À la uneCommandant CharcotInterviewJeune Marine N°266Vie à bord

PORTRAIT : Daphné BUIRON, Officier scientifique à bord du Commandant Charcot

Le Commandant Charcot est un navire d’innovation, et l’une des nouveautés les plus enthousiasmantes est le programme scientifique. Le navire compte deux laboratoires, le wet lab et le dry lab. Plusieurs chercheurs s’y relaient à chaque itinéraire, sélectionnés par un comité extérieur à Ponant (plateforme ARISE). Afin de coordonner les activités scientifiques au fil des jours et d’assurer la maintenance des appareils de mesure du navire, la compagnie a créé un département à part entière. Pour ce périple le long des côtes les plus isolées d’Antarctique, c’est Daphné Buiron qui endosse les deux galons d’officier scientifique. Discrète, elle ne s’appuie pas moins sur un parcours technique pointu.

Une fois son master de géosciences océan-atmosphère-hydrologie en poche, Daphné rejoint le Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement Grenoble. Elle entame une thèse sur la dynamique climatique côtière en région antarctique au cours des cinquante mille dernières années. Au menu : extraction de carottes glaciaires avec analyse paléoclimatique et reconstruction chronologique.

En 2012, à la suite de sa soutenance, elle hiverne à Dumont D’Urville en Terre Adélie, comme technicienne glaciologue chimiste. Elle participe aux projets CESOA sur le cycle du soufre et GLACIOCLIM sur la surveillance glaciers. Après un passage par le Laboratoire marseillais de Chimie de l’Environnement, elle participe à des activités de médiation scientifique.

C’est en 2015 qu’elle rejoint Ponant comme guide d’expédition conférencière sur les croisières polaires. En plus de piloter les zodiacs au milieu des glaçons, elle co-écrit le livre L’Astrolabe, le passeur de l’Antarctique avec Stéphane Dugast, publié par les éditions Chêne E/P/A. Elle reprendra souvent la plume pour des articles dans Le Marin, Mer et Marine, Ouest-France, la Revue du Bout du Monde, puis l’écriture d’autres ouvrages. Aujourd’hui, elle avoue s’être prise de passion pour la culture Inuit.

Lorsque Ponant s’apprête à lancer Le Commandant Charcot, ils font appel à Daphné afin d’accompagner les premiers scientifiques invités lors du dry run au pôle Nord. Elle revient comme officier science pour certaines croisières en arctique et antarctique durant lesquelles elle facilite les travaux de laboratoires prestigieux comme AWI, l’Université du Maine, l’IFREMER, et Takuvik.

Coll. ©Nicolas SERVEL

Ce poste de liaison entre son propre département et ceux de la passerelle et de l’expédition, elle l’assume seule ou avec le renfort de ses collègues Geoffroy de Kersauson, Éric Dupont, et Daniel Cron. Ensemble, ils assurent la gestion du parc technique du navire : capteur de pression CO2, thermo-salinomètre, ferry box… « Mon rôle, c’est de garantir aux chercheurs les moyens de faire leurs prélèvements dans le respect de leurs protocoles. Sur cette semi-circumnavigation, nous accueillons une étude sur les nanoparticules. Cela implique des échantillonnages de neige, d’eau et de sédiments, mais aussi l’extraction de carottes de glace dans la banquise. La manutention des équipements nécessaires comme des échantillons impose des précautions particulières. Une autre équipe se concentre sur le rôle de l’Océan Austral comme puits de carbone à travers l’analyse du phytoplancton. Ça signifie que plusieurs fois durant le jour ou la nuit, des échantillonnages sont effectués, selon les protocoles de nos chercheurs. »

Quand je lui fais part des réticences qu’ont exprimées certains acteurs à l’incorporation de laboratoires scientifiques au navire de croisière de luxe, Daphné pondère avec philosophie : « nous arrivons à faire de la science réellement pointue. En un an à peine, les résultats sont fantastiques. Nous amenons des chercheurs sur des sites auxquels ils n’auraient pas accès autrement grâce aux capacités glace du Commandant Charcot. Certes, nous ne calons pas le programme de la croisière sur celui des scientifiques, ce que nous faisons, c’est de la science d’opportunité dans la veine des expéditions du début du siècle dernier en Antarctique.  Les données que nous récoltons sont précieuses, et le programme en lui-même est ambitieux. Ponant investit financièrement. L’équipement des labos est en cours, c’est un effort de long terme. Quand je suis arrivée, les laboratoires étaient vides, tandis qu’à présent, nous disposons d’un parc d’instruments en pleine extension. Les chercheurs les plus pointus dans leur domaine répondent aux appels à projets. L’été dernier, nous avons obtenu des mesures sur l’oxygénation des océans sans précédent tant sur le plan de l’échelle que de la constance. »

Enfin, je la questionne sur notre itinéraire : « ce n’est pas de tout repos. Notre itinéraire nous emmène régulièrement à travers la banquise. Cela m’oblige à une veille permanente pour arrêter les pompes de prélèvement. Si la glace s’infiltre, elle risque de compromettre le système – en sachant que le but est que ces instruments tournent le plus souvent possible. Au-delà de ça, je dois avouer un enthousiasme certain. Pour moi, c’est une première, et une chance d’accéder à certains des lieux les plus reculés de la planète – mais aussi parmi les plus sensibles. Les plateformes glaciaires de la Mer d’Amundsen sont depuis longtemps sous le feu des projecteurs. Le fait de se confronter à la réalité des échelles géographiques gigantesques que l’on croise en Antarctique permet une meilleure compréhension des mécanismes climatiques à l’œuvre. »

Nicolas SERVEL

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