Jeune Marine a le plaisir de vous proposer un nouveau volet du « Journal de bord de la première Semi-circumnavigation Côtière de l’Antarctique occidentale par le navire d’exploration polaire Le Commandant Charcot. »
Cette formidable aventure vous est narrée par Nicolas SERVEL, Chercheur en biologie marine actuellement embarqué sur le Commandant Charcot, Président de TAXALIA-XR et contributeur pour la revue Jeune Marine : que de talents ! Il nous fait l’extrême honneur de suivre le déroulé avec le Commandant Stanislas Devorsine.
18 janvier : Passage du Drake
- Coordonnées GPS départ : 56°19,7’ S / 66°21,5’ W
- Coordonnées GPS arrivée : 62°20,6’ S / 66°35,1’ W
- Distance parcourue : 364,14 NM
Météo :
- vent : 30 nœuds de secteur nord-ouest avec rafales à 40
- houle : 5m à 6m de secteur ouest-nord-ouest par le travers
- glace : aucune
- courant : veines régulières de circumpolaire d’ouest à 1 nœud voire un peu plus
Cette nuit, tout a volé dans les cabines. Vers une heure du matin, nous avons perdu la protection du plateau de Horn. La houle, déviée jusque-là par les hauts fonds, s’est brusquement creusée de plusieurs mètres. Les préparatifs de la veille n’auront pas empêché les bris de vaisselle ou quelques tables renversées, ni les portes qui s’ouvrent et claquent au gré des vagues. Les lits se transforment en crêpière ; nous nous faisons allègrement secouer. Nous dévions de notre cap à 185 degrés aux environs de 2h pour abattre à 178 et prendre la houle par le travers. Cette légère correction nous évite les coups sourds qui ébranlent le navire au petit largue.
Ainsi, nous roulons de bord à bord tel le balancier d’une horloge. Elle imprime la cadence et rythme la journée. Nous profitons de ce jour en mer afin d’accomplir le safety tour du navire avec Corentin, l’officier sécurité, et remplir le questionnaire de familiarisation aux protocoles d’urgence. La routine, quoi, mais rien de tel qu’un bon briefing pour se replonger dans l’ambiance.
Vers 15h15, par 60S07’, nous franchissons la Convergence, cette frontière océanographique qui marque notre entrée dans l’Océan Austral. Les eaux froides venues de l’Antarctique, poussées vers le Nord par les vents et la force de Coriolis, glissent ici sous des eaux subantarctiques relativement chaudes. En été, le thermomètre ne chute que de quelques degrés en une trentaine de miles, mais l’hiver, cette frontière se renforce : l’océan perd dix degrés sur une distance bien moindre. Nous voilà donc sur l’Océan Austral. Nous conservons le cap au 178 jusqu’à 18h, heure à laquelle le commandant réunit son équipe pour aviser des dernières données météorologiques. La décision est prise : cap au 182 sur le Détroit de Pendleton.
Ci-dessous : relevés de température et de salinité au franchissement de la Convergence. Les eaux antarctiques, adoucies par la fonte estivale de la banquise mais plus froides et donc plus denses (sur la droite) glissent sous la couche subantarctique, plus salée mais surtout plus tiède ( à gauche)
Nicolas SERVEL
