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Interview « Points de vue » : François LAMBERT rencontre Christophe BERTOLUCCI

Jeune Marine vous propose une nouvelle interview « Points de vue » opposant François LAMBERT  ,  Directeur Général de l’ENSM et Christophe BERTOLUCCI O1NM, promo 1999, Capitaine de remorqueur chez BOLUDA et enseignant vacataire au simulateur ENSM. 

L’interview de près d’une heure et quart est enregistré en une seule prise, sans découpage, sans langue de bois, afin d‘aborder tous les sujets : au programme le Contrat d’Objectifs et de Performances (COP), le doublement des effectifs d’élèves d’ici à 2026/2027, la féminisation des élèves à l’ENSM et la Fondation ENSM.

Pour les plus pressés, nous vous avons extrait et retranscrit les meilleurs moments :

  • Le contrat d’Objectifs et de Performances

Aymeric AVISSE: Nous allons commencer par le COP (Contrat d’Objectifs et de Performances). Dans le monde maritime, on se pose des questions quant à son application. En quoi le COP apporte-t-il un plus aux élèves et aux suivis des actions de l’ENSM ? 

François LAMBERT : Le COP est une stratégie. Le COP regroupe 4 ambitions globales qui sont : Enseigner la mer de toutes nos forces, nationaliser la formation supérieure maritime, soutenir l’économie de la mer et développer le sens marin. 

3 idées force pour synthétiser le COP : 

  •  La stabilité pour une école qui en a manqué, illustrée par la stabilité financière. 
  • La capacité d’intégration territoriale, il faut qu’on puisse s’intégrer territorialement. L’école a besoin de rayonner à partir des territoires. 
  • Grandir autour d’un grand projet qui est celui de l’Institut National Supérieur Maritime. 

Christophe BERTOLUCCI : En ce qui concerne les termes du COP, j’aimerais revenir sur ce que j’entends à bord. 

Enseigner la mer de toutes nos forces : j’espère que c’était quelque chose qu’on avait depuis des années.  Nationaliser la formation : en tant qu’ancien élève, il me semble que les écoles étaient déjà à un niveau national.  Soutenir l’économie de la mer : pour moi, c’est une notion qui existait déjà avant et qui va perdurer. « Maritimiser » les esprits et développer le sens marin : j’espère y contribuer. 

 Christophe BERTOLUCCI : A bord, nous n’arrivons pas à comprendre quelle est la différence entre avant la création de ce COP et maintenant. 

 François LAMBERT :  Je vais illustrer par 4 exemples. 

  • L’évolution de la chaîne pédagogique de l’école en donnant une meilleure place, en créant des interactions entre ceux qui sont responsables des filières et ceux qui sont responsables des unités d’enseignement. 
  • Nationaliser, cela veut dire à l’échelle des territoires de plus et mieux rayonner. Je pense notamment aux Outremers. 
  • Création d’une formation sur le vélique, création d’un module sur le vélique pour l’ensemble des formations, construction d’un master en vélique. 
  • Les traditions maritimes qui perdurent qui ne sont pas incompatibles avec une politique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes. 

Christophe BERTOLUCCI : Je voudrais rebondir sur l’attractivité des collectivités vis-à-vis de l’école, et notamment le nouveau cursus où les 3 premières années se passent pour les O1 à Marseille et la dernière année au Havre. 

Ces élèves arrivés en 5e année au Havre ne s’inscrivent plus du tout dans la vie de la ville du Havre. Il n’y a quasiment plus de 5e années dans les burals. Je trouve cela dommage car cela faisait la force de l’école et faisait son âme. 

François LAMBERT:  On a réformé le DESMM pour concentrer la formation au Havre en une période véritablement directionnelle. On a intégré de nouvelles matières. En arrivant au Havre, ils se trouvent sur un campus universitaire, première étape qui peut leur donner l’envie de faire autre chose par la suite, après avoir navigué. Un projet est lancé : Hydro 2040. Comment sera-t-elle dans 15 ans ? 

Aymeric AVISSE : Un COP qui garantit l’ADN et qui essaie de se projeter jusqu’en 2040 ! 

  • Le doublement des effectifs d’élèves en 2026/2027 

Aymeric AVISSE: En 2021, le Président de la République avait annoncé un doublement des effectifs des élèves de l’ENSM en 2026. Qu’en est-il ? 

François LAMBERT : On a besoin de recruter des enseignants. L’objectif est 221 élèves en 2021 en diplômation et 446 élèves en diplômation en 2027 Cette année, 340 élèves seront diplômés. 

Christophe BERTOLUCCI : Doublement de tous les effectifs ? Quelle est la répartition ? 

François LAMBERT : Doublement complet pour OCQM et OCQPI. Pas de doublement complet pour DESMM. Avec la formation professionnelle, on arrivera à un doublement effectif à partir de 2027. 

Christophe BERTOLUCCI: Je voudrais rebondir sur le recrutement des enseignants. Peut-on envisager comme solution de détacher des navigants de leur compagnie maritime pour enseigner ? 

François LAMBERT: La mise à disposition des navigants est envisagée dans le cadre de l’article 5.7 de la convention collective. Les enseignants qui sont à l’école pourront être rattachés à l’ENIM. Nous sommes prêts à discuter des salaires. La société change, évolue. On a fait appel à un cabinet spécialisé. Au 1er mai, nous devons trouver 6 enseignants pour le site du Havre 

Christophe BERTOLUCCI : S’il n’y a plus d’âme sur le site du Havre, recruter des enseignants va être compliqué. Le Havre va devenir un frein pour faire venir de nouveaux enseignants. Si on n’a pas vécu dans une ville, il est compliqué de s’y projeter. 

François LAMBERT : Le bassin d’emplois du Havre est très riche. 

Aymeric AVISSE : 4 sites et une nouvelle formation OCQPI à Bastia. Certains y voient une excellente nouvelle, d’autres y voient une dispersion des moyens. 

François LAMBERT : Les territoires sont complémentaires. 

Sur la formation à Bastia, c’est un très beau projet du lycée maritime de Bastia soutenu par les territoires dans lequel des compagnies maritimes ont souhaité s’impliquer.  Les lycées maritimes sont les premiers leviers pour s’ancrer dans cette dynamique territoriale.  Au Havre, nous ne pouvions pas accueillir plus de monde. Il est fini le temps où l’ENSM se plaçait au-dessus des lycées maritimes en disant « nous sommes les meilleurs ». On va au plus près des territoires. L’ENSM ne débourse rien. 

Christophe BERTOLUCCI: Le risque n’est-il pas que d’autres collectivités réclament le même type de formation ? 

François LAMBERT : Je suis ouvert. 

Christophe BERTOLUCCI: Un OCQPI délivré par un lycée maritime : n’y a-t-il pas un risque de différences de traitement entre un OCQPI délivré par l’ENSM et un délivré par le Lycée ? 

François LAMBERT : L’idée d’intégrer ce lycée maritime pour en faire un site n’est pas à l’ordre du jour. 

Christophe BERTOLUCCI : Mon fils envisage de faire ses études à l’Hydro. Cela va impliquer d’aller à Marseille. Avant, il existait un internat à l’école pour loger les étudiants. Au niveau financier, c’est un coût et il n’est pas facile de trouver un logement. 

François LAMBERT : Sur Marseille, il y a une résidence étudiante avec 200 places. L’enseignement supérieur a évolué. 

Christophe BERTOLUCCI: Déplacer l’école de Ste-Adresse au centre-ville sur un campus étudiant est un sacré plus. Il est dommage qu’il n’y ait pas une offre de logements. 

François LAMBERT : L’occasion ne s’est pas présentée. 

  •  La féminisation à l’ENSM

Aymeric AVISSE : L’école est partie sur une féminisation. Ou en sommes-nous aujourd’hui ? 

François LAMBERT : Il faut distinguer la féminisation des métiers, la question des violences sexuelles et sexistes et la question des traditions, avec notamment le bizutage. Le bizutage, il n’y en a pas. Les traditions on les respecte et on les promeut. La féminisation des métiers, on est à 20% de femmes sur le DESMM. Il n’y a pas de quota de femmes à l’école. La question des violences sexuelles et sexistes : besoin de communiquer sur le sujet, avoir une personne référente sur le sujet, mise en place de cellules d’écoute par site. Des formations sont également organisées. 

Christophe BERTOLUCCI : les mentalités ont bien évolué et dans le bon sens. Il y a de moins en moins de capitaines tyranniques. A poste équivalent, salaire équivalent, peu importe le genre. Vouloir envisager d’amener les femmes à bord, il faudrait d’abord leur poser la question. Il sera difficile de faire du 50 /50 à bord. 

Aymeric AVISSE: Selon l’INSEE, en 2024, 14% de filles en filière de l’ingénieur. Au concours Polytechnique, seulement 16 % de jeunes filles. Est-ce qu’on veut vraiment arriver à une mixité ou laisser faire les gens et les laissez choisir ce qu’ils veulent ? 

François LAMBERT : Les jeunes filles s’inscrivent librement. Il n’y a pas de métiers interdits aux femmes. 

  • La Fondation ENSM

Aymeric AVISSE: Pour faire la promotion de l’ENSM, une Fondation a été créée. Que doit-on comprendre de l’orientation de cette Fondation ? 

François LAMBERT : La Fondation est faite pour collecter des ressources propres. Si l’école n’est pas capable de collecter des ressources propres complémentaires, la subvention pour charge au service public peut diminuer. Il s’agit d’une fondation universitaire avec  4 grands projets : HydroContest, une mini-série, projet de développer un CD « Les chœurs de l’Hydro », Formation continue, et des actions récurrentes : équipages promotionnels, des projets d’élèves, une boutique en ligne. On cherche des financements complémentaires. On doit développer nos ressources propres. 

Christophe BERTOLUCCI: Au départ de la transat Jacques Vabre, je suis allé sur les différents stands. La Marine nationale avait un stand plus attractif. Ne pourrait-on pas s’inspirer de ce genre de modèle ? 

François LAMBERT : La Marine nationale, c’est 45.000 personnes. Nous sommes présents sur les différentes courses. Pour les grandes courses, on met à disposition des salles. 

Aymeric AVISSE : La Fondation est indispensable à la pérennisation de l’école. Le COP voit loin et essaie d’accompagner les formations vers les nouveaux modèles : Modèles de formation avec des enseignants embarqués qui peuvent enseigner à l’Hydro. Une mixité et une défense de l’officier de toutes les violences, quelles qu’elles soient.

 

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