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Interview « Points de vue » : Didier LE GAC et Jean-Claude CHARLO

Le dumping social sur les transbordeurs à passagers

Le dumping social a clairement marqué les esprits en 2022, notamment à cause de P&O qui a congédié 800 marins sur un coup de fil. Ce signal a retenti comme la goutte d’eau qui menaçait tout le modèle des pavillons nationaux sur les navires transbordeurs à passagers.

Fort de ce constat, trois armements français (Brittany Ferries, Corsica Linea et DFDS) se sont liés pour mettre un terme à ces pratiques en France. Nous vous faisions part de leur alerte dans notre vidéo du mois d’octobre avec la rencontre paritaire d’Hervé BERVILLE chez Armateurs de France, nous revoici quelques mois après en compagnie de Didier LE GAC, Député Renaissance du Finistère et de Jean-Claude CHARLO, Directeur Général de DFDS,qui nous donnent leurs points de vue et surtout nous expliquent les raisons, le contenu et les perspectives  de la proposition de loi « Le Gac » votée à l’unanimité tout récemment.

 

Pour les plus pressés, nous vous avons extrait et retranscrit  les meilleurs moments :

Jean-Claude CHARLO : « Nous sommes convaincus du bien-fondé du pavillon français et de ce qu’il apporte en gages de qualité et de sécurité. »

Jean-Claude CHARLO : « Cela fait 10 ans que je suis responsabilités comme Directeur Général chez DFDS, dès mes premières heures nous avons « challengé » le pavillon français : l’image du Français, au-delà du maritime, c’est qu’on très fort en football et en grèves ! Il y avait une très forte interrogation à l’époque où DFDS s’est intéressé à la ligne Calais/Douvres, comme n’importe quelle compagnie qui arriverait sur un marché et qui découvrirait le pavillon français. Dix ans après il n’y a que des félicitations sur la qualité du pavillon français, sur le professionnalisme de nos marins et leur autonomie : voilà le résultat ! Le pavillon français, en tous cas pour mes actionnaires et ma Direction, est un gage de qualité. »

Aymeric AVISSE : Vous avez en plus une double casquette avec l’exploitation de navires sur Dunkerque sous pavillon britannique, donc vous avez un réel point de comparaison de qualité de service ?

Jean-Claude CHARLO : « Tout à fait, nous sommes en pleine capacité de comparer les deux. Une des démarches du Fontenoy du Maritime était de revitaliser la compétitivité du pavillon français : le rapport qualité/prix que vous mettez sur le pavillon français doit être compétitif. L’écart qui existait avec le pavillon britannique était tel que ça devenait complexe, ce qui a été rectifié avec le remboursement des charges sociales salariales et, aujourd’hui, on peut dire qu’à 5% près les pavillons britanniques et français sont à peu près identiques, ce qui était déjà à l’époque une grande avancée. Nous sommes convaincus du bien-fondé du pavillon français et de ce qu’il apporter en gages de qualité et de sécurité  »

 

Didier LE GAC : « il faut que les marins qui naviguent sur le transmanche et les navires à passagers aient un salaire minimum » et « il doit y avoir un temps de repos minimum ».

Didier LE GAC : Alors deux choses, c’est bien une proposition de de loi et non un projet de loi, elle émane du Parlement, ce qui explique pourquoi elle a été rapide : le Gouvernement a la possibilité de faire lui aussi des projets de loi à son initiative, mais une proposition de loi permet plus de souplesse. Même s’il y avait émanation et volonté du Parlement, des députés, le Gouvernement et Hervé BERVILLE ont très vite compris qu’il fallait pouvoir la proposer au vote du Parlement : Gouvernement et député, nous avons trouvé une fenêtre, une niche parlementaire dans notre jargon, dans laquelle il fallait également convaincre mon groupe d’aller vite. Cette proposition de loi est très simple, ces propositions de loi sont généralement courtes, plus courtes que les projets de lois, elle a deux articles principaux, « il faut que les marins qui naviguent sur le transmanche et les navires à passagers aient un salaire minimum » quel que soit le pavillon, quelle que soit la nationalité du navire, il faut que les marins qui sont à bord puissent bénéficier d’un salaire minimum ; (…) très vite un second point est venu compléter le premier, car on s’est rendu compte que le dumping s’exerçait également par le temps embarqué et le non-respect du temps de travail, donc on a rajouté un deuxième article, une seconde disposition très forte à savoir qu’« il doit y avoir un temps de repos minimum »  avec une parité entre le temps de travail et le temps de repos.

Aymeric AVISSE : Quel que soit le pavillon ?

Didier LE GAC : A partir du moment où le bateau touche les côtes françaises et qu’il exerce une activité de transport de passagers sur le transmanche entre la Grande-Bretagne et la France, il devra respecter ces dispositions.

Aymeric AVISSE : Et s’il ne les respecte pas ?

Didier LE GAC : Comme dans toutes les lois il y a un volet coercitif qui est prévu, que l’on va beaucoup discuter d’abord en commissions puis dans l’hémicycle, sur le montant de ces sanctions; ce sont des amendes que nous avons même complétées par un amendement en séance qui dit que le navire peut être immobilisé, à l’instar de ce que dit la loi anglaise, puisque vous le savez, mais je le rappelle, car c’est extrêmement important : en même temps que nous votions la loi, les Britanniques ont voté une loi quasiment identique qui, elle aussi, prévoit l’immobilisation du navire en cas de non respect de ces dispositifs.

 

Jean-Clauce CHARLO : « on peut faire une belle loi avec beaucoup d’amendes  mais il faut également une task-force pour aller contrôler ».

Jean-Claude CHARLO : Tout d’abord il faut saluer ce vote transpartisan et unanime (NDLR 153 voix à 0) qui donne un poids, et pourquoi ce score, car ce n’est que du bon sens. Sans cette loi, le bastion du ferry pavillon français serait tombé. Avec Jean-Marc ROUE de Brittany Ferries et DFDS, nous représentons près des 2/3 des emplois de marins français au premier registre : imaginez si nos deux compagnies coulent ou changent de pavillon,, nous sommes en train de parler d’une question de souveraineté. Tout cela fait sens et il faut le souligner. Sur l’application de la loi on a également énormément débattu et insisté sur le fait de ne pas s’arrêter uniquement sur le volet coercitif sans le mode d’emploi : on peut faire une belle loi avec beaucoup d’amendes  mais il faut également une task-force pour aller contrôler, pour pouvoir être en capacité de comprendre également fonctionne un armement, pouvoir regarder les rythmes de travail etc… Il y a un minimum de préparation à avoir et nous avons justement reçu des confirmations d’engagement, notamment de la part d’Hervé BERVILLE pour déployer une force importante qui permettra d’aller faire les vérifications nécessaires quant à l’application de la loi.

Didier LE GAC : « on a beaucoup insisté dans la loi avec un troisième article qui demande au Gouvernement un rapport sur les contrôles de l’Etat »

Didier LE GAC : Comme toutes les lois, elle doit maintenant suivre sa vie au Sénat, les contacts que nous avons pris les uns et les autres (justement parce qu’il y a eu un vote unanime à l’Assemblée Nationale) nous confirment une volonté forte de la faire voter rapidement, le Sénat devrait l’examiner avant l’été, et, comme pour la loi britannique, elle devrait être opérationnelle d’ici la fin de l’année.

Aymeric AVISSE : Donc elle passe au Sénat avant l’été, elle retourne au Parlement très rapidement et ensuite les décrets d’application.

Didier LE GAC : Les décrets après l’été et une application avant la fin de l’année.

Aymeric AVISSE : Avec des équipes pour vérifier que tout se passe bien ?

Didier LE GAC : On a beaucoup insisté dans la loi avec un troisième article qui demande au Gouvernement un rapport sur les contrôles de l’Etat ; on a auditionné, dans le cadre de la préparation de la loi, un certain nombre de services de l’Etat, qui nous ont confié que parfois il se pouvait qu’ils ne soient pas assez nombreux pour ces contrôles, donc nous souhaitons également vérifier ce point-là pour que la task-force soit opérationnelle.

Aymerc AVISSE : Donc une réelle volonté de la voir passer, de la voir aboutir et de la faire appliquer, donc plutôt une belle réussite ?

Didier LE GAC : Le Ministre (NDLR, Hervé BERVILLE) a annoncé en séance la semaine dernière, la signature très rapide d’un décret pour réaffirmer qu’il ne voulait pas ouvrir le Registre International Français (RIF) sur les liaisons de transport à passagers entre la Grande-Bretagne et la France, donc cela aussi c’est de nature à rassurer.

 

Jean-Claude CHARLO : Si j’ai un message à envoyer aux officiers c’est « ayez confiance »

Jean-Claude CHARLO : Si j’ai un message à envoyer aux officiers, c’est « ayez confiance » : à chaque fois qu’on est chahuté, finalement on arrive à une véritable avancée pour le pavillon français. La compétitivité du pavillon français s’est énormément améliorée, au moins ces dix dernières années, ce qui est porteur de plein de choses en termes de transition écologique avec des créations d’emploi incroyables, et je pense que le COVID a mis en exergue la nécessité pour la France d’avoir une Marine Marchande à la hauteur de ses ambitions, et je remercie le monde politique de l’avoir compris, et quand j’entends parler de flotte stratégique, d’officiers stratégiques, tout cela va dans le bon sens et j’espère sincèrement qu’il y aura énormément d’officiers français qui sortiront de plus en plus nombreux et qu’ils garderont cette qualité au niveau de la formation et du savoir-faire à la française, qui est un gage de sécurité mais aussi au final d’aller chercher des marchés à l’international; c’est je pense notre rôle à nous Armateurs, de mettre le pavillon français premier registre et de chercher de nouveaux marchés.

Aymeric AVISSE : Merci Messieurs pour nous avoir accordé un peu de temps au sein des locaux d’Armateurs de France, tous nos voeux de succès pour la fin du cheminement et pour votre très belle compagnie basée à Dieppe opérant sur Calais et Dieppe. Au revoir !

 

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