À la uneCommandant CharcotInterviewJeune Marine N°266Vie à bord

PORTRAIT : Marc LASILIER, Chef Mécanicien à bord du Commandant Charcot

On ne le présente plus, c’est un fait, Le Commandant Charcot cumule tous les superlatifs. Son concept même, celui d’un brise-glace propulsé tour à tour au gaz naturel liquéfié et au diesel, muni d’une armada de batteries électriques, et de surcroît conçu pour des croisières à passagers dans les zones les plus reculées de la planète, a, d’après une source proche du bureau Véritas, suscité l’arrachage de quelques cheveux aux experts. On ne s’étonnera donc pas que la supervision du bon fonctionnement de cette machine exceptionnelle ne soit pas un travail anodin. Marc Lasilier, l’homme à qui il incombe, n’a pas atterri ici par hasard.

Bien qu’on le voie souvent à la passerelle, notre chef mécanicien cache bien son jeu. Peut-être est-ce le sourire bienveillant qu’il arbore constamment ou son équanime bonne humeur, mais il sait faire oublier les quatre galons fixés à son épaule. Pour ce Breton débonnaire qui affiche une sérénité de bouddha, l’envie de travailler sur l’eau s’est très tôt imposée. « J’ai toujours voulu voyager, voir le monde » se souvient-il. En 1993, il rejoint donc les rangs de l’Hydro pour suivre la formation polyvalente au Havre.

Effectivement, il va voir du pays. Il embarque pour la première fois à Fos sur un vraquier Dreyfus, pour un chargement au Brésil et un déchargement au Japon. Il réitèrera l’expérience jusqu’à gagner ses galons de lieutenant de pont et de troisième mécanicien. C’est chez ce même armateur qu’il se découvre un coup de cœur pour la machine, qu’il ne quittera désormais plus. Il s’explique : « J’ai le brevet polyvalent, mais finalement, mon expérience est celle d’un officier monovalent. Ce que j’aime, c’est comprendre une machine dans ses moindres détails. Ça n’est jamais monotone, et l’ambiance est vraiment conviviale. » Cette curiosité est d’ailleurs peut-être l’un des aspects qui le caractérise le mieux.

En 1999, poussé par l’envie de découvrir autre chose, Marc termine sa cinquième année et fait un an sur le Paul Gauguin comme officier chef de quart machine, puis c’est avec la Maritime Nantaise qu’il prend du grade. Sur les MN Toucan et Colibri, il livre les fusées Ariane à Kourou. En 2003, il devient chef mécanicien. Pourtant, poussé par sa soif de renouvellement, il décide de rejoindre les tankers de Broström, puis de Sea Tankers en 2008. Il sert alors sur des caboteurs (100-150m) régionaux aux Antilles et dans le Pacifique Sud.

En 2015, à la suite d’un plan de départ volontaire, il embarque avec Gazocéan sur des méthaniers, avec des chargements aux USA, en Égypte, en Australie ou dans le Golfe Persique, déchargés en Europe et en Asie. Après sept ans de bons et loyaux services, Marc décide de revenir à ses aspirations premières. Il a rejoint la mer pour découvrir le monde, or, il se retrouve de moins en moins dans la routine de ces trajets. « Je m’ennuyais, et je ne voulais pas régresser » regrette-t-il.

Le Commandant Charcot en expédition polaire – collection ©Nicolas Servel

« À ce moment-là, Ponant venait de lancer son navire d’exploration polaire hybride. Mon expérience sur les gaziers les intéressait, et moi, ça me donnait l’occasion de découvrir une machine extraordinairement innovante – dans des destinations incroyables qui plus est. L’équipe est élargie, avec 22 personnes, ce qui représente un beau défi humain, que j’espère relever dans le calme et l’écoute. C’est ma devise : sérénité pour efficacité. Et puis, le navire en lui-même est passionnant. Le Commandant Charcot, c’est 41,8 mégawatts de puissance pour 150m de longueur. En comparaison, un tanker de 300m fonctionne avec 20 mégawatts. C’est un bijou de technologie, taillé pour le grand froid, monstrueusement performant. Dans la glace, les azipods fonctionnent jusqu’à 17 mégawatts chacun ! A côté de cela, c’est un bateau conçu avec le souci de réduire son impact sur l’environnement. La pollution sonore est restreinte, et le recyclage de chaleur, optimal. Nous participons aussi à une étude de l’Union Européenne sur l’usage des batteries dans la propulsion maritime. » 

Je l’interroge sur le semi-circumnavigation : « Nous évoluons dans des zones totalement isolées, inaccessibles pour tout le monde à part nous. Nous sommes parfois amenés à porter assistance à des navires, mais le problème lorsque vous êtes le plus puissant, c’est que s’il vous arrive quoi que ce soit, personne ne pourra vous aider. C’est une pression supplémentaire. Nous nous devons d’être autonomes. »

Malgré ce constat, Marc conserve le sourire. J’ai face à moi un homme imperturbable et sympathique, la définition même de la force tranquille. Le Commandant Charcot et son chef mécanicien se sont assurément bien trouvés.

Nicolas SERVEL

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