À la uneInterviewJeune Marine N°260

Interview d’Arnaud DIANOUX

Fondateur d'OPSEALOG

Les écoles de la marine marchande forment des officiers…. Mais pas que ! Nous avons rencontré Arnaud DIANOUX, fondateur d’Opsealog qui a intégré l’ENMM en 2000 pour naviguer dans un premier temps et utiliser ensuite ses acquis pour créer son entreprise. Nous vous proposons de le découvrir dans l’interview vidéo dont vous retrouverez la retranscription à suivre.

 

Jeune Marine : Bonjour Arnaud, nous voilà aujourd’hui au forum des entreprises de l’ENSM du Havre, on s’est rencontrés il y a quelque temps, tu es un ancien élève de la marine marchande, de la promo 2000, et tu n’as pas fait que ça : peux-tu nous expliquer ton parcours ?

Arnaud DIANOUX : Parcours de la marine marchande à Marseille officier 1ière classe, puis derrière, j’ai fait un petit peu mes classes, j’ai navigué sur des porte-containers, pour la compagnie Marfret puis sur des Ro-Ro à la compagnie de Navigation d’Orbigny, puis je suis rentré chez Bourbon Offshore Surf à l’époque : j’ai navigué une dizaine d’années jusqu’au commandement et en parallèle j’ai fait une formation en école de commerce à l’ESSEC Paris Singapore.

Jeune Marine :  Pendant tes années de navigation ?

Arnaud DIANOUX :  J’ai fait un stop au milieu, après 5 ans, pour faire une année de césure et de formation en école de commerce en stratégie et en développement des affaires internationales.

Jeune Marine : Alors si je ne me trompe pas, tu es parti dans l’entreprenariat assez rapidement, c’est l’école de commerce qui t’y a amené ? L’ENSM ? Ou les deux ?

Arnaud DIANOUX :  Les deux, déjà à bord d’un navire, comme tu le sais aussi car tu navigues, dans une entreprise il y a de fortes valeurs importantes humaines et dans la gestion d’un navire il y a aussi la gestion d’une entreprise en quelque sorte ; je ne me voyais pas naviguer toute ma vie et je voulais avoir un sujet qui me permettrait de développer, comme on le verra plus tard avec Opsealog, la détermination du monde maritime.

Jeune Marine : Oui en fait, tu te crées ton évolution avec Opsealog et le bagage que tu t’es fait également à l’école, mais que signifie Opsealog ?

Arnaud DIANOUX : Alors dans le nom Opsealog, le « op » vient de opération et de optimisation, le « sea » la mer, et le « log » c’est la notion de logistique des navires et aussi le log des data.

Jeune Marine : Donc on est sur l’opération, mer, data ?

Arnaud DIANOUX : L’op c’est aussi l’optimisation, donc on est sur l’optimisation des opérations à la mer et de la logistique.

Jeune Marine : Oui mais alors, ça peut vouloir tout et rien dire, tu peux nous en dire un peu plus ?

Arnaud DIANOUX : En fait, c’est particulier ce que l’on fait, c’est unique. Nous ne sommes pas une société de logiciel à proprement parler, nous ne sommes pas une société de consulting, nous avons développé une plateforme de données qui est capable d’intégrer tout un tas de données en temps réel provenant du navire, que ce soit un logiciel qu’on déploie à distance, ou un logiciel embarqué qu’un commandant  nous renseigne et tout un tas de capteurs sur lesquels on connecte de la donnée via des partenaires qui eux installent ces capteurs-là. Donc cette plateforme intègre toutes ces données, elle les traite, elle les restitue, elle crée des indicateurs de performance sur l’environnement pour mesurer déjà quel est l’impact de ces opérations maritimes, sur l’utilisation du navire et derrière on a des experts, anciens navigants un peu comme moi, qui analysent la data.

Opsealog wins the OSJ’s 2020 innovation of the year award

 

Jeune Marine : Alors justement c’est un peu ce qui est résumé sur votre présentation, donc vous récoltez des data…

Arnaud DIANOUX : Voilà , que ce soit de la météo, de la géo localisation en temps réel du bateau, le software embarqué pour remplacer tout ce qui est log book à bord du bateau et également si le bateau est équipé de capteurs débit mètre : on collecte minute par minute toutes ces données, il faut savoir que de plus en plus les bateaux sont connectés, et qu’il y a tout un tas de données supplémentaires qui vont être disponibles prochainement via des partenariats qu’on est en train de mettre en place. Toutes ces données viennent en temps réel dans la plateforme, on a investi plusieurs millions sur cette plateforme unique avec grosse capacité d’intégration de données ; cette plateforme, c’est elle qui nous crée les indicateurs et les Dashboards pour nos clients sur les différentes thématiques dont je vous ai parlé : l’environnement, l’optimisation des consommations, toute la partie réglementaire aussi MRV/DCS. Donc on met à disposition de nos clients et ils peuvent se connecter sur cette application web pour accéder à toutes ces données et, en parallèle, ce qui fait notre coté unique d’Opsealog, c’est qu’on pense qu’il ne faut pas s’arrêter à juste partager un indicateur, il faut accompagner les armateurs et les affréteurs avec de l’analyse : on a donc nos experts en interne qui analysent la donnée et qui travaillent avec les superintendants, les armateurs, les responsables de flotte, les commandants, pour ensemble réfléchir et trouver la solution au travers d’Efficient meetings, des discussions que l’on a avec l’armateur et l’affréteur pour réfléchir à comment on pourrait mieux opérer.

Jeune Marine : Alors « expert », ça peut englober de nombreux profils, ce sont vraiment des gens compétents ? Qui est derrière la plateforme ?

Arnaud DIANOUX : Derrière, on a différents profils, beaucoup d’anciens navigants comme moi, commandant, chef mécanicien, mécanicien, lieutenant, second capitaine, on a des experts en environnement, en énergies, des personnes qui ont suivi des formations approfondies sur tout ce qui est lié aux énergies ; on a également des personnes qui n’ont pas navigué mais qui ont suivi notamment à Nantes la formation d’éco gestion  du navire, qui apporte une compétence supplémentaire et qui vient se combiner à notre expertise de navigants.

Jeune Marine : Tout à fait, alors justement on a rencontré ta collaboratrice qui sort également de cette école-là, au même titre que Manon PAYET que l’on a interviewée récemment. Opsealog va signer demain un partenariat avec l’ENSM…. Dans quel but ? Qu’est-ce que tu peux nous dire ?

Arnaud DIANOUX : Aujourd’hui nous sommes 42 dans la société, on a commencé il y a 6 ans, on fait près de 3 millions de CA ! On a commencé à 3, aujourd’hui on est 42, à peu près la moitié, soit une vingtaine, a cette expertise maritime, le reste possède une expertise dans la donnée. Il est important  pour nous d’avoir beaucoup de stagiaires qu’on la chance d’embaucher derrière grâce à notre développement, et donc on a des liens très rapprochés avec l’école de la marine marchande que l’on souhaite renforcer. Aussi, dans la signature du partenariat demain, il a trois volets : un R&D, sur lequel l’école de la marine marchande progresse largement, c’est faire des projets de recherche et développement en commun, en partenariat. Il y a le volet formation sur lequel nous pouvons imaginer que des experts en data aillent se former à l’école sur différents sujets maritimes, on peut imaginer aussi que nos experts vont se former sur la cyber sécurité au travers du master qui est en place et que nous, en plus, en tant qu’Opsealog, on puisse intervenir peut-être dans le projet pédagogique de l’école. Troisième volet : le recrutement, c’est ce que l’on a fait jusque-là : nous avons eu pas mal de stagiaires de l’école de la marine marchande qu’on a réussi a embaucher. Sur le recrutement, l’école est essentielle pour nous, pour gagner en visibilité auprès des élèves, pour leur montrer qu’il y a des boîtes comme la nôtre qui sont là pour essayer de décarboner  le monde maritime et qu’on a besoin de cette expertise, avec une expertise de navigation ou pas : dans les 2 cas c’est une forte valeur ajoutée pour nous.

Jeune Marine : Tu parles de décarbonation, mais là je ne vois que de la data, comment décarbonnes-tu avec de la data ?

Arnaud DIANOUX : Avec de la data, à la base ce qu’il se passe aujourd’hui c’est que les navires sont très peu connectés, très peu digitalisés, avec des  contraintes environnementales qui augmentent et des engagements climats de plus en plus forts pour les armateurs et les affréteurs ! Aussi, la première brique c’est de mesurer, de savoir quel est le profil opérationnel du bateau, c’est comme un sprinter : si on ne connaît pas son temps d’origine, on a besoin de mesurer quel est son chrono, et sans chrono il est difficile de s’améliorer et de dire j’arriverai à courir le 100 mètres en x secondes …

Jeune Marine : Donc, si j’ai bien compris, vous faites d’abord une image…

Arnaud DIANOUX : C’est cela ! On active les data, on collecte les données, ce qui nous permet d’avoir une image pour savoir comment la flotte travaille et ce qu’elle produit en terme d’émissions CO2.

Jeune Marine : Et une fois que vous avez cette image, vous faites l’accompagnement pour savoir comment elle évolue et comment on pourrait essayer de l’optimiser. Donc on n’est pas du tout dans des solutions d’installation de scrubbers ou de conversion au gaz…

Arnaud DIANOUX : Cela, c’est un volet qui fait partie quand même de notre service mais nous souhaitons dans un premier temps aider à mesurer, aider les armateurs à digitaliser tout le reporting obligatoire règlementaire. Le troisième volet c’est effectivement l’optimisation, c’est rechercher avec l’armateur basé sur toutes les données qu’on collecte, avec notre expertise aussi, avec nos algorithmes, avec nos benchmarks qu’on peut avoir sur des designs similaires qui travaillent à travers le monde. C’est réfléchir ensemble à comment on peut accélérer la décarbonation.

Jeune Marine : Dans l’évolution de ton entreprise, vous êtes surtout en train de fonctionner avec des affréteurs : est-ce qu’il y a une ouverture vers les armateurs ou est-ce purement organisationnel pour les affréteurs ?

Arnaud DIANOUX : On est depuis ces 6 dernières années sur la partie affréteurs, et là on veut vraiment accompagner les armateurs, notamment avec la partie règlementaire, environnementale MRV/DCS ; on souhaite les accompagner dans ce challenge, éviter qu’eux-mêmes ne développent une plateforme qui n’est pas leur cœur de métier, leur montrer qu’ils peuvent s’appuyer sur des acteurs comme nous qui ont déjà ces informations.

Jeune Marine : Oui, il y a déjà des armateurs qui ont des services informatiques, techniques qui seraient tout à fait capables de le faire, qu’apportez-vous de plus à ces armateurs ?

Arnaud DIANOUX : Le cœur de métier d’un armateur n’est pas à mon sens forcément de développer ce genre de plateforme en interne, il pourrait le faire mais le fait qu’on en soit là aujourd’hui, que l’on ait déjà ce modèle qui arrive déjà à générer 15 % de réduction d’émissions sur l’ensemble de nos clients, autant s’appuyer sur une société qui est déjà présente, qui a fait ses preuves avec ce modèle unique pour accélérer et se concentrer sur son propre corps business. En parallèle, ce que l’on apporte de plus c’est cette vision globale, nos experts travaillent avec de nombreux affréteurs, armateurs et donc ils ont cette connaissance marché, ils savent exactement comment pousser la performance au mieux de chaque navire.

Jeune Marine : Donc en fait, tu es en train de me dire que vous, vous avez l’expérience et que vous pourriez très bien en faire bénéficier un armateur qui n’y aurait pas encore eu recours ?

Arnaud DIANOUX : Exactement, par contre on n’est pas donneurs de leçon du tout, c’est vraiment un partenariat avec les armateurs pour ensemble réfléchir avec les commandants aux axes d’améliorations pour transformer les données en actions et décarbonations, ce n’est pas Opsealog seule qui le fait, on met à disposition notre plateforme, nos experts mais derrière c’est surtout et c’est la clef,  les Efficiency meetings qui se passent toutes les semaines, 15 jours, ou tous les mois à distance avec nos clients, en fonction de leurs besoins, pour ensemble réfléchir à quelle procédure on passe, quelle décision on prend en interne pour essayer de tendre vers de la réduction d’impact environnemental.

Jeune Marine : Tout cela fait que le marin, l’armateur, gardent le contrôle, vous n’êtes que du conseil éclairé qui va essayer d’agir et interagir en cohésion avec le client ?

Arnaud DIANOUX : Tout à fait !

Jeune Marine : Quelles sont les perspectives d’avenir ?

Arnaud DIANOUX : Continuer cette belle croissance qu’on a réalisée jusque là, entrer dans le monde maritime beaucoup plus largement, accompagner tous les armateurs sur les autres segments du maritime, transport de passagers, toute la partie shipping, le portuaire, pilotage, remorquage. On ne peut que souhaiter continuer sur cette dynamique, nous avons une très belle équipe en interne et on veut vraiment jouer un rôle clef. En tous cas, porter au minimum cette belle pierre à l’édifice pour accélérer cette décarbonation du monde maritime  qui a un énorme challenge qui se présente et il faut s’appuyer sur des acteurs comme nous pour essayer d’avancer plus rapidement.

Jeune Marine : Merci Arnaud. Cela a le mérite d’être très clair !

Surtout si vous voulez d’autres renseignements, n’hésitez pas à les contacter !

Propos recueillis par Aymeric AVISSE

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