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PORTRAIT : Gaël LAPA-MATOS, Officier Expéditions à bord du Commandant Charcot

De tous les postes de l’équipe passerelle, le plus insolite est incontestablement celui d’officier expédition. Pivot des relations interdépartementales passerelle-expédition, c’est à lui que revient la tâche de coordonner la logistique matérielle des opérations. Sherp, zodiacs, bimoteur, motoneiges… il gère les annexes du Commandant Charcot. En conséquent, je travaille tous les jours avec lui.

Gaël Matos Chaves occupe ce poste. Nous nous sommes rencontrés dans le vol entre Amsterdam et Buenos Aires, et avons rapidement sympathisé. Il a le sourire aisé, un caractère enjoué, et l’attitude facilement amicale. Gaël, c’est un supérieur hiérarchique, mais c’est avant tout un bon pote comme le sud-ouest nous les façonne à coup de soleil, de surf, et de féria.

C’est dans le Nord-Médoc qu’il grandit, à deux pas de la mer. L’Atlantique, il l’apprivoise debout sur sa planche dès l’âge de huit ans. Ce qui lui manque en port, la Côte d’Argent le rachète en sable et en rouleaux ; c’est donc le surf qui l’attire au rivage. « La mer, je la salue tous les jours » raconte-t-il.

À dix-sept ans, il faut choisir une voie. C’est par un ami de sa mère, chef mécanicien de son actif, qu’il découvre la marine marchande. « Ce qui m’a attiré en premier, c’était ce côté nomade, les voyages, mais aussi la répartition entre des temps de travail en mer à cent-pour-cent et du temps libre à terre. Du coup, j’ai passé le concours ENSM en 2009. Je l’ai eu du premier coup et je suis parti au Havre.  »

Pour son premier contrat en tant qu’élève, il embarque sur le câblier Île de Bréhat de Louis Dreyfus Armateur. Leur mission est de poser un tronçon méditerranéen du câble en fibre optique qui relie l’Inde à l’Angleterre. Il fait ses classes dans une ambiance d’équipage conviviale. Pour son deuxième contrat, il cherche plus près de chez lui, et embarque sur les bacs de Gironde. Lorsqu’il faut repartir une troisième fois, il atterrit sur L’Austral de Ponant. « On a fait l’Antarctique, puis les côtes de l’Amérique latine jusqu’en Amazonie. Je suis revenu sur l’Austral en tant que lieutenant navigation et on est descendus du Japon à la Nouvelle-Zélande en passant par la Chine, le Vietnam, Singapour, la Papouasie, et l’Australie. » 

L’Austral arrive à Yokohama au printemps 2015 – coll. ©Mathieu BURNEL – DR

Au terme de ce contrat, il rentre en France pour sa cinquième année, seulement voilà, le nombre de candidats excède les capacités de l’école. « J’ai pris une année sabbatique. J’ai travaillé au restaurant familial, rejoint un club d’échecs, je me suis mis plus sérieusement à la guitare – j’ai même fondé un groupe de jazz manouche. Je me sens bien à terre ; je ne me voyais pas repartir au long cours. En plus, Ponant ne cotisait pas à l’ENIM à l’époque. Quand j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur, j’ai cherché autre chose. Ça a pris un peu de temps, je me suis même lancé dans un Brevet d’État de moniteur de surf. Finalement je suis entré chez DTM. Je suis chez eux depuis 2017, en CDI sur les caboteurs sabliers Stella Maris et André L. Je passe cinq heures en passerelle le matin et cinq heures en machine l’après-midi. Occasionnellement, je remplace le second. Le rythme me convient : une semaine sur deux sur dix mois, et deux mois de congés. On relie les ports de Bayonne jusqu’au Havre depuis la Rochelle. » 

J’interroge Gaël sur sa présence à bord du Commandant Charcot. « Je ne suis pas un mordu des glaces comme certains collègues, mais je suis curieux et j’aime le côté challenge de ces embarquements. En fait, lorsque je naviguais avec Ponant, je rêvais d’un poste charnière entre la passerelle et l’expédition. Ça n’existait pas à l’époque. Lorsque Robin, l’autre second capitaine du Commandant Charcot, m’a parlé du poste d’officier expédition, j’ai tenté le coup et posé un congé sans solde. Je n’y croyais qu’à moitié, mais c’est passé. Je suis parti en Arctique l’été 2022. »

Officier expédition, c’est un drôle de métier. Gaël n’est pas officier de quart – il n’a pas le brevet gaz – et il passe constamment de son bureau de la passerelle aux zodiacs de l’expédition. « J’aime ce statut d’électron libre. Ça me laisse beaucoup d’autonomie dans mon travail, et ça me permet de profiter des deux aspects qui me poussent à venir ici sur mes congés : être dehors au plus près des paysages, et le relationnel avec l’équipe naturaliste. La passerelle, c’est chez moi. On se connaît bien, on est passés par les mêmes classes et on a les mêmes codes. Les naturalistes, vous, vous avez des parcours complètement différents, vous venez de tous les horizons. Je trouve ça stimulant. Et puis, j’aime le défi logistique que présente chaque opération. C’est pour ce poste que je suis revenu. »

Enfin, j’aborde notre itinéraire. « Professionnellement, c’est très intéressant. On est en train de créer une base de connaissances inédite dans le monde de la croisière. On ouvre des voies, on se fabrique des historiques et on écrit les procédures. Pour Ponant, c’est précieux, ça nous garde à la pointe en matière d’expérience. Pour moi, c’est valorisant parce qu’on sort des sentiers balisés. C’est une chance extraordinaire de pouvoir accéder aux sites que nous ouvrons. »

 

Nicolas SERVEL

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