permis par la S-100, qui sont fournis aujourd’hui mais avec une disparité de données et une difficulté à intégrer ces données.

La zone portuaire est un environnement « privé » dans lequel il y a une certaine autonomie et est indépendant de la mise en exploitation de la S-100. C’est un atout important à noter, le port n’est pas dépendant de l’OMI et de l’OHI pour la mise en œuvre des services S-100. Le port est dans un milieu relativement fermé, et il peut commencer à tester les services entre pilotes, capitainerie et le port en tant qu’exploitant.

Les données qui vont être évoquées sont utiles autant pour le suivi de l’environnement dans les ports que pour la sécurité de la navigation dans la majorité des cas. Il s’agit aussi de faire la modélisation de la qualité de l’eau, ou de la diffusion de polluants.

Pour le port de Brest, la S-100 c’est un moyen de relier deux aspects d’obligations des ports : l’opération et la sécurité de la navigation  et l’environnement.

Port S-100 V1.0 : Le pilotage du navire

  • Service rendu : Routage du navire de l’approche portuaire au quai.
  • Les données : Bathymétrie, marée, hauteur d’eau, courants, houle, vagues, météo, trafic, carte portuaire, signalisation (bouées, amers), position des bollards, etc…
  • Ce 1er service fait appel au « maximum » de données environnementales et justifie le déploiement de moyens de gestion de l’environnement.
  • Résultats : Outils numériques d’aide au pilotage. PPU, VTS ou ECDIS + carte numérique du port + données.

A été présentée aussi la carte de navigation dynamique comme on peut le voir sur ces deux slides :

Pour terminer ces présentations, voici l’intervention d’un utilisateur des futurs produits S-100 avec André Gaillard, Secrétaire Général de la Fédération Française des Pilotes Maritimes et Pilote des ports de Marseille-Fos et de Nice-Cannes-Villefranche

330 pilotes en France métropolitaine et dans les outre-mer, sur un peu plus d’une trentaine de stations de pilotage.

Après le passage en revue du rôle du pilote, de la façon dont se passe l’opération de pilotage, de la gestion des ressources humaines sur une passerelle (Bridge ressource management), de la façon de travailler actuellement, bien différente de celle d’il y a 20 ans et plus. L’apport des nouvelles technologies est pour beaucoup dans cette évolution. L’augmentation forte de la taille des navires modifie beaucoup de paramètres. On se rapproche des limites techniques des ports et des bassins car les infrastructures portuaires n’ont pas grandi dans les mêmes proportions. La prise en compte du facteur humain a pris de l’importance. Afin de pouvoir contrôler les erreurs et assurer plus de sécurité dans les manœuvres, on a fait appel à la technologie. Ces nouveaux moyens permettent de faire des briefings avant (Passage Plan) et débriefings après les manœuvres surtout s’il y a eu des problèmes.

Le PPU (unité de pilotage portable), mallette de 10/15 kg avec son propre AIS : Permet de faire les manœuvres avec beaucoup de précisions (dizaines de centimètres près).

La solution alternative pour pouvoir grimper facilement les échelles de pilotes, ce sont les tablettes ou les téléphones portables à écrans actuels. La précision n’est pas la même mais il est toujours possible de faire les briefings / débriefings et de suivre les manœuvres.

André Gaillard nous a présenté l’outil développé par les pilotes marseillais avec GEOMOD et qui est utilisé aujourd’hui par la station de Marseille, le epilotbook.  Ce n’est pas la norme S-100 qui n’était pas encore disponible, mais la norme S-57. Par contre, un bon nombre des couches de données prévues par la S-100 a été intégré dans le système.

ENC fournie par le SHOM, ENC modifiée rajoutée par GEOMOD, dessins rajoutés par les pilotes, bathymétrie fournie par le Port de Marseille, indicateurs de vent (flèches rouges avec direction en degrés et force en nœuds).

Ici on voit le Pascal Paoli rentrant dans le port de Marseille.

Sur la vue suivante, on voit le Paoli éviter devant le Piana pour rejoindre son poste à quai.

Comme le système enregistre les données (mode replay), il est possible de visionner les manœuvres après-coup dans un but pédagogique ou de débriefing.

Ici, nous voyons (c’était en temps réel, en direct) le Piana, le Vizzavona et le Danielle Cazanova à quai. La couche des données dimensionnelles fournies par les pilotes a été activée, ce qui permet de bien visualiser les longueurs disponibles dans le bassin ou le pertuis.

Voici maintenant le golfe de Fos, aussi en temps réel, en direct.

Les navires sont représentés par des triangles avec leur nom. En cliquant sur le triangle on obtient les infos. Le pilotage ayant son propre système AIS et plusieurs récepteurs installés sur la côte, à Fos, à Marseille, à Nice, à Cannes, par exemple, il peut nourrir son système directement sans faire appel à Marine Traffic ou autre pourvoyeur d’information sur le positionnement des navires.

En zoomant, les triangles se transforment en navires dont la taille est à l’échelle comme on peut le voir sur la vue suivante en partie centrale.

A la suite de ces cinq interventions, une période de questions/réponses à lieu.

Point sur le calendrier : Automne 2022, norme S-100 opérationnelle (édition 5). Les spécifications de produits devront être alignées sur la S-100 édition 5. L’OHI se donne une année pour les produits de la liste « prioritaire » évoquée par Nathalie Leidinger au début. Cela mène en 2023. L’OHI a un travail à faire auprès de l’OMI pour qu’au moins la S-101 soit reconnue comme la S-57, comme un produit de sécurité de la navigation. Il y a une harmonisation des calendriers à faire.

Côté SHOM, il est prévu (estimation) que la production puisse démarrer en 2024.

Clôture par Patrice Laporte, Directeur adjoint du SHOM

Mise en perspective de la e-navigation. Sous l’égide de l’OMI, ce concept repose sur l’infrastructure qui permet des échanges normalisés de renseignements de navigation entre la terre et les navires, entre les navires et entre des services à terre et des navires. Avec pour objectif d’améliorer la sécurité et la sûreté de la navigation, l’efficacité du transport maritime et la protection de l’environnement.

C’est l’organisation générale du trafic maritime qu’on essaye un peu de calquer sur le modèle aérien qui est réputé comme très sûr comparé à la navigation maritime. On a de l’ordre de 80 grands navires qui disparaissent chaque année, même si c’est moitié moins qu’il y a 10 ans. Il y a donc un véritable enjeu de l’amélioration de la sécurité. Cet enjeu est d’autant plus important qu’aujourd’hui on a des navires à passagers qui transportent des milliers de passagers et le gigantisme des navires de transport de marchandises comme les porte-conteneurs qui atteignent 24 000 EVP, avec des coûts de cargaisons évalués sans doute parfois à plusieurs milliards de $, le navire valant lui-même 150 millions de $.

En lien avec la sécurité, il y a un facteur souvent souligné, c’est la fatigue des équipages avec la lourdeur des tâches administratives. En gros, quand un navire communique avec un service à terre, il va lui communiquer un certain nombre d’informations. Après, il va passer au service suivant et communiquer à nouveau les mêmes informations, etc…. Un des enjeux de ces nouvelles normes S-100, c’est de faire en sorte qu’il puisse y avoir des échanges directs entre le navire et des services à terre, sans forcément une intervention humaine d’ailleurs, de façon à ce que les tâches administratives puissent être allégées et ceci est explicitement mentionné dans la feuille de route de l’OMI sur la stratégie de mise en œuvre de la e-navigation.

Si on regarde un peu où on en est, aujourd’hui, cela reste un schéma qui est extrêmement conceptuel et il n’y aura sans doute pas d’obligation d’emport de produits S-100 dans le sens de la convention SOLAS avant plusieurs années. La S-101, c’est-à-dire la carte électronique (ENC) dont l’édition 2 est actuellement opérationnelle, aura vocation à remplacer les cartes électroniques actuelles (S-57) pour arriver sur les passerelles à partir de 2024. À ce jour, il n’existe aucun ECDIS qui soit capable de lire des données S-100. Finalement, ce qui fonctionne c’est la navigation électronique, c’est-à-dire le positionnement automatique des navires sur une carte électronique. Pour que le concept de e-navigation puisse réellement entrer en vigueur, on voit qu’on a un certain nombre de facteurs de limitation. Le premier c’était l’insuffisance de la normalisation mais on est en train de le régler avec ce modèle universel de données S-100. L’autre limite relève des communications radio-maritimes. Aujourd’hui on n’a pas de communications par satellites fiables, à coût raisonnable et à haut débit. Çà n’existe pas encore. Et puis il est    surtout nécessaire de renforcer la coopération entre les services à terre. Les normes S-100 sont faites pour fonctionner de machine à machine, donc les obstacles actuels sont de nature purement organisationnelle. Une des questions posées était : est-ce qu’un jour il y aura convergence entre les données du port et celles du SHOM ? Aujourd’hui, ce n’est pas un problème d’argent. Les données du SHOM existent et les ports ont leur propre service hydrographique et donc leurs propres données bathymétriques. Mais aujourd’hui, les échanges de données reposent sur la bonne volonté réciproque. Toujours dans le sujet du partage des données, on va reprendre le cas du pilotage. Le pilote a sa PPU avec des informations très riches comme l’a exposé André Gaillard et puis le navire, lui, a des informations beaucoup moins riches. Donc si ces informations pouvaient être partagées, les normes S-100 le permettent, il est certain que le dialogue pourrait être facilité.

Pour conclure avec ce que fait le SHOM : aujourd’hui on a beaucoup parlé de navigation maritime mais la norme S-100 ne concerne pas que la navigation maritime. Telle que l’a défini l’OHI, c’est un document cadre destiné au développement de produits et services numériques pour les communautés hydrographiques (donc les services hydrographiques entre eux), les communautés maritimes (c’est un peu l’objet de cet e-RDV) et puis les systèmes d’informations géographiques (il s’agit sans doute de services à terre, de collectivités territoriales par exemple).

Pour répondre à ces enjeux, le SHOM a mené plusieurs actions.

  • D’abord, une feuille de route « S-100 » a été élaborée, calquée sur la feuille de route de l’OHI.
  • Il a été créé une mission de développement de produits et services professionnels. Cette mission a vocation à proposer des réponses adaptées aux professionnels, aux besoins des utilisateurs, après les avoir analysés et ces professionnels ne sont pas les seuls professionnels de la navigation maritime.
  • Il a été créé fin 2020 un laboratoire d’innovations sous la responsabilité de Nathalie Leidinger. Ce laboratoire se veut un creuset d’expérimentations sur des futurs produits et puis sur leur acceptabilité par les utilisateurs.
  • Dans le cadre d’une convention de partenariat signée entre le SHOM et l’ENSM, il sera conduit des tests des règles d’affichage des données S-100 sur ECDIS.
  • Le SHOM fait également développer par GEOMOD un démonstrateur de visualisation de données tel que présenté précédemment.

Frédéric Moncany de Saint-Aignan a repris la parole à la fin pour un mot de conclusion et pour annoncer le prochain e-RDV avec le CEMM pour parler des enjeux maritimes et géostratégiques, mais aussi pour parler de l’accélération du plan Mercator.

Bravo et merci au Cluster Maritime Français pour ce e-RDV passionnant.

Nota : Les différentes images de ce compte-rendu sont des copies d’écran des slides présentées par les divers intervenants.

Yves-Noël Massac
SG HYDROS
Président de la CAMM

 

 

 

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