Plus de cinq ans après que le juge d’instruction libanais Fadi Sawan ait émis des notices rouges d’Interpol à son encontre et à l’encontre du capitaine du navire, Boris Prokoshev, les autorités bulgares ont arrêté le 5 septembre Igor Grechushkin, le propriétaire russe du cargo Rhosus, à son arrivée à l’aéroport Vasil Levski de Sofia en provenance de Paphos (Chypre). Ce navire avait débarqué les 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium qui ont provoqué l’explosion du 4 août 2020, rasant une grande partie de la capitale libanaise, tuant au moins 218 personnes, en blessant plus de 6 000 et causant des milliards de dollars de dégâts. Elle reste l’une des plus grandes explosions non nucléaires de l’histoire.
Faisant route entre la Géorgie et le Mozambique, le Rhosus avait fait escale en novembre 2013 pour compléter son chargement avec des engins de chantier. Il a été immobilisé par les autorités libanaises à la suite d’un contrôle de sécurité puis pour non-paiement des droits portuaires.
Le Rhosus est abandonné par son propriétaire, laissant l’équipage à bord dans des conditions précaires. Les marins, principalement Ukrainiens et Russes, ont été rapatriés après plusieurs mois grâce à l’intervention d’organisations internationales, mais la cargaison de nitrate d’ammonium est stockée dans le hangar 12 du port de Beyrouth, où elle est restée pendant des années dans des conditions de stockage aléatoires, pillée en partie, avant de s’enflammer en 2020. (lire article Jeune Marine N°256).
En réalité, Igor Gretchushkin n’est pas le propriétaire du navire, mais un homme d’affaires russe, ancien oligarque de Khabarovsk, installé à Chypre. En 2013 il a affrété coque nue le Rhosus à son propriétaire effectif le chypriote Charalambos Manoli, avec lequel il est régulièrement en affaires. Il est directement responsable de l’escale imprévue à Beyrouth, à l’origine de la catastrophe, en cherchant du fret complémentaire afin de rentabiliser le voyage vers le Mozambique.
La justice libanaise accuse l’homme d’affaires de négligence criminelle en lien avec le transport et l’abandon du nitrate d’ammonium à bord du Rhosus. Selon la législation bulgare, les autorités libanaises ont 40 jours pour demander son extradition. Mais depuis 2020, l’enquête de la justice libanaise n’a guère avancé sous la pression des différentes factions politiques. Cependant, le ministre libanais de la Justice, Khaled Kabbani, a salué cette arrestation comme une « étape cruciale vers la justice pour les victimes de l’explosion » reflétant la pression croissante exercée par les familles des victimes et la société civile libanaise, mais surtout la pression des États-Unis et de la France qui ont exigé des progrès dans l’enquête en échange d’une aide financière pour la reconstruction.
