À la uneInterviewJeune Marine N°254

Interview de Caroline GREGOIRE

Directrice Générale de l'ENSM

Madame Caroline GREGOIRE, nommée en octobre 2019 en qualité de Directrice Générale de l’ENSM et succédant à Patrice LAPORTE, nous a accordé une interview durant l’été pour faire le point sur cette première année mouvementée mais surtout très importante dans la vie et le cycle de l’école puisqu’on arrive aux premiers résultats et bilans de la création de l’ENSM.

Patrice LAPORTE nous avait déjà expliqué les challenges à relever, Caroline GREGOIRE nous dresse un point de situation et les premiers résultats.

Caroline Grégoire, Directrice Générale de l’Ecole Nationale Supérieure Maritime © ENSM

1. Bonjour Madame GREGOIRE, vous avez pris vos fonctions en début d’année scolaire 2019/2020, pouvez-vous nous faire une présentation de l’état de l’ENSM après la clôture de l’année ?

J’ai pris mes fonctions après la rentrée 2019-2020, en novembre avec parfois de jeunes équipes qui découvraient l’établissement autant que moi. L’année a été dense, marquée par des grèves dans tout le pays, en début 2020 puis la COVID19. Dès le premier regard, l’ENSM est un établissement d’enseignement supérieur qui donne envie ! Elle est maintenant structurée, avec ses quatre sites spécialisés et son siège au Havre où sont regroupés les services de direction. Je salue le travail de mon prédécesseur pour cette structuration claire qui doit porter l’excellence de l’ENSM.

La réorganisation immobilière marquée par les déménagements de Nantes vers de nouveaux bâtiments de l’Ecole Centrale et de Saint-Malo, vers de nouveaux locaux à Paramé sont un peu en retard, mais se feront. A Marseille, nous accueillons l’Académie CMA CGM, dont les travaux sont en cours.

L’organigramme cible prévu dans notre Contrat d’objectifs et de performances (COP 2018-2022) sera complet en septembre. Au Havre, le Directeur général des services, Pierre-Yves Le Corre, pourra s’appuyer sur un pôle services aux métiers, constitué du directeur des ressources humaines, de la directrice des affaires financières, de la responsable du patrimoine recrutés il y a quelques semaines, ainsi que du responsable informatique et de leurs équipes. Il anime également un pôle d’experts, juridique, marchés publics, contrôle de gestion et contrôle interne.

Nathalie Tancret, la directrice des études qui vient de l’Ecole de chimie de Lille est secondée par un professeur de l’enseignement maritime, elle peut compter sur des chefs de départements par filière expérimentés, une cheffe de travaux et un service d’information des études qui sont des experts. En septembre, un ingénieur pédagogique intègrera l’ENSM, il couvrira les champs d’activité de la formation initiale et professionnelle.

La direction du développement et des partenariats sera nouvelle, puisque Yann Vachias qui était à sa tête devient directeur général adjoint à la rentrée de septembre. Le recrutement de son successeur est en cours, ainsi que ceux d’un responsable apprentissage et relations entreprises et d’un responsable des relations internationales pour accompagner notre habilitation Erasmus qui sera le cadre et l’ouverture vers de vrais échanges d’enseignants, de personnels et d’élèves avec nos partenaires internationaux.

ORGANIGRAMME au 1er septembre 2020 ENSM

 

Pour que l’ENSM soit gréée comme toutes les autres écoles d’ingénieurs et poursuive son développement, un directeur de la recherche va nous rejoindre.

Comme vous le savez, l’ENSM est implantée sur quatre sites géographiques Le Havre, Saint-Malo, Nantes et Marseille, avec un directeur de site à la tête de chaque entité. En 2020, trois de ces quatre postes sont renouvelés (Nantes, Saint-Malo et le Havre). A noter qu’Evelyne Iliou qui était directrice générale adjointe prend le poste de direction sur le site de Saint-Malo. Elle connaît donc bien l’ENSM et les sujets du site de Saint-Malo.

Enfin, nous avons lancé deux recrutements pour mieux répondre aux besoins de formation continue : un adjoint au responsable du service études et formations, et un responsable à plein temps du CESAME. Le CESAME se développe d’ailleurs pour proposer des formations au travail en hauteur dédiées aux acteurs des nouveaux champs éoliens.

Le développement de notre offre de formation passe donc par quatre points clés :

  • Le développement de la formation initiale par la voie de l’apprentissage
  • La diversification de la formation continue courte
  • L’irrigation des activités de recherche vers la formation initiale
  • L’innovation des méthodes pédagogiques tout en respectant les référentiels

Je souhaite également que les jeunes qui veulent rejoindre l’ENSM aient une vision claire des passerelles et possibilités de cursus au sein de l’école. Il nous faut encore les développer !

Enfin, nous venons également de recruter 230 nouveaux élèves, 150 en première année de formation ingénieur polyvalent à Marseille, 48 en formation initiale d’officier chef de quart machine à Saint-Malo (OCQM/ CM 8000kW) et 32 en Officier chef de quart passerelle international (OCQPI/Capitaine 3000), au Havre. Une petite promo de 24 élèves compose la classe d’intégration à l’OCQPI.

Je me réjouis donc d’aborder l’année scolaire 2020-2021 auprès des équipes complétées, renouvelées et extrêmement motivées.

2. La crise du COVID a évidemment surpris tout le monde, mais a surtout bouleversé les habitudes. Les marins sont connus pour s’adapter à toutes les situations, leur école a-t-elle été à la hauteur de cette réputation ?

La réactivité a été remarquable à tous les niveaux. La culture mar-mar y est bien sûr pour quelque chose ! L’ENSM a fermé le 16 mars. La crise a été gérée en équipe en s’appuyant sur tous les services, et évidemment sur le conseiller de prévention et les assistants de prévention des sites. Avec l’appui sans faille de notre tutelle, de l’IGEM, du réseau des écoles du Ministère, avec l’aide du MESRI, la compréhension de tous les agents et de tous les élèves. Le président du CA de l’ENSM, très concerné par la vie de l’école, a également été un soutien constant.

Les cellules de crises que j’animais étaient réunies autant que nécessaire pour garantir la priorité absolue : la sécurité et la santé des élèves, des agents de l’ENSM et des personnels que nous accueillons sur les sites, dans le cadre légal du Plan de continuation d’activité (PCA), du Plan de reprise d’activité (PRA), au rythme des commandes d’EPI et d’EPC.

Dans ce cadre, nous avons continué notre mission première : former les jeunes et leur permettre de s’insérer dans la vie professionnelle dans les meilleures conditions possibles.

La première décision a concerné l’enseignement à distance mis en place à J+1, le 17 mars, grâce à des engagements très forts des enseignants, des adjoints pédagogiques et des élèves. Mais aussi des informaticiens qui ont fourni tablettes et clés 4G aux élèves bretons domiciliés en zones blanches notamment, mais également à ceux dont le matériel était obsolète ou défaillant.

Tout n’a pas été parfait et le retour d’expérience que nous menons est très intéressant et va permettre d’améliorer et de conserver des innovations testées dans le contexte COVID. Il est encore trop tôt pour avoir une vue complète mais nous savons déjà qu’il est nécessaire pour développer un EAD (enseignement à distance) efficace d’adapter le contenu et la durée de séquences, de s’assurer finement du respect des normes STCW, d’adapter les modalités de contrôle. Il faut s’assurer de la portabilité des équipements informatiques et de la robustesse des réseaux. Certains cours se prêtent bien à l’EAD, mais pas les TP sur simulateur. A Marseille, nous travaillons à un TP machine avec support vidéo que j’espère pouvoir vous présenter à la rentrée. Là encore, les enseignants ont fait preuve de réactivité, d’adaptabilité et d’innovation. C’est ici tout le sens du premier webinaire pédagogique organisé par la direction des études en juin. Sept enseignants y ont présenté leurs expériences et nous avons de la matière pour en organiser un autre.

La seconde décision a été la généralisation du télétravail : les agents sont partis chez eux avec leurs PC et en quelques jours tous les services fonctionnaient. Notre service informatique a été mis à large contribution et a trouvé des solutions pour chaque cas. Les réunions, rencontres, discussions ont basculé en visioconférence. Les entretiens se sont poursuivis en ligne et les recrutements n’ont pas pris de retard, ce qui nous permet d’aborder la rentrée avec les équipes au complet. D’autre part, les services administratifs ont assuré une continuité de service : les bourses étaient versées et les salaires payés. Nous avons mis également en place des aides exceptionnelles pour les étudiants. J’ai envoyé 41 communiqués quotidiens aux agents, aux élèves et aux partenaires hébergés sur les sites pour les tenir informés de l’actualité, diffuser les renseignements pratiques et les mesures réglementaires et nous avons échangé nos expériences de confinés sur un groupe LinkedIn et sur Instagram !

Enfin, les instances de l’école se sont réunies en tant que de besoin : CHSCT et CT se sont réunis en visioconférence afin de mettre en place nos plans de continuité et de reprise d’activité. Nous avons également organisé une consultation de notre conseil d’administration afin de continuer à fonctionner sur les questions cruciales, telles que la modification de notre mode de recrutement en 2020, dans le cadre de la crise COVID19.

Caroline Grégoire, Directrice Générale de l’Ecole Nationale Supérieure Maritime © ENSM

3. Avez-vous un bilan qualitatif sur les résultats aux examens sur cette année particulière, ont-ils été impactés ? Pensez-vous à pérenniser des enseignements à distance autres que simulateurs ou TP ?

Tous les retours d’expérience ne sont pas là, au cœur de l’été, il est encore trop tôt.
Le recours à la visioconférence a permis la tenue des conseils de classe et je crois pouvoir dire que L’ENSM a tenu bon.

L’EAD a permis de finir l’année et le taux de réussite est conforme aux années précédentes. Certains jeunes (en année terminale diplômante : M2, OCQPI-3, OCQM/CM8000kW-3) sont revenus en juin et juillet sur site, afin de réaliser les TP nécessaires à la complétude de leur formation et à leur diplôme. Je remercie d’ailleurs notre tutelle pour son soutien dans ce challenge.

Dès la première semaine, 70% des cours théoriques étaient assurés en EAD, et 100% à partir de la semaine suivante, sauf dans quelques zones blanches, en Bretagne notamment. Les enseignants ont été très réactifs et imaginatifs, ils ont créé des chaines YouTube, mis en ligne des exercices, animé des cours d’une manière nouvelle avec un enthousiasme que les élèves apprécient. Notre support informatique a été crucial dans cette phase en apportant un soutien global et individualisé.
A l’ENSM, une partie des enseignements sont pratiques et c’est bien ce qui fait la richesse de nos formations : stages, TP, TD, simulateurs… pour cette partie des formations nous n’avons pas à ce jour de solution. C’est un sujet sur lequel nous continuons à travailler avec l’Inspection générale de l’enseignement maritime et la direction des Affaires maritimes.

4. Vous venez de déposer beaucoup d’offres d’emploi de professeurs, doit-on comprendre que vous étoffez vos équipes ou est-ce un renouvellement naturel ?

Effectivement, plusieurs postes étaient ouverts sur nos quatre sites. Tous les sites ont fait le plein d’enseignants. L’organigramme est stabilité. L’été est le moment des mouvements pour le personnel enseignant, certains de nos professeurs ont passé des concours et ont brillamment réussi, ils nous quittent, d’autres partent à la retraite, bénéficient de promotions externe et interne, ou encore simplement souhaitent une mutation pour suivre un conjoint.

Au Havre, nous avons ouvert six postes d’enseignants. Fin juillet, tous les postes sont pourvus, avec des profils différents et tous très intéressants.

Pour faciliter l’intégration des nouveaux enseignants certains professeurs ont accepté un nombre d’heures de cours et de tutorat important. Je les en remercie car cette étape est indispensable et leur engagement est précieux.

D’autre part, nous avançons sur la politique salariale en générale et l’attractivité des métiers à l’ENSM, et plus particulièrement des métiers d’enseignant et d’enseignant-chercheur, ce qui contribuera à la stabilité du corps enseignant.

5. Certains armateurs souhaiteraient des compétences plus poussées en automatisme, électricité et électronique pour coller aux nouvelles technologies, est-ce une amélioration qui est à l’ordre du jour, avez-vous également ces remontées ? Avez-vous d’autres voies de réflexion ?

Nous avons ouvert une formation ETO quand nous avons eu des demandes.
L’ENSM partage volontiers dans des groupes de travail avec les armateurs et avec Armateurs de France. Ces échanges sont précieux, indispensables même pour faire évoluer l’Ecole.  

Le conseil de perfectionnement qui sera installé au second semestre 2020 nous aidera également à nous adapter au marché de l’emploi et aux attentes des employeurs, il intégrera d’ailleurs des professionnels dans sa composition.

Nous écoutons les envies des jeunes et les besoins des employeurs en matière d’innovation pédagogique et nous étudions la possibilité de formation initiale par la voie de l’apprentissage pour les ingénieurs navigants et maritimes. Nous avons déposé une lettre d’intention auprès de la commission des titres d’ingénieurs (CTI) accompagnée de lettres de soutien de professionnels, ADF et le Cluster maritime français. Je les remercie pour leur engagement à nos côtés au profit des jeunes.

La recherche est aussi un moyen d’accompagner les évolutions technologiques et règlementaires. Deux thèses sont menées à l’ENSM sur des sujets qui concernent directement les armateurs. Une thèse CIFRE en partenariat avec l’un d’eux, sur le roulis paramétrique et une autre sur la fatigue et ses effets. L’arrivée d’un directeur de la recherche pouvant diriger des thèses nous fera gagner en autonomie et agilité pour mener nos propres recherches et facilitera le recrutement de maitres de conférences qui passeront ensuite leur habilitation à diriger des recherches.

Bien sûr, la recherche de qualité et le développement de l’ENSM passent par des partenariats. L’ENSM est partenaire de L’Ecole Navale, l’IMT Atlantique et l’ENSTA Bretagne du Master spécialisé de cybersécurité de systèmes de sécurité maritime et portuaire.
Nous envisageons également en fin d’année la création d’une fondation, qui donnera accès à de nouveaux financements sur plusieurs années. La création de chaires d’entreprise constitue une voie que nous explorons également afin de cibler des sujets clés en lien direct avec des professionnels.

6. L’ENSM fête ses 10 ans cette année, sa naissance a été compliquée, son acceptation douloureuse, néanmoins un bilan plutôt intéressant est à constater pouvez-vous nous faire un point de la situation ? Des évènements à venir sont-ils prévus/maintenus ?

2019 a été une année charnière de regroupement des services généraux au Havre. Certains agents expérimentés n’ont pas souhaité rejoindre le siège. La période de confinement a compliqué la vie de tous et donc de l’ENSM dans un contexte déjà tendu par la restructuration.

J’ai rejoint l’ENSM en novembre 2019, j’ai perçu de la douleur comme vous l’évoquez. Je perçois aussi beaucoup d’envie et de dynamisme de la part des équipes en place et des nouvelles qui se structurent. Nous avons procédé à bon nombre de recrutement au premier semestre 2020, ce qui nous permet d’envisager la rentrée avec sérénité.
Je me réjouis donc d’aborder cette rentrée avec les équipes en place, les recrutements effectués et l’organisation stabilisée, la montée en compétence des équipes toujours à l’ordre du jour et l’esprit ENSM à faire vivre. La vigilance sanitaire ne doit pas être oubliée, nous devons encore nous adapter et anticiper. Si la règlementation le permet, l’ENSM fêtera son 10e anniversaire sur tous ses sites, avec ses élèves, ses personnels, ses anciens élèves, ses partenaires et sa tutelle !

7.Quels enseignements tirez-vous de l’annulation du concours en raison du COVID 19 ?

Comme beaucoup d’établissement d’enseignement, l’ENSM a dû faire face aux conditions imposées par la crise COVID 19 et a dû adapter ses recrutements. L’épisode sanitaire sans précédent et la publication des ordonnances de l’Etat référant à cette crise ont contraint l’ENSM à adapter les modalités du concours d’intégration de l’ENSM notamment. Le recrutement des ingénieurs et des OCQM/CM 8000kW a été affecté sur dossier, pendant le confinement, celui des OCQPI se faisant déjà sur dossier. Là encore, la réactivité des équipes a été précieuse. Il a fallu publier les nouvelles conditions de sélection des candidats garantissant une parfaite égalité de traitement et tenir les délais annoncés. Cette année la sélection s’est donc effectuée sur la base des documents officiels demandés aux candidats : les notes de première et de terminale, les bulletins et les appréciations de classes préparatoires le cas échéant, ainsi qu’une composition afin de sensibiliser le candidat sur le futur métier auquel il se prépare. La crise soudaine qui nous a tous touchés a fait évoluer les conditions de recrutement et les résultats attendus, je comprends que cela puisse interroger certains candidats. Tous les dossiers reçus ont été examinés avec la même attention et rigueur par l’ensemble du jury.

L’année prochaine l’ENSM sera sur Parcoursup. La plateforme facilitera le traitement des dossiers. D’ici là, nous devons définir avec nos partenaires et notre tutelle quelle procédure de concours nous permettra de toujours recruter les meilleurs et les plus impliqués des jeunes pour devenir officier de la marine marchande.

Voilà en quelques mots l’état de L’ENSM comme vous me le demandiez au début d’interview.

Forte de son passée, ancrée dans le présent au service des jeunes et tournée vers l’avenir pour rester une école d’excellence, l’ENSM est avant tout une équipe avec qui j’ai l’honneur de travailler. Nous avons de beaux et ambitieux projets que j’ai à cœur de mener collectivement. Nous nous préparons également à une évolution sanitaire qui pourrait ne pas être favorable au déroulé des recrutements et des formations en capitalisant sur nos retours d’expérience.

Par Aymeric AVISSE

 

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