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Décarboner le monde… une lubie ?

Pierre Aury, dans un article publié en anglais le 2 avril 2024 dans les colonnes de Splash247, se demande si nous fixons les bonnes priorités pour rendre le monde plus vert. ( Jeune Marine remercie Pierre Aury et Splash 247 pour leur accord a partager cette tribune )

Le MEPC (Marine Environment Protection Committee) s’est réuni pour la 81éme fois il y a quelques jours. Étrangement, les transports maritimes se sont engagés dans une croisade pour devenir la première industrie entièrement décarbonée ! Mais regardons tout d’abord la situation générale :

Le diagramme ci-dessus montre les émissions de CO2 mondiales base 100 en 1960 (courbebleue /axe vertical gauche) et la concentration de CO2 dans l’atmosphère également base 100 en 1960 (courbe rouge/axe vertical droit).

Il est étonnant de constater que toute l’attention est portée sur le nombre absolu de tonnes de CO2 émises annuellement alors qu’en fait ce qui compte c’est la concentration de CO2 dans l’atmosphère qui en résulte, car c’est cette concentration de CO2 qui génère le réchauffement. Le problème est que 50% du CO2 émis reste plus de 120 ans dans l’atmosphère ! Comme on peut le voir sur le diagramme ci-dessus, la brutale réduction des émissions générée par le Covid n’a pas eu d’impact sur la concentration !

En fait la concentration de CO2 dans l’atmosphère ne commencera à baisser qu’à partir du moment où nous émettrons moins de CO2 qu’il n’en disparaît naturellement chaque année. Si l’on prend une demi-vie du CO2 dans l’atmosphère de 120 ans alors chaque année, 0.4% du CO2 présent dans l’atmosphère disparaît (50/120=0.41%) alors que nos émissions sont en augmentation d’environ 1.3% par an sur les 30 dernières années …calcul simple, mais cruel !

Pour faire court la décarbonation de notre économie, si elle est bien le remède au réchauffement climatique, de donnera des résultats qu’à long terme. Il s’agirait donc là du premier exemple de décisions politiques prises pour un gain à long terme ! Tout à fait intrigant aussi est le fait que le modèle qui nous est proposé est en fait implicitement basé sur un conte de fées : il y a très longtemps les humains brûlaient du bois. Puis le bois fut remplacé par le charbon qui lui-même fut remplacé par le pétrole et le gaz. Et donc nous sommes sur le point de voir ce phénomène se répéter avec des énergies sans carbone qui vont replacer le pétrole et le gaz. C’est simple non ?

C’est simple oui, mais c’est erroné. L’humanité n’a jamais brûlé autant de bois que maintenant ! De fait chaque nouvelle énergie qui est apparue n’a pas remplacé la précédente, mais a satisfait de nouveaux besoins. C’est un phénomène bien documenté depuis des siècles et qui s’appelle l’effet rebond ou encore le paradoxe de Jevons.

Regardons maintenant les différents secteurs. Le diagramme circulaire ci-dessous montre une sélection de différents secteurs avec en valeur relative leur part des émissions globales de  CO2:

Deux secteurs à eux seuls représentent plus de 50% du total des émissions : la production d’électricité et l’agriculture représentent ensemble 53% de toutes les émissions ! Si on y ajoute les voitures et les camionnettes, on arrive à 60% de toutes les émissions. Donc en ayant recours à nouveau à des calculs simples on constate qu’une diminution de 10% des émissions liées à la production d’électricité ferait plus que compenser l’ensemble des émissions du transport maritime ! Une même baisse de 10% appliquée à la production d’électricité et à l’agriculture compenserait largement les émissions combinées du transport maritime et aérien !

Une diminution de 30% des émissions des voitures et camionnettes équivaudrait à l’ensemble des émissions du transport maritime. Or nous savons comment diminuer de 30% les émissions des voitures…en revenant à ce que nous avions il n’y a pas si longtemps à savoir des voitures qui pèsent 1 tonne et non pas 2 ou plus comme aujourd’hui ce que nous ne sommes pas prêts de faire alors qu’au même moment nous accrochons des cerfs-volants à des vraquiers !

Pierre Aury

Ancien élève de l’ENMM du Havre (Grand-Mât en 1984), a commencé sa navigation chez Louis Dreyfus à partir de 1977, puis a travaillé au siège de LDA, puis après un détour de quelques années par Sydney et Istanbul s’est établi à Londres où il a successivement travaillé chez Enron, AEP, Clarkson et Platou. Actuellement consultant maritime il dirige également Competitive ShipBrokers Limited, une association qui compte 13 courtiers de renom parmi ses membres.

 

 

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