Commandant CharcotInterviewJeune Marine N°268Vie à bord

PORTRAIT : Émerick LE MOUEL, Premier Lieutenant du Commandant Charcot

Tout vient à point à qui sait attendre. S’il est une phrase qui résume le parcours atypique d’Emerick, notre premier officier, c’est bien celle-ci. Ce gaillard aux yeux bleus originaire de Crozon ne se destinait pas à une carrière dans la marine marchande. Adolescent, c’est plutôt la Royale qui l’attire, et plus précisément le poste d’aiguilleur du ciel, mais ses orientations scolaires vont rendre difficile cet objectif. “Lors d’un salon étudiant, on est tombés sur le stand de la marine marchande. Je ne connaissais pas ce milieu, ça a été une découverte. » 

Il a soif de voyages et une vraie appétence à endosser des responsabilités. Il rejoint une classe préparatoire et réussit le concours d’entrée à l’ENSM en 2012, puis effectue son premier embarquement avec Bourbon Offshore en Angola. « J’ai fait pont et machine. En machine, je suis tombé sur un collègue croate extraordinaire, qui est devenu mon mentor. Tout l’équipage était exceptionnel. »

Il répète sa première année. « C’était dur, mais ça m’a permis de consolider les bases, d’embarquer davantage. J’ai avancé à mon rythme. Je ne suis pas quelqu’un de pressé. J’ai tout mon temps. » Il parle calmement. Le parcours d’Emerick est une ode à la persévérance. Face aux revers, il baisse le front et garde le cap. Un peu comme notre Commandant Charcot. Pas étonnant, vu sa carrure d’armoire à glace.

Et puisqu’il est question de glace… « Je rêvais de brise-glaces. Pour moi, les navires de commerce ultimes, c’étaient les navires polaires russes. Comme il fallait que je trouve une autre compagnie, j’ai postulé auprès de Ponant. C’était ce qui se rapprochait le plus de ce que je voulais. » Après avoir insisté auprès des recruteurs, Emerick part trois mois sur Le Soléal en Méditerranée. Nous sommes en 2014. Il ne quittera plus Ponant.

Grâce à son redoublement, Emerick a cumulé une expérience du terrain qui lui vaut de passer officier après seulement dix-mois-et-demi de temps d’élève. Cette dérogation exceptionnelle réclamée par le commandant du Soléal, Emerick la vit comme une victoire sur ses années à l’école. Ainsi prend-il son poste d’officier le 29 novembre 2016.

À son retour en cinquième année, sa promotion est parrainée par ni plus ni moins que Jean-Vincent DUJONCQUOY le président de Jeune Marine. Son mémoire de master, qui porte sur le CVSSA : Cruise Vessel Security and Safety Act américain, est même sélectionné pour donner lieu à une publication.  « Je voulais apporter quelque chose de différent ; j’ai trouvé ce sujet fascinant. Sur les navires qui embauchent des Américains, certains officiers doivent être formés à l’anticipation des actes, à la préservation des scènes de crime, mais aussi à mener des enquêtes ! »

 

En passerelle du Commandant Charcot – Coll. ©N. Servel

Cette appétence pour la composante humaine de la navigation, Emerick la porte ancrée en lui : le poste de premier officier du Commandant Charcot semble taillé pour lui. Nous y reviendrons. En 2018, une fois son diplôme d’officier en poche, il entend les premières rumeurs que Ponant préparerait le lancement d’un brise-glace. La série Explorer commence à peine à être déployée, mais ces navires conçus pour les mers chaudes ne l’intéressent pas. Il n’a fait que des saisons polaires. En 2020, il navigue sur le passage du nord-ouest en tant qu’officier sécurité, enchaine sur le Svalbard, franchit le passage du nord-est. Les commandants Étienne Garcia et Patrick Marchesseau le repèrent. « Fais tes preuves cette saison » lui promettent-ils, « et il y aura une place pour toi sur le brise-glace. »

Pari gagné. Il part sur le chantier norvégien en janvier 2021 comme OSSEO. Il participe à la vérification des équipements puis aux essais glace et aux essais mer. Il enchaine toutes les formations requises pour devenir officier de quart sur l’un des deux navires d’exploration polaire les plus puissants au monde. D’ailleurs, c’est lui l’officier de quart lorsque Le Commandant Charcot devient le premier navire battant pavillon tricolore à atteindre le pôle Nord géographique.

Après une première saison de rodage en Antarctique, il passe premier officier en juillet 2022. Bras droit du second, c’est à lui qu’incombe la gestion de l’équipe passerelle. Il développe le poste de troisième officier et encourage la formation à bord. « C’est sûr, ce sont de belles navigations, mais ce que je préfère, c’est partager mes connaissances et emmener mes lieutenants vers l’excellence. Je n’ai pas peur de les pousser à me dépasser, bien au contraire. » Attention, toutefois : l‘affection qu’il leur voue n’entame en rien sa fermeté. « Je reste à leur écoute, mais je suis bien conscient du besoin de cadrer. »

Quant à notre navigation, il l’aborde en perdant son regard vers un vieux tabulaire à la dérive. « Le Commandant Charcot, c’est quelque chose d’incomparable. Nous partons plus longtemps et plus loin, avec une liberté totale. C’est fatiguant, mais addictif. »

Finalement, lorsque je lui demande s’il rêve de devenir commandant, Emerick tempère : « Je ne suis pas un rêveur. J’ai beaucoup travaillé, et je sais être patient. Oui, j’ambitionne de devenir commandant, mais chaque chose en son temps. Je me plais à ce poste. Je veux transmettre mon expérience. Ce qui compte pour moi, c’est l’équipe. » Ses yeux brillent à l’évocation de ses lieutenants. Il a raison. Il est parfaitement à sa place en âme et pivot de la passerelle du Commandant Charcot.

 

Nicolas SERVEL

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