AEM2024

« Je suis patriote »

Intervention de Rodolphe Saadé , pdg de CMA CGM, aux Assises de l'Économie de la Mer à Bordeaux

 Quel grand manager français ferait aujourd’hui cette déclaration courageuse devant une salle de congressistes ? Romain Gary et Joseph Kessel, tous deux nés hors de France de parents étrangers, ont toujours affirmé haut et fort leur amour de la France, un pays qu’ils ont servi par les armes. Rodolphe Saadé est né au Liban, un pays que sa famille a fui lors de la guerre civile (1978). Armateur et milliardaire, il pourrait, tel Carlos Ghosn, adopter une posture mondialiste et se vanter d’être « partout chez lui, tel un citoyen du monde », attitude qui cache trop souvent un égoïsme de classe. Au premier jour des Assises de l’Économie de la Mer, le président de CMA-CGM a affirmé à plusieurs reprises et sans ambages, avec cette diction ferme et un peu saccadée qui le caractérise : « je suis patriote ».

Bien sûr, sa phrase, brève et ponctuée, doit être remise dans son contexte : Rodolphe Saadé sort d’une difficile période de négociation avec le gouvernement qui cherche, sous la pression de députés ignorant du commerce maritime et parce que l’État gratte le fond de la caisse, à remettre en cause le principe de la taxe au tonnage et celui de l’exonération des charges salariales, mesures nécessaires pour maintenir la force concurrentielle des compagnies françaises et pour répondre aux exigences de la flotte stratégique. Il nous a toujours habitués à des propos concis, efficaces et directs. Sans langue de bois ni fioritures, il décrit les efforts qu’il estime avoir consentis à travers ce qu’il appelle « ses choix patriotiques » : 1000 marins nationaux sur ses navires, de nombreux élèves embarqués issus de ce qu’il considère être « une filière d’excellence » (l’ENSM), des investissements massifs pour décarboner la flotte de demain, une recherche active sur l’IA au service d’une navigation sûre et performante.

Interrogé par Thibaud Teillard sur l’agrandissement du siège de la Région Nord à Londres et les bruits qui courent sur un exil du siège social français, Rodolphe Saadé se montre à nouveau bref et affirmatif : « je suis très attaché à la France. Il n’y a pas de raison que nous quittions ce pays ».

Rodolphe Saadé MB@jeunemarine.fr

Le résultat de sa négociation avec l’État serait le maintien des avantages fiscaux à long terme contre le paiement d’une contribution exceptionnelle par CMA-CGM sur deux ans, de 500 M€ et 300 M€. Le président ajoute : « une contribution exceptionnelle doit rester honnêtement limitée dans le temps. Si elle devait être reconduite, je serais alors obligé de reconsidérer nos investissements. L’État ne doit pas confondre contribution et confiscation. Il doit aussi prendre sa part, en réduisant les dépenses publiques et en soutenant l’investissement ». À bon entendeur, salut !

Rodolphe Saadé rappelle que ses grands concurrents, qui bénéficient des mêmes avantages que CMA-CGM, ne versent aucune contribution, et qu’il ne saurait accepter sur le long terme que les règles de la concurrence soient distordues.

En résumé, un patriote ne saurait être une vache à lait. Ce n’est pas un hasard si Rodolphe Saadé a tenu son discours, fort applaudi, avant que le ministre ne s’exprime.

 

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