Le 16 février, les médias rapportent la survenance d’un incendie à bord du FELICITY ACE un roulier de 2005, 60.118 UMS transportant environ 4000 véhicules du groupe Volkswagen pour une valeur totale d’USD 401.000.000.
2 jours plus tard, la survenance d’un incendie à bord de l’EUROFERRY EUROPA un ferry de 1995, 33.588 UMS assurant la liaison entre Igoumenitsa et Brindisi, avec 239 passagers et 51 marins. Cet événement a entraîné la mort de 11 personnes, des chauffeurs routiers piégés dans leur camion. 2 personnes ayant trouvé refuge dans une pièce sont sauvées. Le nombre total de victimes pour l’EUROFERRY EUROPA est encore en cours de confirmation, des passagers clandestins étant – semble-t-il – présents à bord au moment de l’événement.
Au 26/02/2002, ces deux navires brûlent toujours.
Ces deux événements concernent un moyen de transport très utilisé dans le monde, le transport maritime roulier. Pour ce type de navires, l’incendie est-il courant ?
Depuis le 1er janvier 2010, les médias ont rapporté (au 26/02/2022) 50.489 événements affectant des navires et bateaux de toutes tailles et de tous types et/ou leurs équipages, dont 3817 pertes totales (7,6% des événements). 7,4% étaient des incendies, entraînant 15,7% des pertes totales.
Pour les navires de type Ro-Ro Cargo et Passenger/Ro-Ro Cargo, 6279 événements ont été rapportés (soit 12,4%) dont 153 Pertes totales (4% des pertes totales connues). Dans 44% des cas, des passagers étaient présents à bord.
Ils comprennent 403 incendies (6% des événements) dont 39 pertes totales (25,5% des pertes totales de rouliers). Dans 48,4% des incendies, des passagers étaient présents à bord.
Ces chiffres sont obtenus à partir de données publiées par les médias et ne peuvent donc pas être considérés comme exhaustifs. Ils sont certainement en dessous de la réalité. Ils permettent toutefois d’estimer qu’a priori les événements affectant les rouliers entraînent moins de pertes totales en général, et que les incendies, moins nombreux, seraient la cause d’un plus grand nombre de pertes totales de rouliers.
Dans 90% des cas, les incendies surviennent quand les navires sont en opération commerciale. Ils surviennent principalement dans les locaux techniques du navires (55%).
92 incendies (22,6%) se sont déclarés dans les garages du navire générant 30,8% des pertes. Les véhicules transportés seraient à l’origine de 62% des cas et de 50% des pertes totales consécutives à un incendie de garage.
Les incendies de garage, événements qui semblent être à l’origine des 2 évoqués en introduction, ne seraient donc pas si fréquents mais entraîneraient chez les rouliers un risque de perte totale accru.
Les analyses post événements sont nombreuses et accessibles notamment sur Internet. Elles sont actualisées à chaque annonce d’un nouvel incendie.
Une des sources principalement évoquées d’incendie à bord des rouliers est un court-circuit survenant sur une batterie de véhicule, court-circuit résultant de l’humidité ambiante en cale et d’une mauvaise isolation des cosses. Ce phénomène pourrait être aidé par les conditions de mer. Ces courts-circuits peuvent aussi survenir sur les unités des conteneurs reefers, les prises de branchements …
Les nouvelles batteries Lithium-ion présentes à bord des véhicules électriques pendant leur transport entraîneraient de plus grandes difficultés dans la lutte contre l’incendie. Un exemple « terrien » de cette difficulté peut être l’incendie survenu le 13 février sur une unité de stockage d’énergie en Californie [i]. L’eau est à l’origine de l’incendie (fuite du système de sprinkler sur un parc de batteries lithium-ion) et ne peut pas être utilisée pour le combattre.
La garde côtière américaine a publié[ii] des recommandations pour lutter contre le risque d’incendie sur des véhicules transportés. Ces recommandations comprennent une vérification de chaque véhicule transporté, un refus des véhicules présentant des réservoirs fuyards, de vider les véhicules transportés de tous produits dangereux transportés par leur propriétaire … Des règles certainement de bon sens mais sont-elles en lien avec la réalité commerciale d’un armateur de roulier ou de ferry tenu à des horaires, à une fréquence de rotations ?
Le DnV ou des organismes spécialisés évoquent la nécessité de la formation des équipages. C’est certes une nécessité, surtout face aux nouveaux risques. Le DnV précise que cette formation doit aussi s’assurer que les équipages connaissent l’emplacement des moyens de sauvetage[iii].
Dans le cadre de mes recherches, je n’ai pas trouvé de réflexion sur une modification des garages (espaces plus petits, clos pour faciliter la lutte contre le feu ?), une réduction de la taille des navires, une augmentation du nombre de marins présent à bord, sur la production et le transport des batteries, sur un/des nouveau(s) système(s) de lutte contre l’incendie adapté …
Pour le moment, le faible nombre de pertes totales sur ce type de navires est-il le résultat de la chance ? Combien de temps cela durera-t-il ? Sur la base des chiffres connus, nous sommes passés, pour les rouliers, de 3 Pertes totales par suite d’incendie en 2010 à 7 en 2019. Après 2 années a priori calmes, 2022 s’annoncerait-elle comme une année difficile?
[i] The Largest Lithium-Ion Battery in the World Keeps Melting
[ii] Recognizing fire hazards & proper cargo stowage on ro-ro vessels
[iii] Enhancing fire safety on Ro-Ro decks