« Un bateau c’est un bateau ! » Si certains pensaient cela il y a quelques dizaines d’années beaucoup d’entre vous savent qu’aujourd’hui ce n’est plus du tout le cas ! Brittany Ferries n’échappe pas à la règle de la transformation, notre Rédaction a donc interrogé un de ses officiers qui nous explique le renouveau de son travail d’Officier embarqué à bord des navires de la compagnie.
Jeune Marine : Bonjour Pierre, nous nous entretenons aujourd’hui pour présenter une spécificité très intéressante du métier d’officier Pont au sein de l’armement Brittany Ferries : peux-tu te présenter à nos lecteurs et nous expliquer tout cela ?
Pierre PICARD : Bonjour, je m’appelle Pierre Picard, je suis lieutenant depuis 8 ans à la BAI et, depuis 3 ans je fais quelques remplacements de second capitaine.
Effectivement lieutenant à la Brittany Ferries permet d’explorer une assez large facette du métier d’officier que je vais essayer de décrire de la meilleure des façons.
En plus des situations d’anti-collision, souvent intéressantes et peu ennuyeuses en raison d’un trafic assez dense en Manche et en mer d’Iroise, nous pouvons être régulièrement en charge du chenalage sous la responsabilité du Commandant, et nous avons même par moment la charge de la manœuvre…. Ce qui rend le travail totalement excitant et pas du tout routinier car les chenalages et manœuvres ne sont jamais les mêmes et dans des ports exigeants avec du trafic comme Portsmouth cela peut devenir assez engagé !
Mes chenaux favoris sont le Four et le Raz de Sein en mer d’Iroise, nous sommes en effet pratiquement les seuls navires marchands à emprunter ces chenaux et ce sont toujours des moments magiques, même au bout de 8/9 ans… Sans oublier le Raz Blanchard, le passage des Sept-Îles ou même les arrivées à St-Malo et Santander…
D’autre part, sur une bonne partie des navires le lieutenant peut être en charge du chargement des véhicules sur un des ponts, ce qui nous permet d’avoir un contact avec nos voyageurs souvent contents de pouvoir s’adresser à un lieutenant.
Jeune Marine : L’autre challenge est l’arrivée de navires plus modernes en accord avec les besoins de transition en terme de combustibles ?
Pierre PICARD : Tout à fait ! L’arrivée du GNL est un sacré cap pour l’entreprise, ainsi qu’un beau challenge ! Les phases de soutage et d’exploitation sont bien différentes d’un navire classique, cela demande au lieutenant une adaptation dès lors qu’on arrive d’un navire plus traditionnel … D’ici un an le premier navire « hybride dual fuel (GNL et fuel) et électrique » va aussi pointer son étrave ! Nous serons parmi les premiers navires à passagers au monde à utiliser cette énergie et les premiers en France. La Brittany Ferries montre par ce biais qu’il est plus que temps d’effectuer un vrai virage de ce côté-là et nous ne sommes pas de simples spectateurs.
Jeune Marine : Les économies d’énergie ou la sobriété ne sont pas forcément une question de combustible, il me semble que vous agissez également d’une autre façon ?
Pierre PICARD : Effectivement, depuis déjà quelques années nous faisons du routage océanique afin de consommer le moins possible, tout cela en respectant bien évidemment les règles de sécurité et les consignes Commandant. Nous utilisons essentiellement le logiciel Adrena, utilisé sur 95 % des voiliers de course au large ! Grâce à celui-ci, nous nous présentons par exemple aux chenaux bretons dans le meilleur timing possible afin de profiter d’une onde de courant favorable sur le reste de la traversée en Manche ou ailleurs ; nous le faisions déjà mais désormais la précision est améliorée. Les gains sont impressionnants et assez excitants (plusieurs tonnes/traversée sur des traversées longues).
A l’avenir nous allons devoir porter une attention particulière sur ces points du fait de l’évolution de la règlementation IMO sur les émissions (CII = Carbon Intensity Index & EEXI = Energy Efficiency Existing Ship Index) !
NDLR : Reprise intro site IMO : « Les modifications apportées à l’Annexe VI de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) entrent en vigueur le 1er novembre 2022. Élaborées dans le cadre de la Stratégie initiale de l’OMI concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) provenant des navires, adoptée en 2018, ces modifications techniques et opérationnelles exigent que les navires améliorent leur rendement énergétique à court terme et réduisent ainsi leurs émissions de gaz à effet de serre.
À partir du 1er janvier 2023, il est obligatoire pour tous les navires de calculer leur indice de rendement énergétique des navires existants (EEXI) obtenu afin de mesurer leur rendement énergétique et de commencer la collecte de données pour la déclaration de leur indicateur d’intensité carbone (CII) opérationnel annuel et leur notation relative aux CII. »
Pour les personnes issues du monde de la voile comme moi, le parallèle est intéressant car nous jouons en permanence sur nos polaires de vitesse en fonction de la météo afin d’avoir un routage le plus optimisé possible…
Jeune Marine : Brittany Ferries est nationalement connue pour son modèle social, comment percevez-vous l’équilibre vie-pro/vie-perso avec votre rythme de navigation ?
Pierre PICARD : Le rythme est particulier par rapport aux autres compagnies 7j/7j avec trois périodes de 3 semaines de congés par an… Celui-ci me convient parfaitement et nous permet d’être au final pas mal à la maison, pour des personnes avec des projets à terre nécessitant un suivi régulier (projets voile/ familiaux…) C’est quand même hyper intéressant.
Jeune Marine : Pour conclure, que dirais-tu aux plus jeunes officiers qui souhaiteraient vous rejoindre ?
Pierre PICARD : Il est vrai que pour un jeune chef de quart qui aime la navigation côtière, l’excitation des chenalages, la gestion d’un trafic dense, la Brittany Ferries est une compagnie intéressante !
On ne s’y ennuie pas et les perspectives sont encourageantes du fait de la transition énergétique et technologique que nous abordons.
La tenue du quart est bien plus qu’une simple route à suivre, la place du lieutenant dans la performance du navire, tant d’un point de vue environnemental qu’opérationnel est et sera majeure dans les années qui viennent. A ce titre et en qualité de référent métier sur le routage, je forme et assiste mes collègues (lieutenant, second capitaine et commandant) sur cet aspect de la navigation.
Jeune Marine : Merci Pierre, à bientôt à bord alors !
La rédaction de Jeune Marine.