Le 9 mai dernier, un groupement de professionnels du yachting incluant des armateurs, des marins, des opérateurs de chantiers navals en France ( les deux associations MYBA et ECPY et la société VAUBAN21)ont déposé un recours contre le décret devant le Conseil d’État (recours sur le fond et recours en référé).
Pour rappel ( Voir article du mois JM 239 et 238), le décret prévoit, à compter du 1er juillet 2017, que les gens de mer marins « résidant de manière stable et régulière » en France sont affiliés par leurs employeurs auprès de l’ENIM, sauf à ce qu’ils soient soumis à la « législation sociale » d’un État étranger en application des règlements de l’Union européenne ou d’accords internationaux de sécurité sociale. Pour déterminer la résidence du marin, l’Administration a décidé de retenir une présence régulière continue et ininterrompue du marin de plus de 3 mois en France.
L’ENIM a publié le 30 juin sur son site internet la précision selon laquelle le décret ne concernerait que les navires à usage commercial. Ainsi, seraient dispensés d’affilier leurs personnels gens de mer, les armateurs qui utiliseraient leurs navires de manière privative c’est-à-dire à la plaisance.
Le montant de la cotisation est calculé sur la base d’un salaire forfaitaire suivant les fonctions et l’ancienneté du salarié concerné. Le taux applicable sur ce salaire forfaitaire est ensuite de 12,10 % pour le marin et entre 35,05 et 35,65 % pour l’armateur, suivant que le navire dépasse ou non une taille de 25 mètres. En sus de ces cotisations vieillesse et prévoyance s’ajoutent la cotisation allocations familiales ainsi que la CSG-CRDS. Le taux de cotisation pour les employeurs, ramené au salaire réel est estimé à 47,75% contre un taux acquitté de 10 à 20% par l’armateur en respect de la convention internationale (MLC) en vigueur actuellement.
Le 10 juillet 2017, après l’entrée en vigueur du texte, sans même avoir auditionné les requérants, le Conseil d’État a rejeté le recours (en référé, la procédure au fond reste ouverte) notamment en invoquant le caractère supplétif du décret, c’est-à-dire qu’il ne s’appliquerait que lorsque les armateurs ne cotisent pas à un régime de sécurité sociale, ce qui est le cas notamment dans le cadre de la MLC. Il apparait donc qu’il existe une réelle solution pour neutraliser les effets négatifs de ce décret et revenir à une solution compétitive pour l’État français. Cette décision, si elle était validée par l’État, sera aussi l’occasion de mettre fin à la contradiction de vouloir proposer des taux de protection sociale compétitifs via le pavillon RIF et même temps de produire un décret fixant des taux prohibitifs.
Depuis cette date, les requérants tentent de convaincre les politiques des effets néfastes de ce texte dommageable pour l’emploi et l’économie maritime, particulièrement sur la Côte d’Azur. Une lettre ouverte, signée de Renaud Muselier, Christian Estrosi et Hubert Falco, a été adressée au Président de la République.
Le 2 août 2017, une rencontre a eu lieu avec Benjamin Maurice, conseiller social de Madame la Ministre Élisabeth BORNE, pour demander la mise en place d’un moratoire de 6 mois, le temps de mettre en œuvre de véritables échanges autour de ce texte. Les représentants du yachting ont également demandé la confirmation du caractère supplétif.
C’est une situation d’urgence pour que les ports, les chantiers navals et l’ensemble des professionnels qui composent l’écosystème des emplois maritimes (120.000 d’après le dernier recensement par l’INSEE pour la seule Région PACA) puissent être sauvés. Les dégâts sur l’emploi des marins résidants français sont déjà visibles. Depuis début 2017, la perte de chiffre d’affaires en escales du port emblématique de Saint-Tropez est de 30%, celle de la rade de Toulon de 40%. Le manque à gagner est similaire au port d’Antibes, plus gros port de yachting d’Europe et célèbre pour son fameux « quai des milliardaires », selon la Chambre de commerce et d’industrie (CCI). D’après un professionnel du secteur « le surcoût annuel en France lié aux charges sociales s’élève à 300.000 euros pour un équipage de 7 personnes ».