Jeune Marine N°262Vie à bord

Deux semaines au sein du CROSS JOBOURG

Par Axel GRILLOT

Deux opérations majeures coordonnées par le CROSS Jobourg :

Lors de mon arrivée, le mardi 27 avril 2021, au CROSS Jobourg, pour une période de réserve de deux semaines, je pensais passer une période de réserve ressemblante aux précédentes. Un trafic important et dense, peut-être quelques coups de vent et des opérations à gérer. Jamais je n’aurais pu penser à ce qui va suivre.

 

La semaine commença bien jusqu’à cet instant, le jeudi 29 avril 2021 à 08h15, quand le navire de pêche Mascaret III appelle le CROSS par VHF sur le canal 16 pour informer qu’un de ses marins est tombé à l’eau. La position estimée de l’homme à la mer est déterminée en même temps qu’un message MAYDAY RELAY est diffusé. L’hélicoptère EC145 « DRAGON » 50 de la sécurité Civile est engagé ainsi que les canots tout temps de la SNSM de Granville et de Saint-Malo.

D’autres moyens répondent au relais d’appel de détresse du CROSS, notamment la Vedette Côtière de Surveillance Maritime (VCSM) Trieux de la Gendarmerie Maritime ainsi que 17 navires de pêche proches de la zone.

Le CROSS informe également les garde-côtes de Jersey, qui engage un canot tout temps et un semi-rigide de la Royal National Lifeboat Institution (RNLI qui est l’équivalent de la SNSM pour les Anglais) plus un canot de la Jersey Lifeboat Association.

A 10h30, l’hélicoptère DRAGON 50 est relevé par le NH90 « CYCLONE » de la 33F.

Les forts coefficients de marée, à l’origine de puissants courants de dérive rendent les recherches compliquées. Finalement, après plus de 13 heures de recherches infructueuses, les opérations ont été interrompues suite à décision du Préfet Maritime sur proposition du CROSS Jobourg vers 21 h 30 en raison de la tombée de la nuit et de l’absence d’éléments nouveaux.

Nous avons appris vers la fin de l’opération que le marin pêcheur se serait suicidé en se jetant à l’eau sans VFI. L’eau étant à une température de 10°C à cet instant, sa durée de survie ne dépassait pas 4 heures s’il avait eu un gilet de sauvetage.

Puis la semaine s’écoula jusqu’à ce lundi 3 mai 2021, quand à 21h45, lors d’un fort coup de vent avec une mer forte, le remorqueur CHRISTOS XXIV m’appelle par VHF pour informer que le pétrolier brise-glace russe VARZUGA qu’il remorque, vieux de 50 ans et sans équipage, qui partait pour la démolition à Aliaga en Turquie, est à la dérive en raison de la rupture de la remorque. Comme le convoi se situe à 10 milles de l’entrée de la voie Sud-Ouest du DST des Casquets, nous informons aussitôt les navires à proximité du danger. Nous informons les garde-côtes anglais de Solent pour les informer de la situation. Le navire se trouvant dans leur zone, ils prennent la coordination. Faisant suite à notre demande, le remorqueur annonce ne pas réussir à rester à proximité de la coque, en raison de la météo. Le vent est alors de 40 nœuds établi avec des rafales allant jusqu’à 60 nœuds et un état de mer 6 sur l’échelle de Douglas. La coque du VARZUGA dérivera en zone anglaise vers le Nord-Est puis vers le Sud-Est. Nous continuerons d’informer le trafic alentour par message de sécurité.

Je prends mon quart à 07h00. La météo n’a que très peu molli. A 08h30, le pétrolier entre dans notre SRR, nous reprenons la coordination de l’opération. Nous comprenons qu’en raison des conditions météorologiques, le remorqueur CHRISTOS XXIV, lui aussi vieux de 50 ans, n’arrivera pas à repasser une remorque seul. Après échange avec le COM, il est décidé l’envoi d’une Équipe d’Évaluation et d’Intervention (EEI) afin d’analyser la situation à bord de la coque du VARZUGA et être en mesure de conduire au besoin une intervention d’urgence. Elle devra inspecter l’état général du navire, l’état des apparaux de mouillage et de remorquage, le local barre et vérifier les alarmes de niveaux dans les mailles sèches et ballasts si possible. Le remorqueur d’intervention, d’assistance et de sauvetage (RIAS) ABEILLE LIBERTÉ est également engagé et embarque à son bord l’EEI. L’hélicoptère Caïman Marine est lui aussi déployé pour transférer un inspecteur de la sécurité des navires (ISN) de Caen, membre de l’EEI vers l’ABEILLE, puis l’EEI de l’ABEILLE sur la coque à la dérive. Le suppléant du Préfet Maritime adresse une mise en demeure à l’armateur grec du CHRISTOS XXIV et à l’armateur russe du VARZUGA de mettre en œuvre tous les moyens possibles pour remorquer le navire en difficulté avant 18h. A 18h, la décision est prise de faire remorquer la coque du VARZUGA par l’ABEILLE LIBERTÉ qui le passe en remorque et fait route vers la Baie de Seine, au large de Saint-Vaast, un abri naturel. Ceci, afin qu’une nouvelle remorque puisse être capelée par le CHRISTOS XXIV pour repartir en sécurité.


Les photos qui nous parviennent de l’ABEILLE sont impressionnantes. Soumis aux éléments naturels, le pétrolier roule presque bord sur bord, soit un roulis d’environ 35°. La remorque principale cassée, la remorque de secours qui s’est coincée ainsi que des aussières passées par les chaumards fouettent dans le vide.

Sur le trajet, dans la nuit du mardi 4 mai au mercredi 5 mai, l’ABEILLE casse sa remorque. Une nouvelle remorque est passée et le convoi arrive au matin au large de Saint-Vaast-la-Hougue.

Le mercredi 5 mai, la mise en place d’une nouvelle remorque commence, l’ABEILLE gardant la remorque par l’arrière du pétrolier. Un remorqueur qui passait par la voie montante du DST des Casquets, le MUSTANG, est engagé par la compagnie grecque du CHRISTOS XXIV pour l’assister. Deux canots SNSM sont engagés pour assurer la sécurité du plan d’eau. Le sémaphore de Saint-Vaast de la FOSIT Manche-Mer du Nord concourt à  la surveillance du plan d’eau.

Le jeudi 6 mai, les opérations de mise en place de remorque continuent. Une nouvelle mise en demeure est adressée aux compagnies gérant le CHRISTOS XXIV et le VARZUGA de sécuriser le convoi et de l’emmener à un abri à quai. Plusieurs ports sont évoqués, notamment Southampton, Cherbourg et Le Havre. A 19h30, le CHRISTOS XXIV met en tension sa remorque et fait route vers Le Havre, port refuge choisi par sa compagnie. L’ABEILLE largue sa remorque. Le MUSTANG ainsi que l’ABEILLE LIBERTÉ accompagnent le convoi jusqu’à la prise de pilote pour l’entrée au port.

Le vendredi 6 mai, liberté de manœuvre est donnée à l’ABEILLE ainsi qu’à l’EEI toujours présente à son bord. Deux pilotes du port du Havre embarquent à bord. Le VARZUGA, toujours remorqué par le CHRISTOS XXIV, est pris en remorque par 4 remorqueurs portuaires et accoste à quai sans incident.

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