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« On se dit tout ! » : l’interview de Stéphane GARZIANO

Chef du guichet unique du RIF

Notre dossier spécial « Pavillon français et ses registres » nous a valu de nombreux retours de votre part et sommes enchantés de constater l’intérêt que vous portez au pavillon tricolore. Mais toutes ces questions ne pouvaient rester sans réponses ! Aussi les équipes de Jeune Marine ont rencontré Stéphane GARZIANO, Chef du guichet unique du RIF, dans leurs locaux en plein coeur de Marseille, pour une interview exclusive dans laquelle tous les sujets sont abordés : attractivité, difficultés, modèle social. Un nouveau « On se dit tout » passionnant !

 

Aymeric AVISSE : Bonjour Stéphane GARZIANO, vous êtes le chef du guichet unique du RIF, merci beaucoup de nous recevoir aujourd’hui à Marseille dans les bureaux du Registre International Français, au cœur de ce qui fait peut-être la magie du pavillon français ; alors, avant de rentrer un peu dans les détails, il est peut-être un peu indispensable d’essayer de mieux comprendre ce registre, le pavillon, et surtout comment on en est arrivé là : qu’est-ce qui a motivé sa création, quels ont été les derniers ports d’attache, les  premier et dernier ports d’attache, quelle est la flotte concernée, etc. Pouvez-vous nous faire un petit rappel ?

 

Stéphane GARZIANO : Bonjour Aymeric, ravi d’accueillir l’équipe de Jeune Marine dans les locaux du guichet unique du RIF, ici à Marseille. Le Registre international français a été créé par la loi 2005-412, donc en mai 2005, et l’objectif du RIF, je cite, est de développer l’emploi maritime et renforcer la sécurité la sûreté maritime par la promotion du pavillon français. Le Rif, comme vous le savez, a remplacé le registre des Terres Australes et Antarctique Françaises (TAAF), avec comme port d’attache Port-aux-Français, un registre qui n’avait pas permis d’enrayer le déclin de la marine marchande, notamment dans les années 80 ; donc, en fait, le vrai but à la base de la création même de ce premier registre, était d’attirer des nouveaux bateaux dans la flotte, et d’enrayer le déclin de la marine marchande qui avait été enclenché dès les années 70.

Mais cela n’a pas empêché d’enrayer le déclin de cette marine, il ne permettait pas l’accès au cabotage entre ports européens puisque ce n’était pas un registre communautaire et offrait un cadre assez succinct de protection au marin : sur ces bases le Rif a été créé en 2005, il est accessible aux navires de commerce, aux navires de transport maritime, navires de services maritimes, mais également aux navires de plaisance commerciale et depuis 2018 il est accessible également aux navires de pêche (certains navires de pêche hauturière, les thoniers) qui fréquentent les zones en Atlantique et dans l’océan Indien. Mais pour l’instant aucun de ces navires n’a rejoint la flotte ; entre 2006 et 2022 le nombre de navires enregistrés au RIF est donc passé de 183 à 411 navires, soit plus 124% pour ceux qui aiment les chiffres, et aujourd’hui la flotte est composée de 97 navires de transport, 165 navires de services et 149 navires de plaisance commerciale ; dans le même temps, la jauge brute de la flotte RIF est passée de 4 millions à 7 millions d’UMS, donc quasiment doublée dans l’intervalle.

En termes d’emplois, le RIF contribue quand même activement à la dynamique actuelle de l’emploi français : en 2022, ce sont 3636 marins français qui étaient embarqués sur des navires enregistrés au RIF, soit plus 20% dans les cinq dernières années.

A la base il a été conçu comme une porte d’entrée mais sans vraiment de compétences réelles ou d’attribution réelle, on faisait les démarches à la place de l’armateur auprès des différentes administrations : ce qui a complètement changé aujourd’hui, puisque aujourd’hui on est un service, un interlocuteur quasi unique pour les entrées en flotte. Pour étayer mes propos, en 2006 l’armateur avait affaire à sept services différents de l’administration pour enregistrer un navire sous pavillon français, aujourd’hui il n’a plus que le guichet unique pour toute la partie administrative et les centres de sécurité des navires (dont je salue l’action ici) qui assurent toute la partie technique de l’entrée en flotte, avec évidemment l’aide des sociétés de classification qui aujourd’hui ont quand même de larges compétences déléguées.

Voilà un petit peu le cheminement de la création du RIF et de son guichet unique.

 

Aymeric AVISSE : Alors aujourd’hui ce pavillon français dans la déclinaison du Registre International plaît vraiment de plus en plus, il a connu des hauts et des bas comme dans toute vie normale d’un pavillon, sauf qu’aujourd’hui, vous êtes même sollicités : c’est une notion qui doit vous réjouir et récompenser quand même des années de travail et de valorisation ?

Stéphane GARZIANO : Oui, tout à fait ! Il a fallu rendre le dispositif solide et fiable, le simplifier, le consolider, ce qui n’était quand même pas simple ; c’est un travail de longue haleine aussi d’aller convaincre finalement les opérateurs donc armateurs mais aussi les banques, les avocats qui travaillent pour les banques ou, pour les armateurs, de la pertinence et de plus-value du modèle RIF.

Il y a eu un point de bascule avec la crise COVID où, en fait, il y a eu un retour aux sources, un besoin de sécurité juridique, un service complet avec des appuis internationaux, et, en conséquence les opérateurs économiques du maritime sont venus prendre conscience ou reprendre conscience d’un besoin d’État dans cette période particulière où la France a tenu sa place, c’est-à-dire qu’elle a proposé ce que peu d’autres pavillons ont fait, c’est à dire maintenir les ports français ouverts en métropole et outre-mer : on a d’ailleurs à cette occasion redécouvert notre géographie avantageuse, on a découvert que la Réunion, par exemple, était sur les trajets Asie-Amérique pour les relèves, elle a joué vraiment un rôle essentiel et les acteurs locaux il faut les remercier à nouveau parce qu’ils se sont pleinement engagés, ce qui n’était pas évident. Accepter que des relèves se fassent avec potentiellement des risques de

contamination, ils ont totalement joué le jeu, avec un cadre qui a été mis en place par les services du Préfet en local, un cadre très strict qui permettait d’isoler les relèves de marins de la population locale. Mais tout cela a quand même permis que le système fonctionne, que les relèves puissent se faire et qu’on n’arrive pas à des durées d’embarquement totalement anormales, comme on a pu le voir sous d’autres pavillons.

Les ports sont donc restés ouverts, les armateurs français ont pu bénéficier du troisième réseau diplomatique au monde et ça, ça ne s’invente pas du jour au lendemain ! 165 postes dans beaucoup de pays ont pu bénéficier d’une cellule créée spécialement dans le contexte du COVID, qu’on a appelée « RIF crise » et qui a aidé les armateurs à organiser leurs relèves en faisant l’interface entre eux et les services compétents de l’État, la police de l’air et des frontières, les services diplomatiques, et donc cette cellule a quand même permis de faciliter les relèves de plusieurs milliers de marins !

Voilà donc, clairement, ce besoin d’État est revenu un peu à la surface à l’occasion de cette crise du Covid ; ensuite, il y a eu le Fontenoy du Maritime qui a été le grand exercice de concertation voulu par Annick Girardin alors ministre de la mer et pendant cet exercice, ce besoin d’Etat s’est fait sentir et a été mis en évidence par les opérateurs. Le modèle du guichet unique a été plébiscité et son renforcement a été souhaité : le Gouvernement a répondu favorablement à cette demande qui a donné lieu pour nous très concrètement à l’arrivée de deux cadres supplémentaires, une référente en fiscalité et un référent en promotion du registre, et en matière d’équipage, donc des secteurs sur lesquels on avait besoin d’être renforcé en compétences pour toujours donner une vision et une réponse les plus globales possibles aux opérateurs sur des thématiques très très larges.

On a aussi été renforcé en moyens financiers pour nous permettre de promouvoir le registre, notamment à l’international : vous avez pu voir par exemple notre présence à Singapour fin avril, ce qui était quand même assez inédit auparavant ; donc désormais le modèle RIF commence à faire ses preuves, maintenant il faut passer à une étape de promotion beaucoup plus active et comme on le disait, d’autant plus à l’international ! Ce qu’il faut bien réaliser, c’est qu’aujourd’hui nous sommes à un moment bien particulier de l’histoire de la marine marchande : il y a une flotte mondiale en développement avec une demande toujours croissante de navires, notamment sur les secteurs du transport de gaz ou des navires d’appui à l’éolien par exemple ; la nécessaire décarbonation du transport maritime qui du coup provoque un renouvellement important de la flotte et la contraction du marché de l’emploi.

On le constate très concrètement en France, mais c’est vrai aussi au niveau international : le marché de l’emploi de marins est très tendu et dans ce contexte international bien particulier le RIF propose des avantages fiscaux très compétitifs pour l’acquisition de navires neufs : c’est plutôt avantageux au moment où il y a besoin des GIE, maintenant c’est le « crédit bail fiscal » qui commence à être connu sous son doux nom de French tax lease au niveau international.

Des systèmes fiscaux avantageux qui sont encore plus avantageux si les navires sont dotés de propulsions plus respectueuses de l’environnement, et un cadre social pour les gens de mer qui est quand même plus exigeant, bien au-delà des minimas internationaux et cela, il faut être clair et je tenais à le rappeler, le moment est très favorable finalement pour le développement du RIF qui se positionne, selon les dires des armateurs, parmi les registres les plus intéressants au niveau européen mais aussi au niveau mondial.

La délégation de l’administration maritime française à été reçue à l’ambassade de France à Singapour le lundi 24 avril 2023 © Dylan Vloëbergh-Lair DR

On a vu tout l’intérêt qu’il suscitait lors de nos déplacements à Singapour par exemple et on observe très concrètement l’arrivée depuis plusieurs mois d’opérateurs étrangers dans le secteur du transport maritime, mais on l’a vu aussi au yachting et on le verra dans les prochains mois dans la flotte de services avec des opérateurs étrangers qui viennent de pavillons qui étaient quand même des modèles pour nous (le pavillon norvégien par exemple) et qui viennent s’installer en France puisque le modèle est perçu comme robuste et stable.

 

Aymeric AVISSE : Le yacht fait partie de la base qui a énormément évolué ces dernières années,  le Rif n’est plus vraiment réservé à des navires de charge, il est bien plus ouvert qu’auparavant et,  comme on le disait, on vous a également vus à Fort Lauderdale sur un marché où les gens sont plutôt discrets : le pavillon arboré est plutôt BVI (Iles Vierges Britanniques), Jersey, il est quand même assez rare de voir des yachts arborer le pavillon français et vous, vous avez réussi à les convaincre ! Donc on arrive sur vraiment un modèle qui est très très attractif parce que vous parlez également d’avantages fiscaux : tout cela combine un petit peu ce que vous avez réussi à capitaliser dans le modèle du transport fret et conteneurisé vers le yachting ?

Stéphane GARZIANO : En effet, il y a plusieurs choses, déjà à la base le yachting il s’est développé principalement dans un environnement anglo-saxon, parce que les Anglo-saxons ont vu très tôt que les yachts allaient monter en taille très très vite et, dès la fin des années 80 et début des années 90, ils ont senti qu’il allait y avoir besoin d’adapter un certain nombre de réglementations pour accompagner le développement de ce secteur. Très clairement, les conventions  sur les navires de charge ou la convention SOLAS appliquées à un yacht qui a un design quand même assez particulier, il y avait un besoin d’adapter ces règles et les Anglais l’ont très vite perçu et ils ont développé leurs textes, avec une réglementation technique adaptée qu’ils ont déclarée auprès de l’ONU comme étant l’équivalente SOLAS pour les yachts ! Donc le yachting s’est développé dans un secteur anglo-saxon dans les années 90/2000.

A la fin des années 2000 on a adapté cette réglementation, on l’a reprise à notre compte en créant la division qu’on appelle 242 (ça c’est le jargon technique mais qui, en fait, est la copie du code britannique) ; on s’est mis au même standard que nos collègues anglais, ce qui a permis de faciliter les transferts de pavillon. La réglementation a permis de faciliter ces échanges, ça c’est la première chose,  et la loi pour l’économie bleue a envoyé aussi un message assez clair à ce secteur en abaissant la limite d’accès au RIF : à l’origine les navires devaient faire plus de 24 mètres, cette limite est désormais à 15 mètres.

Cela a été fait car dans cette tranche des 15/24 mètres il y avait une flotte très dynamique de navire français notamment aux Antilles, mais qui se heurtait à une concurrence internationale très forte et il n’y avait pas les outils sous pavillon français pour lutter contre cette concurrence ; donc le législateur a décidé d’abaisser cette limite pour permettre à cette  flotte de résister et aujourd’hui elle résiste plutôt bien et on a plus de 70 navires de 15 à 24 mètres qui ont rejoint la flotte depuis l’abaissement de longueur dans les années 2016-2017.

Cette limite à 24 mètres c’est parce que jusqu’à 24 mètres on était considérés comme navire de plaisance, aujourd’hui ces navires même dès 15 mètres sont considérés comme navires de commerce, qu’on appelle également de plaisance à utilisation commerciale, ce sont des navires de plaisance qui sont adaptés techniquement pour pouvoir exercer une activité commerciale dans le cadre de contrat de charter de croisière ou de transport avec un équipage professionnel, avec tout l’attirail juridique qui s’applique au navire de commerce mais adapté pour ce qui est de la technique et parfois des brevets, parce qu’on a des brevets spécifiques au yachting.

Finalement ces navires nous arrivent la plupart du temps par le fait générateur de l’équipage, c’est-à-dire que c’est l’équipage français qui incite l’armateur finalement à rejoindre le RIF, parce qu’aujourd’hui les gens de mer au yachting ont des aspirations de cadres beaucoup plus protecteurs et donc de protection sociale haut de gamme, et donc se retournent naturellement vers le Registre International Français puisque en France vous le savez on a l’ENIM qui est le régime spécial des marins et qui est un régime haut de gamme.

Le bureau du RIF au Cannes Yachting festival © Aymeric AVISSE DR
Le bureau du RIF au Cannes Yachting festival © Aymeric AVISSE DR

Ce secteur, il plaît évidemment aux marins donc les marins incitent leur armateur à passer au RIF parce qu’ils y trouvent un cadre plus protecteur, et l’armateur lui s’y retrouve puisque du coup il a une stabilité de son équipage bien meilleure, ce qui lui permet en saison de pas avoir de départs spontanés comme on peut le voir sous d’autres pavillons où, finalement, on a parfois affaire à un démarchage un peu de mercenaires qui vont au plus offrant.

L’histoire aussi fait qu’il y a eu parfois des accidents qui ont montré que sur certains pavillons les marins n’étaient pas forcément bien protégés ; le cadre français, les marins le connaissent, pour ceux qui ont étudié en France ou qui ont des collègues dans les autres secteurs de la marine marchande, et ils savent qu’il est très protecteur pour le marin lui-même lorsqu’il est à bord et lorsqu’il est à terre et pour sa famille également : donc c’est un sacré avantage, là où beaucoup de registres ont choisi finalement de requérir plus de liberté aux marins uniquement les trois branches minimales de la MLC en termes de protection sociale nous on est sur les 9 branches et même au-delà avec l’ENIM.

 

Le Renaissance à Brest – ©Cédric Rivoire-Perrochat / CFC

Aymeric AVISSE : On parle des choses qui vont bien, mais il y a aussi des choses qui vont un peu moins bien, notamment quand des marins français passionnés sont partis dans l’aventure entrepreneuriale et qui ont monté des armements (je pense à Ocean Fresh Water, à Nostos, à CFC ou encore Exploris) : ce sont des armements qui étaient vraiment très attachés à arborer ce pavillon français ! Certains ont rencontré de très grandes difficultés et n’ont même pas pu obtenir ce pavillon français, quand, pour d’autres, malgré les obstacles qui se sont accumulés, ils vont cependant obtenir gain de cause : que vous pouvez vous nous dire sur ce point ? Les règles sont-elles trop contraignantes ? Qu’est-ce qui fait que ces armements n’arrivent pas à avoir leur pavillon français alors que vous êtes en train de nous dire que justement c’est relativement simple, protecteur et qu’on peut le faire rapidement ?

Stéphane GARZIANO : Il faut distinguer dans les cas que vous avez évoqués deux grandes familles, nos exigences en termes de sécurité des navires, qui je le rappelle sont identiques à celles qui s’appliquent au premier registre, tous les registres français sont soumis aux mêmes règles de sécurité, il n’y a pas de différence et il n’y a pas de pavillon moins-disant en termes de sécurité, ou de registre moins-disant au sein du pavillon français, ça c’est très clair.

Nos exigences donc sont donc les mêmes que le premier registre, elles peuvent rendre parfois le passage au RIF complexe voire parfois impossible car quand vous venez nous voir avec un navire très ancien construit hors Europe battant pavillon tiers donc non européen, qui exerçait peut-être une navigation nationale auparavant et que vous essayez de lui faire faire de la navigation internationale maintenant, son cadre réglementaire change, vous avez recours à une société de classification qui n’est pas habilitée par la France, tout ça fait que le projet peut être très complexe, et je le redis parfois dans certains cas impossible !

Donc c’est la raison pour laquelle on incite les armateurs, les opérateurs, les porteurs de projets à venir  nous voir très tôt, avant même l’acquisition du navire, pour qu’on défriche avec eux la réglementation qui sera applicable et qu’on essaye de débusquer les impossibilités éventuelles de leurs projets : l’équipe du RIF ici passe deux tiers de son temps en accompagnement très en amont, par anticipation ; c’est très important dans ces projets : parfois ça se passe bien, ça a permis à certains d’éviter quelques écueils, parfois malheureusement on est arrivé un peu tard dans le processus et ça a pénalisé ces projets.

Vous avez évoqué des compagnies de croisière, c’est la deuxième famille que je distingue : elles sont venues nous voir, elles, en amont puisqu’elles nous ont contactés dès l’an passé pour des entrées en flotte cette année. Parmi les registres du pavillon français, il y a celui de Wallis et Futuna, qui du fait de ses caractéristiques favorables a été utilisé pour développer le segment particulier de la croisière : il apporte une réponse adaptée avec des possibilités fiscales et un cadre social spécifique.

Le RIF, lui, propose un modèle sensiblement différent qui séduit particulièrement les armements car il propose un cadre social en phase avec les aspirations des gens de mer aujourd’hui ; on va essayer de faire un petit rappel des différences donc sous RIF on a une

protection sociale complète avec la retraite, la catégorie ;  tout cela, sur Wallis-et-Futuna, c’est un petit peu optionnel et on n’est même pas obligatoirement annualisé en salaire alors pour ce qui est de la protection sociale, depuis le 1er janvier l’affiliation à l’ENIM pour les résidents en France est effective à Wallis ; également d’accord donc pour les résidents uniquement sur

les autres différences, c’est le reste du pack social qui ne s’applique pas à Wallis et qui s’applique au RIF, notamment les conventions collectives marine marchande et les différences majeures résident quand même dans l’application de ces conventions collectives. Si certains navires à passagers sont clairement exclus du RIF, s’ils effectuent par exemple des liaisons intracommunautaires, les navires de croisière ne sont pas exclus du RIF, donc CFC et Exploris ont exprimé une demande de cadre protecteur pour leurs équipages dans un contexte d’emploi tendu et de concurrence entre les armements pour ce qui est du recrutement. Ils ont donc souhaité avoir recours au RIF plutôt qu’au registre de Wallis-et-Futuna, et, après de longs échanges ces derniers mois, ils peuvent désormais entreprendre les démarches pour rejoindre le RIF et on va s’y atteler !

A partir des semaines qui viennent, cette décision a acté le principe de libre choix des opérateurs pour ce qui concerne le registre ; dans le cadre de la loi d’accord la loi permettait d’aller choisir, pour les navires de croisière, soit Wallis et Futuna, soit le Registre International Français. Les deux opérateurs qui se sont présentés dernièrement ont souhaité opter pour le RIF, ils sont autorisés à le faire car il y a pas de concurrence entre les différents

registres du pavillon français, les différents registres sont complémentaires, chacun a son marché, a ses spécificités et chacun à un moment de l’histoire peut permettre de développer, mais on est tous là pour le développer, le pavillon français au sens large ; il n’y a pas de concurrence entre registres et cela, moi, en tant que chef du guichet unique du RIF, j’y suis très attaché.

 

L’ODeep One ©JeuneMarine

Aymeric AVISSE : Pour les deux derniers, tout se finit bien. En revanche, pour les deux premiers, j’aimerais bien revenir un peu dessus parce que il y a de nouveaux armements qui arrivent sur le marché et il se présente à eux deux possibilités : dans l’état d’esprit actuel d’éco-responsabilité, certains se penchent vers de la récupération de coques anciennes, est-ce que ça ne va pas être un frein à l’évolution du RIF sur ces navires ?

Stéphane GARZIANO : Effectivement, ça peut clairement être un frein et je pense que vous évoquez certains projets qu’on voit fleurir de façon assez dynamique mais ça, ça vient du fait que la France a aussi une longue histoire avec la voile de compétition et on voit un certain nombre de navires ou tentatives de recycler des navires qui étaient construits à la base pour la compétition pour en faire du transport de personnes ou de marchandises, donc là effectivement ces projets sont assez complexes : tout dépend de la base technique de départ, de la disponibilité aussi, des plan de calculs qui ont été faits, des réglementations qui ont été utilisées comme support à la construction initialement, l’intervention ou pas d’une société de classification par exemple à la construction (ça c’est quand même un gros atout) ; si la construction du navire a été surveillée par une société de classification, il y a un peu plus de chances qu’on arrive à aboutir mais il est vrai que ces projets sont assez compliqués vu nos référentiels qui, encore une fois, sont complexes à mettre en œuvre pour des navires qui changent d’activité : on parle là d’anciens navires de compétition à voile qui on été construits

pour faire de la vitesse avec des échantillonnages au niveau coque et mâts qui ne sont pas forcément dans les standards qui s’appliquent au commerce. Ils n’ont pas été étudiés par exemple au départ pour transporter de la charge, donc en fait les grosses difficultés qu’on peut avoir c’est pour le changement d’activité, changement de destination, en fait le changement de manière générale d’attribution de ce bateau sur une ligne ou sur un transport quelconque ; donc le mieux c’est de venir voir en amont, voire très en amont avant même d’acheter le bateau pour pouvoir voir ensemble ce qu’il est possible de faire.

Si on veut absolument avoir le Registre International Français, on arrive après à faire ce type de conversion ; je pense à un navire en particulier qui est utilisé pour de la surveillance en mer qui est l’ancien navire qu’avait fait construire Olivier de Kersauson pour suivre les courses au large, qui a été converti et qui est maintenant en flotte, mais  qui a donné lieu à un certain nombre d’adaptations. Il est vrai qu’un de ses avantages c’est que c’était déjà un navire à moteur et donc tous les systèmes techniques autour du moteur étaient déjà en place et il n’y a pas eu d’adaptation sur ce point de vue, mais ça c’est un exemple qui a fonctionné !

 

Aymeric AVISSE : Quand on parle de tout cela, quand on voit cette très belle évolution, on se dit rien ne peut vous arrêter, sauf peut-être la volonté politique ! Récemment on a suivi avec grande attention la proposition de loi de Didier Le Gac, qui visait à lutter contre le dumping social, et la résultante a été l’interdiction du RIF sur le transmanche ! C’est un sacré paradoxe, vous êtes en train de nous dire que le RIF fait la promotion des métiers, qu’on a 3300 marins qui naviguent sous ce registre et pour autant on vous accuse de dumping social quelque part comment expliquez-vous cet ambivalence ?

Stéphane GARZIANO : Déjà il faut rappeler que ce sont les 800 marins licenciés par P&O et embarqués sur des navires enregistrés sous pavillon chypriote, et les conditions sociales moins-disantes de certains pavillons, qui ont déclenché finalement  la proposition de loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et absolument pas les conditions sociales applicables au RIF, donc ça c’est la c’est la première chose.

Avant la finalisation du Brexit en 2020, le recours au RIF n’était pas possible sur le transmanche, puisqu’on était en liaison intracommunautaire entre le Royaume-Uni et la France et donc ça faisait partie des exclusions du RIF ; en fait ce qui a été réalisé par le décret qui est sorti récemment le 21 juin dernier, c’est un retour à la situation  pré-Brexit et absolument pas un bannissement du RIF comme on a pu le lire : on a ré-officialisé une situation qui pré-existait, il n’y a jamais eu de RIF sur le transmanche, la petite nouveauté c’est que le décret a prévu une extension aux îles anglo-normandes et là par mesure de cohérence au niveau de la Manche, on parle bien du registre international du pavillon français.  Le pavillon chypriote ce n’était pas pavillon national chypriote avec 100% de Chypriotes ! C’est pour lutter ou essayer de rétablir l’équilibre entre les compagnies françaises qui effectuent des navigations transmanche et des compagnies concurrentes que la proposition de loi du député Didier Le Gac a tout son sens. Donc l’amalgame qui est fait par hasard de calendrier quelque part entre la loi en cours d’adoption au Parlement et le décret est malheureux, ce dernier décret n’est pour autant aucunement lié à la loi, ce n’est pas un décret d’application, la loi n’est pas encore promulguée (ndlr : à l’heure ce cette interview, en été 2023)  et donc en fait il y a deux sujets : il y a le sujet des parlementaires, et il y a également cette situation-là qui arrivait en même temps, ce qui rétablit une situation normale de trajet intracommunautaire, bien que la Grande-Bretagne ne soit plus communautaire.

On vit une séquence médiatique un peu pénible pour nous, pour l’équipe ici et pour le RIF alors que les problèmes ont été générés par des registres concurrents quelque part et ça ce n’est pas tellement juste et c’est pour cela que je veux profiter de cette occasion de vous rencontrer pour rappeler à vos lecteurs et ceux qui pourront nous voir dans cette dans cette vidéo que l’image d’Épinal d’un RIF moins-disant social ça révèle quand même une méconnaissance du Code du travail, du code des Transports, de la MLC, et des conventions collectives : personne ne prétend ici que les conditions sociales du premier registre s’appliquent à tous les marins hors-RIF, elles s’appliquent aux résidents français embarqués à bord des navires,  et si on appliquait ces conditions sociales à tous les marins embarqués à bord des navires, ce registre  n’existerait probablement pas.

 

© TSM DR

Aymeric AVISSE : Les navires de services, l’éolien, tout cela ce sont des projections, ce sont des navires que vous allez j’espère récupérer avec beaucoup de marins français, avez-vous  déjà fait des projections du nombre de marins dont vous allez avoir besoin à terme ?

Stéphane GARZIANO : Alors non, on n’a pas de projection, pour l’instant on y travaille, c’est-à-dire qu’on commence à voir des projections relativement fiables du nombre de navires qui vont entrer en flotte, avoir connaissance d’un certain nombre de projets pour les deux années à venir, ce qui va nous permettre de faire quelques projections en termes de marins. On n’a pas pour l’instant fait l’évaluation de ce que va finalement générer comme activité le développement des grands champs éoliens, notamment le long des côtes françaises,  puisque aujourd’hui le potentiel en Europe, et ça les opérateurs européens l’ont bien compris, dans les années à venir ce sera le long des côtes françaises. Ces opérateurs sont TSM, Thomas Services Maritimes, qui commence à avoir des petits navires de servitude pour les éoliens,  Louis-Dreyfus Armateurs avec de très beaux navires de travaux éoliens et on a l’ENSM qui va doubler le nombre des élèves. Donc il y a quand même une volonté d’accompagner le développement de cette flotte, l’objectif étant évidemment pour que au moment où ces marins et ces officiers sortiront de leur cursus ENSM et commenceront à naviguer, le format de la flotte soit élargi pour qu’ils puissent bénéficier de des conditions favorables que leur propose le pavillon français, qui ne les empêchera pas, s’ils en ont envie, d’aller naviguer sous pavillon étranger. L’objectif, pour nous, c’est dans les années à venir de capter un maximum de navires au RIF pour offrir à ces effectifs doublés un marché de l’emploi étendu et ne pas se retrouver dans une situation où on aurait doublé les effectifs et on serait avec une flotte qui serait toujours restée au même point.

Les marins français ont de très gros atouts à faire valoir, ils ont une très belle formation de qualité, la polyvalence, qui a un moment a pu être vue comme une difficulté de gestion par certains armements, pas trop les armements français. Voilà en fait est un très gros avantage puisque cette formation permet une compréhension de ce qui se passe à bord, pour un commandant de comprendre parfaitement ce qui se passe à la machine, un chef de comprendre parfaitement les contraintes du commandant ou du second capitaine, au regard de la cargaison par exemple ; donc les marins, c’est une souplesse de positionnement, ce ne sont pas que des contraintes ! La polyvalence, certains armements l’ont bien comprise et on voit régulièrement sur  les fiches d’effectif, des navires avoir des officiers polyvalents pour pouvoir répondre à des demandes des deux services suivant les besoins lors de l’embarquement.

 

Aymeric AVISSE : Merci beaucoup Stéphane GARZIANO, on va vous souhaiter le meilleur pour la suite, Jeune Marine a déjà publié un dossier complet sur le pavillon français et ses registres, donc je vous incite évidemment à y faire un petit tour : notamment on a un beau tableau qui compare Wallis et le Rif, pour ceux qui seraient intéressés par la croisière et merci beaucoup de nous avoir reçus, on va se revoir très bientôt sur les évènements nationaux !

Stéphane GARZIANO : Merci de votre venue et puis à très bientôt, on sera effectivement à la London International Shipping Week au mois de septembre, au Yachting Festival à Cannes,  où nous nous sommes rencontrés l’année dernière, et nous serons de nouveau à Fort-Lauderdale, sur le pavillon France.

Aymeric AVISSE : A bientôt ! Au revoir !

 

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