Connaissez-vous vraiment les armements français ?InterviewJeune Marine N°271Vidéos à la Une

« Connaissez-vous vraiment les armements français ? »

Rencontre avec Jean MILLOT, Adjoint Capitaine d’armement chez Louis Dreyfus Armateurs

Les armements français sont toujours pleins de surprises. On pense tout savoir de nos armateurs historiques jusqu’à ce qu’ils changent totalement de modèle ! Pour nous expliquer les nouvelles orientations du premier employeur d’officiers français, Jeune Marine a rencontré Jean MILLOT, O1NM promotion 2002 du Havre.

ITW Jean MILLOT LDA © Jeune Marine DR
ITW Jean MILLOT LDA © Jeune Marine DR

Aymeric AVISSE : Bonjour Jean Millot, merci de nous recevoir aujourd’hui au siège de Louis Dreyfus Armateurs pour ce tout nouveau volet de notre série « Connaissez-vous vraiment les armements français ? ». Aussi allons-nous parler de ce très bel armement qui est un armement emblématique et charismatique et qui fait partie de l’histoire de la marine marchande française. LDA est donc un armement qu’on ne présente plus, et pourtant il a peut-être largement de quoi nous surprendre. Avant de commencer, nous souhaiterions en savoir un petit peu plus sur toi : peux-tu nous expliquer quel a été ton parcours, quelle(s) fonction(s) tu occupes à bord mais également au siège du groupe Louis Dreyfus Armateurs ?

Jean MILLOT : Je  suis donc un officier marine marchande, entré sur les bancs de l’ENMM du Havre en 2002. Pendant mon cursus scolaire j’ai effectué des embarquements dans des compagnies transportant des produits raffinés. En 2005 je suis sorti de l’école avec le diplôme d’Elève officier de la marine marchande (EOMM) et j’ai embarqué pour la première fois chez LDA. Je suis passé officier, j’ai été lieutenant sur des rouliers, vraquiers puis câbliers. En 2009 je suis retourné sur les bancs de l’école pour y obtenir le diplôme d’études supérieures de la marine marchande (DESMM). Retour chez LDA,  j’y ai continué mes embarquements en tant qu’officier. En 2012, je fus promu second capitaine et quelques années plus tard, en 2019, promu capitaine.

Aymeric AVISSE : Donc 2005-2006 lieutenant,  2012 second capitaine, 2019 commandant.

Jean MILLOT : Exactement, tout au  pont ! J’ai tout fait au pont : il y a cependant la particularité de l’officier câble qui est polyvalent puisqu’on touche à la maintenance des machines à câble et à l’opérationnel.

Aymeric AVISSE : Alors je disais que LDA pourrait très bien nous étonner : LDA a communiqué pendant des années sur le couteau suisse, sur l’armement multicartes qui exploitait des vraquiers, des rouliers, des navires scientifiques, des câbliers dépollueurs : qu’en est-il aujourd’hui et que reste-il de l’armement historique ?

Jean MILLOT : LDA a été créée à la fin des années 1800 et a obtenu son premier navire dans les années 1903. Depuis, en effet, il y a eu pas mal de diversifications puisqu’il y a notamment eu un transport de méthane. Mais l’armement s’est vraiment construit sur le transport de vrac. Sur l’ensemble des années il y a eu une évolution : avec Gaz de France on a eu le méthanier Edouard LD, nous avons eu aussi à gérer des navires sismiques avec la compagnie CGG ;  dans les années 2000 puis c’est l’arrivée d’ASN (Alcatel Submarine Networks) avec la construction des câbliers ;  peu de temps après, année 2002 de mémoire, c’est l’arrivée du contrat avec Airbus, donc la construction du roulier Ville de Bordeaux, qui a commencé dans les années 2004 de mémoire, et les deux petits, le Ciudad de Cadiz et le City of Hamburg qui sont arrivés dans les années 2008-2009. Suite à cela, 2017 est une année importante parce qu’on a eu plusieurs événements majeurs avec et l’entrée de LDA dans le milieu du support éolien et l’arrivée d’un nouveau partenaire, Orsted. Nous avons aussi l’arrivée d’un nouvel acteur dans le domaine du câble qui est OMS. OMS Group étant un propriétaire de navires, il a racheté l’Ile de Ré à Alcatel, Alcatel qui s’est petit à petit transformé en ASN après avoir été racheté par Lucent pour devenir Alcatel-Lucent. OMS est un armateur malaisien qui faisait des opérations dans tout ce qui était atterrage des câbles et en 2017 ils ont racheté l’Ile de Ré à ASN et ils se sont mis en partenariat au niveau opérationnel ; du coup OMS a demandé à LDA de gérer la technique et le crew de ces navires, l’Ile de Ré dans un premier temps et ensuite ils ont acheté d’autres navires le Peter Faber, le Teneo et il y a le Cable Vigilance qui est arrivé dernièrement.

Aymeric AVISSE : Donc aujourd’hui on a du roulier et du câblier-dépollueur ?

Jean : Non, la partie dépollueur est terminée, juste du câblier et maintenant du soutien offshore avec les Wind of Hope  et Wind of Change, et le petit dernier, le Marion Dufresne qui est le navire scientifique qui ravitaille les TAAF. L’an dernier Louis Dreyfus Armateurs a vendu toute sa partie vrac parce qu’il souhaite vraiment se concentrer sur les navires à haute technologie, à haute valeur ajoutée, donc fini le vrac.

EDOUARD LD © Jeune Marine DR

Aymeric AVISSE : Très bien, donc là c’est un petit peu l’aspect entrepreneurial de LDA, mais ce couteau suisse des navires implique aussi un aspect couteau suisse des équipages parce qu’il n’est peut-être pas forcément facile de passer d’un roulier à un navire support éolien. Alors pour cela LDA a misé sur le pavillon français et des officiers français : quels sont vos effectifs et comment évoluent les officiers au sein de l’armement ?

Jean MILLOT : Donc, comme je disais, LD Armateurs gère des navires dont la majeure partie est sous pavillon français RIF, donc second registre. Jusqu’à l’an dernier, il y avait le Ville de Bordeaux qui était premier registre, il est passé l’an dernier au second registre, donc registre international français ; par contre on a gardé le personnel d’exécution français, donc il est RIF mais avec 100 % de l’équipage français. Ensuite nous avons chez OMS deux navires sous pavillon indonésien, pavillon étranger mais que nous gérons comme un pavillon RIF, avec des Français à bord. La seule particularité, c’est qu’au lieu d’avoir des Philippins, nous avons des Indonésiens dans tout ce qui est rating. Quand les officiers arrivent sur ces navires, ils n’ont pas obligation d’avoir une formation préalable ; la formation se fait principalement, comme au gaz par exemple ou au pétrole, en interne, avec une doublure à bord avec les « sachants ». LDA compte aujourd’hui à peu près 500 officiers français et nous avons également donc 22 personnels d’exécution.

Aymeric AVISSE : Vous avez 500 officiers français !!!???

Jean MILLOT : Oui, nous gérons 500 officiers français et 19 navires, 12 câbliers, 3 rouliers, 3 supports éoliens, le Marion Dufresne : c’est énorme !

Ville de Bordeaux © Jeune Marine DR

Aymeric AVISSE : Les évolutions se font automatiquement dans l’activité choisie ? Imaginons que demain j’embarque avec toi sur le Ville de Bordeaux : je serai catalogué roulier ou pourrai-je migrer vers les câbliers ou navires d’assistance ?

Jean MILLOT : On peut très bien changer de type de navire comme de  fonction : on peut très bien être lieutenant puis passer officier câble ou officier mécanicien, on est polyvalent ! La seule chose, c’est que, suivant les plannings des navires, la demande n’est pas forcément instantanée ; mais nous, de notre côté, côté service équipage, on va faire notre possible pour répondre aux attentes du marin et lui permettre d’acquérir le maximum de connaissances sur différents types de navires, surtout pour les fonctions de lieutenant et mécanicien. Après, les promotions ne se feront que si la personne a l’expertise du type de navire.

Aymeric AVISSE : C’est-à-dire qu’on ne peut pas être lieutenant sur le Ville de Bordeaux et aller faire second capitaine sur l’Ile de Ré ?

Jean MILLOT : Non, ça on ne le fait pas, par mais par contre il va peut-être faire second capitaine sur le Ville de Bordeaux. Après, il pourra très bien faire lieutenant sur le Ville de Bordeaux et passer lieutenant sur un câblier et apprendre les spécificités du câble dont la DP, et caetera ;  ensuite il passera officier câble pour apprendre le côté maintenance et opérationnel du monde du câble et, à partir de là, il pourra être promu second capitaine sur un câblier.

Aymeric AVISSE : Alors tu as déjà un peu répondu à la question que je t’ai posée : c’était surtout l’aspect des formations qu’il va falloir avoir pour naviguer chez vous. Donc tu m’as dit que il n’y en avait pas mais les navires que vous opérez sont de plus en plus technologiques, notamment les tout derniers Wind of Hope et Wind of Change, avec la passerelle qui est sur vérins : est-ce que vous vous avez besoin d’une formation spécifique ou est-ce que, même pour ces navires-là qui sont technologiquement beaucoup plus évolués qu’un simple roulier ou qu’un vraquier, vous avez toujours la possibilité de le faire à bord ?

Jean MILLOT : Les supports éoliens répondent à peu près à la même question. On peut embarquer sur un sov sans formation particulière, la seule chose c’est une demande du client pour avoir un e-learning, pour avoir les bases QHSE. Mais après, tout ce qui est technique et cætera sera appris à bord. Pour les lieutenants, il y a une obligation par contre d’être DPO (Dynamic Positioning Operator) certifié pour pouvoir embarquer sur les navires pourvus de cette technologie du positionnement dynamique. Cette formation-là, on ne l’effectue pas à bord, nos officiers sont envoyés en stage de formation certifiée.

© Jeune Marine DR

Aymeric AVISSE : C’est le seul certificat dont on a vraiment besoin si on veut pouvoir commander ou être second capitaine  sur les navires éoliens ?

Jean MILLOT : Ce n’est pas le seul certificat, on va dire que c’est un certificat obligatoire pour embarquer sur les supports éoliens, un certificat recommandé pour embarquer sur les câbliers.  Après il y en a d’autres. Nous avons aussi des formations facultatives que nous proposons à nos officiers : par exemple, pour les fonctions supérieures,  on est en train de mettre en place  une formation de propulsion azimutale. Pour tout ce qui est partie subsea,  donc aux personnes qui vont faire la maintenance ou le pilotage des Rovs et des charrues, nous proposons des stages hydrauliques pour pouvoir améliorer leurs compétences dans ces domaines-là. Bien sûr, ensuite, on propose les stages classiques comme les stages STCW, pris en charge par l’armateur.

Aymeric AVISSE : D’accord, alors quand on parle éolien, câblier, roulier, ce sont des activités : par exemple, l’éolien c’est en permanence, le câblier c’est plutôt intermittent, le roulier avec Airbus je ne sais pas comment ça se passe exactement, mais ces trois activités-là ne sont pas similaires et imposent des rythmes de travail à bord différents et peut-être des rythmes d’embarquement différents. Comment cela se passe au sein de LDA, quels sont vos rythmes de travail et comment peut-on jongler en fait entre ces navires ?

Jean MILLOT : Chez LDA, nous faisons des contrats de 9 semaines, deux gros mois, c’est plus ou moins 2, on va dire, suivant les escales. Nous avons les rouliers, les sov et le Marion Dufresne qui ont un planning fixe à l’année : on connaît les dates d’embarquement et les dates de débarquement. Par contre, pour les câbliers, tout dépend de l’opérationnel donc là on est à peu près à 2 mois.

Aymeric AVISSE : En fait, c’est à la mission.

Jean MILLOT : C’est cela, c’est à la mission. Il y a la pose de câble, donc un câble neuf, et ensuite il y a la  réparation de câble avec des navires en standby dans certains ports, qui sont appelés si besoin pour réparer un câble ; ce qui permet d’avoir des très belles escales, puisque nous avons un navire de repair basé à Curaçao et un autre aux Fidji, donc dans des lieux très sympathiques.

Aymeric AVISSE : Pour combien de temps d’opération par rapport au temps embarqué ?

Jean : Cela dépend : sur les navires de pause, les temps de chargement sont à peu près d’un mois ; sur les navires de réparation, on peut très bien être en standby quelques jours, voire un mois, et ensuite on peut partir en mer plusieurs semaines ou quasiment 2 mois s’il y a des repairs qui s’enchaînent.

Ciudad de Cadiz © Jeune Marine DR

Aymeric AVISSE : Et alors, si on veut te rejoindre, comment fait-on ?

Jean MILLOT : Vous pouvez nous contacter sur le site LDA. fr , sur Linkedin ou directement par mail  ldparcrew@lda.fr. Les profils que nous recherchons vont de l’élève que nous embarquons tout au long de son cursus scolaire (dès la première année nous avons des élèves) au lieutenant, officier mécanicien. Nous privilégions la la promotion interne, mais avec l’augmentation de la flotte  nous avons aussi parfois des besoins en officiers supérieurs, seconds capitaines, seconds mécaniciens, chefs mécaniciens.

Aymeric AVISSE : Commandants ?

Jean MILLOT : Pour les commandants, on va vraiment privilégier les seconds capitaines en promotion interne, parce qu’il y a un réel besoin de connaissance opérationnelle, et cette partie-là s’acquiert en tant que second capitaine.

Aymeric AVISSE : Et si on est embauché comme chef mécanicien, étant polyvalent, peut-on accéder à la fonction de commandant ?

Jean MILLOT : Oui, cela s’est vu il y a quelques années : on a eu des chefs mécaniciens qui ont souhaité retourner au pont, donc ils ont refait un embarquement de second capitaine, histoire de se remettre dans le bain du pont, et ensuite ils ont été promus capitaine.

Aymeric AVISSE : Et si depuis la machine ou depuis le pont on veut faire une petite pause dans la navigation et vous rejoindre dans les bureaux, est-ce que c’est possible également ?

Jean MILLOT : Vous en avez un exemple flagrant qui devant vous : je suis détaché à terre pour un an.

Aymeric AVISSE : Juste un an ?

Jean MILLOT : Oui, il y a des postes qui sont à durée on va dire limitée, cela permet un partage des connaissances entre les marins et les terriens et un roulement aussi. On a aussi d’autres postes plus pérennes, pour les marins qui ont décidé d’arrêter de naviguer pour raisons personnelles ou autres, et donc du coup ils se sont reconvertis à terre : on en trouve au service équipage, au service technique, au service qualité et sur des postes temporaires aussi, chez nos clients, ASN notamment. Le profil pont peut être plus recherché pour la partie gestion des équipages.

Aymeric AVISSE : Et QHSE ?

Jean MILLOT : Oui.

Aymeric AVISSE : Pour la partie machine, on peut venir rejoindre au technique par exemple ?

Jean MILLOT : Oui tout à fait, on a des chefs qui sont parfois demandés à terre pour suivre un projet spécifique, ou comme ingénieur d’armement, ou comme superintendant.

Aymeric AVISSE : En fait, chez LDA,  on peut  réaliser une carrière complète, d’élève jusqu’à Directeur de la flotte ?!

Jean MILLOT : Tout à fait, on essaie au maximum de répondre aux attentes de nos marins.

Aymeric AVISSE : Très bien, merci, on va passer l’information à nos lecteurs et leur donner envie de  rejoindre Jean et les 500 autres officiers embarqués chez LDA, merci de nous avoir reçus.

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ITW Jean MILLOT LDA © Jeune Marine DR
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