InterviewJeune Marine N°256

Interview exclusive d’Étienne Melliani

Chef de cabinet adjoint auprès du Ministre des Transports.
Les portraits se suivent et se ressemblent ? Non !!! Certainement pas en sortie de l'ENSM ! Nombre d'entre nous ont entendu dire "jeune, la marine mène à tout !" : si certains n'y croyaient pas encore, Etienne MELLIANI est là aujourd'hui pour le démontrer. Merci à lui de s'être prêté à l'exercice et très bonne lecture à tous :

Jeune Marine : Bonjour Monsieur MELLIANI, vous êtes issu de la toute première promotion de l’ENSM de 2011, vous avez navigué quelques années sur le transmanche et vous occupez aujourd’hui la fonction de Chef de cabinet adjoint auprès d’un ministre à Paris. Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Bonjour à vous. C’est exact, j’ai intégré l’ENSM en 2011, faisant ainsi partie de la toute première promotion d’ingénieurs. Ayant toujours été très intéressé par le droit, une matière parmi de nombreuses autres enseignées à l’ENSM, j’ai fait le choix de poursuivre mes études en ce sens à l’issue de la cinquième année. La démarche relevait davantage de la curiosité intellectuelle que d’un projet clairement établi. En 2016, j’ai donc repris une licence de droit à la Sorbonne tout en continuant de naviguer chez DFDS, compagnie de ferries opérant notamment sur la ligne Calais-Douvres. Au regard de ce qu’étaient mes motivations à l’époque, reprendre le droit depuis ses fondamentaux me semblait le plus pertinent à entreprendre. Acquérir les bases d’une matière si riche n’aurait pas été possible avec un seul master.

DFDS Calais Seaways © Eric HOURI

À la fin de l’année 2018, une de mes anciennes professeures m’a partagé une annonce d’Armateurs de France pour un stage de chargé de mission juridique ; annonce à laquelle j’ai décidé de postuler. Mon profil à la fois juridique et maritime leur a plu, me permettant de les rejoindre à compter de mars 2019. C’est un choix qui, à l’époque, pouvait interpeller. Quitter un CDI pour (re)devenir stagiaire n’est pas vraiment dans l’ordre des choses et pourtant, c’est à ce moment que les choses ont véritablement basculé. Au-delà du poste en lui-même, passionnant et stimulant, ça a été l’occasion de nombreuses rencontres au sein du monde maritime. Croiser leurs chemins a été déterminant.

À l’issue de ce stage, il était certain que je reprendrais mes études. Il me semblait en effet indispensable de donner une certaine cohérence à mon parcours et ne pas s’arrêter après une licence. J’ai ainsi entrepris deux masters à la rentrée de septembre 2019, l’un en droit public, l’autre en sciences politiques. Le master en sciences politiques comportait une période de stage au second semestre. Par un concours de circonstances tout à fait clément, j’ai pu obtenir un entretien auprès du directeur de cabinet de Jean-Baptiste Djebbari. C’est ainsi qu’en février 2020, j’ai pu rejoindre le cabinet pour un stage de six mois sous la responsabilité du directeur de cabinet, Stéphane Daguin. Cela a été une période passionnante, d’une richesse incroyable et d’une certaine façon extrêmement brutale, tant les enjeux et la charge de travail sont importants. À l’issue de ces six mois, je n’avais pas la moindre idée de ce que serait la suite. La situation sanitaire m’a obligé, comme beaucoup d’autres, à considérer l’avenir non sans incertitudes. Finalement, Vincent Caure, le chef de cabinet m’a proposé de rejoindre l’équipe à nouveau en tant que chef de cabinet adjoint. L’arrêté de ma nomination est paru au Journal officiel le 17 octobre dernier pour une prise de fonction deux jours plus tard. 

Jeune Marine : Les pages de Jeune Marine mettent en avant des profils aux destins inattendus mais le vôtre est peut-être un des plus fulgurants ! Cet enchaînement est-il une ambition de petit garçon ou le chemin naturel d’un étudiant brillant ?

Ni l’un ni l’autre ! Tout d’abord parce que je vous mentirais en affirmant que tout cela était planifié. De tout ce que j’ai pu envisager jusqu’à maintenant, rien ne s’est passé comme prévu. L’ambition a été un moteur, c’est indéniable. Pour autant, je ne pense pas que l’on puisse avancer et gravir les marches seul. J’ai eu la chance de rencontrer des gens d’une grande richesse tout au long de mon parcours, de ma première année à l’ENSM jusqu’à aujourd’hui. Ils ont tous, à leur manière, concouru à cet enchainement.

Tout cela n’est pas non plus le chemin naturel d’un étudiant brillant, et ce pour deux raisons. D’une part, parce que tout cela n’a rien de naturel. J’ai, à certaines périodes, cumulé mes études en parallèle de deux emplois. Je vous laisse imaginer le rythme et la discipline qu’il convient de s’imposer pour tenir sur le temps long. D’autre part, parce que les études ne font pas tout. Bien évidemment, elles sont un socle de réflexions et de connaissances précieux. Pour autant, elles ne sauraient pallier ces choses intangibles que l’on acquiert autrement et qui, sur le marché du travail, font la différence.  

Étienne Melliani, Chef de cabinet adjoint du ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari © EM

Jeune Marine : L’ENSM vient de fêter ses 10 ans, vous êtes en poste après vos stages depuis seulement quelques mois, cela veut tout de même dire que vous multipliez les grandes écoles et formations universitaires depuis 10 ans déjà pour en arriver là. Pensez-vous que la voie de la formation maritime a été un plus ? N’aurait-il pas été plus simple de prendre la voie « normale » ?

Mon passage par l’ENSM n’a pas été un plus, il a été le point de départ de tout cela. Je le dis souvent, cette école est une opportunité qui permet d’en considérer beaucoup d’autres. Je sais que les élèves d’aujourd’hui et d’hier n’en ont pas forcément conscience, pollués par le message systématiquement défaitiste de certains. Mais je persiste et signe, nous avons une formation d’excellence qui n’a pas à pâlir de ce qu’elle est, ni par rapport aux autres écoles d’ingénieurs françaises ni à l’international. Ces choses intangibles que j’évoquais plus haut, je les ai acquises grâce au métier de marin. Je ne connais aucune autre voie professionnelle qui confie autant de responsabilités à des jeunes gens de vingt-deux ou vingt-trois ans.

Quant au fait de savoir s’il n’aurait pas été plus simple de prendre une voie normale, je vous répondrais que la voie que j’ai choisie me semble être la plus normale qui soit ! Tout simplement parce que c’est un parcours que j’ai choisi, composé, enrichi à mesure des expériences vécues ; un parcours qui me ressemble. Si les choses étaient à refaire, je les referais exactement de la même façon.

Déplacement Port de ROUEN du 04 01 2021 Etienne MELLIANI aux côtés de Jean-Baptiste DJEBBARI © EM

Jeune Marine : Vous êtes actuellement chef de cabinet adjoint de Jean-Baptiste DJEBBARI, ministre délégué chargé des Transports, qui a quelque part un parcours similaire mais via l’aviation. Est-ce la nouvelle clé pour comprendre les problématiques modernes ?

L’élection d’Emmanuel Macron a indéniablement bouleversé le paysage politique français. Elle a permis de mettre en valeur des profils différents de ceux que l’on pouvait trouver habituellement. Dans un monde de plus en plus complexe, je crois que la clé d’une bonne compréhension des enjeux réside en la complémentarité de profils issus de la société civile, à l’instar de Jean-Baptiste DJEBBARI, et ceux issus de l’Administration. C’est en alliant les deux qu’il est possible de construire et mettre en œuvre des politiques publiques efficaces, au plus proche des citoyens.

Ce qu’a surtout permis l’arrivée de personnalités telles que le ministre Djebbari, c’est une propension à oser différemment, à sortir des sentiers battus. Sa nomination a permis d’apporter un regard neuf, de faire émerger des profils qui, il y a moins de dix ans de cela, n’aurait eu aucune chance d’entrer en cabinet ministériel. 

Jeune Marine : Longtemps oublié, le maritime a été baladé du Ministère de l’Agriculture au Ministère des Transports en passant par l’Ecologie mais vient de nouveau de retrouver le sien avec le Ministère de la Mer : les marins portent de grands espoirs dans ce qui nous apparait comme une réelle chance de promouvoir le maritime, avez-vous des vœux à formuler quant à sa pérennité ?

La liste que vous énumérez ici met en lumière une chose qu’il ne faut pas perdre de vue, le maritime est une matière transverse par essence. En fonction de l’angle choisi, les ressources halieutiques, le transport ou encore la protection des océans, ce secteur a sa place dans chacun des ministères que vous venez de citer ! Par ailleurs, je ne crois pas que l’on puisse imputer au seul pouvoir politique contemporain le manque d’initiatives en faveur du maritime, le problème est bien plus profond. Au cours des siècles, la France ne s’est jamais pensée comme une nation maritime. Je prendrais pour seul exemple le choix de Paris comme capitale. Elle illustre parfaitement ce constat. Il n’est pas de grande nation maritime dont la capitale se situe dans les terres. 

Le président de la République a toujours montré son attachement pour les enjeux maritimes. Dans cette continuité, la création d’un ministère de la Mer est un espoir et une forme de reconnaissance pour l’ensemble du monde maritime. C’est un portage politique formidable qui, je l’espère, pourra faire germer dans l’esprit de chacun de nos concitoyens une certaine idée de la France, tournée vers le large. Cependant, il n’y a pas de bonne politique sans un pilotage pertinent des mesures à mettre œuvre. Face à une matière aussi transverse que le maritime, je crois que la conduite des politiques publiques doit s’opérer avec une interministérialité forte. Je ne prendrais qu’un seul exemple pour illustrer mon propos, celui des ports. La France a encore beaucoup à faire pour développer ses places portuaires. Or, il ne peut y avoir d’augmentation substantielle du trafic sans développement du fret ferroviaire.

En définitive, je ne crois pas qu’il y ait un secteur maritime « monolithique » mais bel et bien un objet diffus. Assurer la pérennité de notre stratégie maritime, c’est faire en sorte que chacun comprenne qu’il y a du maritime dans chaque secteur, dans tous les pans de notre société.

Jeune Marine : Votre locomotive professionnelle tourne à plein régime, que pouvons-nous vous souhaiter pour l’avenir ?

J’espère pouvoir continuer d’occuper des postes passionnants et enrichissants ; c’est une chance que je mesure. Je souhaite également concourir aux mutations du secteur maritime et plus largement du monde des transports dans les années à venir. C’est une réalité que l’on oublie parfois, mais la question des mobilités est éminemment présente dans la vie de chacun d’entre nous au quotidien. Les enjeux présents et à venir sont grands, les réponses à apporter devront l’être tout autant.

 

Propos recueillis par Aymeric AVISSE

 

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