Jeune Marine a le plaisir de vous proposer un nouveau volet du « Journal de bord de la première Semi-circumnavigation Côtière de l’Antarctique occidentale par le navire d’exploration polaire Le Commandant Charcot. »
Cette formidable aventure vous est narrée par Nicolas SERVEL, Chercheur en biologie marine actuellement embarqué sur le Commandant Charcot, Président de TAXALIA-XR et contributeur pour la revue Jeune Marine : que de talents ! Il nous fait l’extrême honneur de suivre le déroulé avec le Commandant Stanislas Devorsine.
Voici donc le tout premier jour de cette très belle aventure :
16 janvier : départ d’Ushuaïa (Argentine)
- Coordonnées GPS départ : 54°48,669’ S / 68°17,762’ W
- Coordonnées GPS arrivée : 54°55,48’ S / 67°35,810’ W
- Distance parcourue : 28,2 NM
Météo :
- vent : Force 6 secteur sud-ouest
- houle : aucune, car nous sommes protégés dans les eaux intérieures du Canal de Beagle
- glace : aucune, outre quelques pics englacés de la Cordillère de Darwin dans le lointain
- courant : 0,2 nœuds
Ça y’est, nous quittons Ushuaïa et l’Argentine. Nous avons profité de cette courte escale pour sortir et procéder à nos derniers achats malgré un vent à décorner les bœufs. J’en ai profité pour retrouver quelques copains du Boréal, l’autre navire Ponant à quai juste à côté du Commandant Charcot. Victor, le second, était dans ma promo de lycée. Charles, le ZEF machine, était sur Le Bellot l’hiver dernier en même temps que moi. Il y a aussi le Directeur de l’Hôtellerie et la Pursuer que j’ai connus sur le Lapérouse, ainsi que deux biologistes de l’équipe naturaliste.
C’est ça aussi, Ponant : une grande famille de baroudeurs des mers. On trouve toujours quelqu’un à bord que l’on connaît déjà, et les retrouvailles sont souvent chaleureuses. À Ushuaïa, c’est encore plus le cas qu’ailleurs. La ville fourmille de marins en escale entre deux rotations vers la Péninsule Antarctique ou les canaux de Patagonie. On se paie des coups, on se raconte nos aventures et nos frayeurs de la saison, et puis chacun remonte sur son navire pour affronter le Drake. C’est difficile à expliquer, il faut l’avoir vécu. Une chose est sûre, toutefois, tout le monde regarde le Commandant Charcot avec envie. Là où nous naviguerons, nul ne pourra nous suivre.
Nous procédons à l’exercice obligatoire d’abandon du navire, cependant, en raison des fortes rafales qui balayent la rade d’Ushuaïa, le commandant décide de reporter le départ. Le temps doit mollir dans la soirée. Je sens comme un pincement au cœur : je ne reviendrai pas de la saison ; mes pas devant m’emporter vers les lagons d’Indonésie au terme de cet embarquement.
Finalement, c’est vers 22h que nous appareillons, avec à bord les deux pilotes, l’un argentin, l’autre chilien. Je salue chaleureusement ce dernier : je le connais, nous nous sommes rencontrés lors d’un voyage catastrophique au départ de Puerto Williams en décembre 2022 au cours duquel notre avion a tout bêtement perdu sa porte en plein vol – ça crée des liens ! Jusqu’à Puerto Williams, justement, la navigation nocturne est tranquille. Le Canal de Beagle est bien balisé. L’Argentin débarque juste avant notre mouillage devant Puerto Williams.
Nicolas SERVEL
