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Portrait : Éric Saint Plancat, Commandant de l’Exploris One

Nous l’avons rencontré à bord de l’Exploris One, en mai dernier. Après six mois de navigation en Antarctique puis en Macaronésie, le premier navire de la compagnie nantaise Exploris faisait escale à Honfleur : à la barre, le Commandant Saint Plancat.

Éric Saint Plancat commence à naviguer en tant que skipper, en 1991 : suite à ce qu’il décrit comme une révélation. « Ma vocation s’est révélée à moi à l’âge de dix-huit ans, presque par accident. Je ne savais pas encore ce que je voulais faire de ma vie. Je faisais des études de prépa sciences politiques à Paris : ça ne se passait pas très bien mais ça m’a conduit, par hasard, au salon nautique » se remémore-t-il. « C’est là où je me suis aperçu qu’il y avait des gens qui étaient payés, pour emmener des passagers sur des voiliers autour des îles des Antilles. Ça a été un choc : je me suis dit, c’est ça que je veux faire. »

Éric Saint Plancat débute alors une carrière maritime qu’il décrit comme, propulsée par l’amour des bateaux. « J’aime tout ce qui flotte et qui va sur la mer. Que ça ait des voiles ou des moteurs, que ça transporte des marchandises ou des passagers. » Après avoir abandonné ses classes préparatoires, il obtient son brevet de skipper. « J’ai convaincu mes parents que j’avais une très, très forte vocation pour devenir marin. Ils m’ont soutenu et c’est comme cela que j’ai passé le brevet de skipper. Lorsqu’on a dix-huit ans et un projet en tête, ça m’aurait largement suffi, je me voyais déjà partir faire de la voile toute ma vie ! » raconte-il. « Mais heureusement, mes parents m’ont poussé à aller plus loin : tu as compris ta vocation, on va t’aider, mais tu dois aller jusqu’au bout. »

Éric Saint Plancat intègre l’Hydro en 1992. « J’ai alors commencé à alterner les expériences sur les voiliers avec celles sur les navires de commerce : d’abord comme élève officier puis chef de quart – tout en redevenant de temps en temps skipper à bord de voiliers de plus en plus grands. » Il décrit cette alternance comme une excellente formation. « J’ai rapidement su manœuvrer un bateau – même s’il était bien sûr plus modeste que les navires que je commande aujourd’hui. Skipper, c’est quand même la responsabilité totale d’un bateau, d’un équipage et de passagers. »

Belem @ Escale à Sète

Vrac, yachting, voile, passagers… En trois décennies de navigation, le Commandant Saint Plancat a alterné entre une trentaine de navires. « Pour un marin passionné, les bateaux sont tous presque des personnes » analyse-t-il. « En anglais, on en parle au féminin, avec beaucoup de respect. On est toujours très attachés à tous les bateaux sur lesquels on navigue. » Parmi ces navires, certains l’ont spécialement marqué : en tête, le trois-mâts Belem.

« Mon rêve était simplement de poser, un jour, mon sac à bord : je l’ai amplement dépassé, puisque j’ai gravi les échelons jusqu’à le commander pendant trois ans, de 2003 à 2005 » se félicite-t-il. « Non seulement parce qu’il est beau, prestigieux, mais surtout pour tout ce qu’il apporte en termes de leçons de vie en mer, pour un marin. Rien qu’en manœuvre : je suis passionné de voiles, mais je ne savais pas du tout comment fonctionnait un gréement carré. J’ai tout appris à bord du Belem. » Mais il décrit, avant tout, une leçon d’humilité. « Lorsqu’on navire sur le Belem, on prend conscience de comment on naviguait il y a cent ans. Avec seulement treize membres d’équipage, évidemment pas de moteur, ni de GPS ni de radar. Tout à la voile, à travers l’Océan. On navigue aujourd’hui avec nos moyens modernes – et c’est très bien comme cela, mais n’oublions pas comment tout a commencé » conclut-il.

Le second navire qu’il décrit comme marquant, est aux antipodes du Belem. « Le Douce France était le plus grand voilier catamaran du monde. Les catamarans en général, je ne les trouve pas très beaux. Ils ont plein d’avantages techniques mais ce sont des drôles de bestioles sur l’eau » décrit-il. « Le Douce France est vraiment une exception à la règle, parce qu’il est splendide. Très long, très étroit, avec un élégant gréement de goélette. » Le Douce France sera le premier navire important qu’Éric Saint Plancat commandera. « On me confie la responsabilité de ce voilier à l’âge de vingt-six ans, ce qui était… presque une aberration ! » plaisante-t-il. « J’étais très jeune, et je le paraissais encore plus : les gens me prenaient pour un matelot quand je les accueillais à bord. Mais, ce sont trois ans d’une très belle expérience entre les Antilles et la Méditerranée. »

Le catamaran Douce France – ©E. Saint Plancat DR

Nous rencontrons Éric Saint Plancat à bord du troisième de ces navires. « L’Exploris One est un navire auquel je suis très attaché. J’ai déjà pas mal de complicité avec lui » décrit-il, se remémorant des souvenirs forts. Sans attache particulière pour la croisière traditionnelle, le Commandant de l’Exploris One témoigne sa passion pour l’expédition. « C’est un type de croisière respectueux de l’environnement, avec des navires de petite taille, conçus et équipés pour ce respect. Mais surtout, nos passagers viennent pour la destination, non pour le navire. Ils ne viennent pas pour faire la fêter, jouer au casino, glisser sur des toboggans : ils viennent découvrir la beauté du monde. »

Construit en 1989, l’Exploris One est déjà un navire d’expédition ancien. « Nous sommes à bord d’un bateau qui a une âme, qui a une histoire, on va ressentir cette histoire. Ce sont des navires qui ont fait leurs preuves, qui ont bourlingué sur toutes les mers du globe. Pour l’Exploris One c’est vraiment le cas : je ne sais pas combien de milles il a parcouru en ses trente-cinq ans d’existence, mais ce doit être un chiffre absolument hallucinant. Il a été du Grand Nord au Grand Sud, d‘Est en Ouest, cela se compte en plusieurs tours du monde » décrit-il avec admiration.

l’Exploris One en escale à Honfleur – ©JMEH

Malgré son attachement à ces navires, le Commandant Saint Plancat garde un certain recul quant à leur conservation. « Le revers de la médaille, c’est que des navires anciens comme l’Exploris One demandent beaucoup d’attention et d’entretien » analyse-t-il. « Dans le cas du Belem, s’il réalise la prouesse de naviguer encore à cent-trente ans, c’est qu’il est arrêté tous les hivers et qu’il a subi de grosses rénovations. » Des contraintes commerciales chères, et pas toujours rentables. « Le Belem est un monument de notre patrimoine maritime, on a le devoir de le maintenir. Un navire de commerce quel qu’il soit, même un navire de croisière, ce n’est pas le cas : et cela deviendrait vite ingérable et non-rentable. » Sans oublier l’évolution permanente des normes : « [Elles] deviennent de plus en plus sévères et draconiennes. Les vieux navires, qui n’ont pas été conçus pour ça, ne peuvent pas être adaptés – à moins d’investissements qui deviennent absolument démesurés. Et ce même par rapport à l’investissement dans des navires neufs, conçus dès le départ dans le respect de ces normes. »

Parmi ses expériences marquantes, Éric Saint Plancat inclut d’ailleurs la conception d’un navire neuf. « C’est à bord du Douce France que j’ai fait la rencontre la plus importante de ma vie : celle de Guy Laliberté, fondateur du Cirque du Soleil. Il m’a embarqué sur son projet personnel : il voulait construire une version agrandie de Douce France » décrit-il. Si le projet n’a pas abouti, il décrit cinq années passionnantes passées sur une planche à dessin, pour concevoir un navire exceptionnel. En 2005, Guy Laliberté renonce à ce projet et achète le Tiara : il recrute Éric Saint Plancat en tant que capitaine, pour ce que ce dernier décrit comme « sept ans de bonheur professionnel. » Parallèlement à cette navigation, il entame son odyssée personnelle : « Au même moment, j’embarquais ma famille sur notre voilier Maritea. Nous n’avons pas fait le tour du monde – juste la moitié, de la France jusqu’en Nouvelle-Zélande – mais un très grand voyage, un mode de vie » décrit-il. « Quinze années de vie à bord en tout (avec la période néo-zélandaise) et dix ans de voyages : trois ans en Polynésie Française, en escale là-bas. »

Le Maritea en navigation – ©E. Saint Plancat DR

Quand Guy Laliberté se sépare du Tiara, Éric Saint Plancat en profite pour réaliser un nouveau rêve. « J’avais toujours voulu naviguer un jour dans les glaces de l’Antarctique » explique-t-il. « Par un concours de circonstances absolument extraordinaire, la vie m’a offert ça. » Après deux embarquements à bord du Soléal de Ponant, il prend en 2018 le commandement des navires d’expédition polaire de Silversea : les Silver Cloud et Silver Explorer – aujourd’hui devenu l’Exploris One. « Avec ce navire, j’ai énormément navigué aussi, du Nord au Sud » explique-t-il avec émotion. « C’est à bord du Silver Explorer que j’ai atteint le point le plus sud de ma carrière (68°S), que j’ai pu emmener mes enfants en Antarctique… »

Éric Saint Plancat décrit son parcours comme guidé par sa passion pour la mer et pour les bateaux. « Je crois que j’avais de l’eau salée dans les veines dès mon enfance ! » décrit-il, s’étonnant de l’avoir découvert si tard. « Dans mon cas, elle était là avant même l’expérience. Cela dit, j’imagine aussi que cette passion puisse naître avec la découverte du métier. » Le Commandant de l’Exploris One recommande d’ailleurs de s’écouter, de suivre sa propre passion – quelle qu’elle soit. Il a relaté cette expérience hors du commun dans un livre, intitulé À la Barre de ma vie, pour partager cette vie de passion.

 

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