InterviewJeune Marine N°271

Entretien avec Alex Caizergues, CEO de SYROCO

Lorsque l’on parle décarbonation du maritime et transition énergétique, il revient très souvent des solutions véliques… Kite, voiles gonflables, voiles à matures fixes ou repliables, bref autant de solutions qui ne cessent de faire fonctionner les méninges de nos meilleurs entrepreneurs mais aussi des sportifs ! Cette semaine nous avons rencontré pour vous Alex CAIZERGUES, champion du monde de kitesuf et fonfateur de SYROCO.

 

Jeune Marine : Bonjour Alex CAIZERGUES, merci de nous recevoir pour parler voile dans la marine marchande. En effet, tu es le CEO de SYROCO, un fournisseur de solutions pour la décarbonation du transport maritime. Avant de rentrer dans le détail de ce système, peux-tu nous expliquer ton parcours et comment tu es arrivé à créer SYROCO ?

Alex Caizergues : Lorsque j’étais enfant, mes parents se sont installés à Port-Saint-Louis-du-Rhône, aux portes de la Camargue, le royaume du mistral ! J’ai donc découvert dès ma jeunesse les sports de glisse qui sont devenus une vraie passion pour moi, jusqu’à en faire mon métier. Pendant 15 ans, j’ai parcouru les mers du globe, établissant des records de vitesse sur l’eau en kitesurf. A mon palmarès, 4 titres de champion du monde de vitesse, 2 records absolus de vitesse à la voile, j’ai aussi été le premier à dépasser les 100 km/h sur l’eau propulsé par le vent.

© Greg Beneteau

Même si ces exploits et ces records m’ont comblé, j’ai voulu donner du sens à mon activité professionnelle et avoir un impact positif sur ces océans qui m’ont tant apporté. C’est donc tout naturellement que je me suis orienté vers la transition énergétique du maritime et que, avec mes associés, nous avons fondé Syroco en 2019. Syroco, c’est une startup Climate Tech qui aide les transporteurs maritimes à réduire leur consommation de fuel et leurs émissions de gaz à effet de serre.

 

Jeune Marine : Nous nous sommes intéressés à ton travail car SYROCO a été annoncé récemment comme aidant Ponant pour son futur navire zéro émission. Peux-tu nous expliquer en quoi consiste votre solution et quelle sont sa différence et sa valeur ajoutée pour les navires de Ponant ?

Alex Caizergues : Au cœur de la solution de Syroco, on trouve un jumeau numérique du navire : un “double” virtuel qui reproduit précisément le comportement de ce bateau en fonction des conditions dans lesquelles il évolue. Ce jumeau numérique peut être créé pour un navire existant (situation la plus fréquente) mais aussi pour un navire en cours de conception, ce qui est le cas du projet Swap2Zero de Ponant. Le jumeau va ensuite naviguer virtuellement, par simulation logicielle, dans une combinaison quasi-illimitée de conditions de mer, de vent, de courants, pour calculer avec précision le besoin en énergie du bateau et sa consommation de carburant et ses émissions. Il permet donc de trouver les meilleures routes, et les meilleurs réglages du bateau, pour n’importe quelle traversée.

La précision du jumeau numérique de Syroco est inégalée sur le marché, de même que la pertinence des modèles météo utilisés. Pour Ponant, cela permet de définir la meilleure configuration technique possible, et de modéliser le comportement du futur navire et son efficacité énergétique dans ses différentes configurations, selon les routes empruntées et les conditions météo rencontrées.

© Siroco

Jeune Marine : Vous avez déjà testé votre solution logicielle sur des navires marchands, chez MARFRET, qui utilisent les systèmes Econowind : quelle économie avez-vous pu constater et quelle économie pensez-vous obtenir sur des navires plus récents et techniquement plus sobres que construit PONANT ?

Alex Caizergues : Contrairement au projet Swap2Zero de Ponant, les navires de Marfret naviguent déjà. L’exemple du Niolon est un très beau cas d’école. Pour tirer pleinement parti de la performance du système Econowind, disposer d’un jumeau numérique précis du navire est indispensable. C’est là que Syroco apporte toute sa valeur. En combinant un routage météo de haute précision, une utilisation maximisée des ailes Econowind, et des optimisations de voyage en temps réel, nous avons pu mesurer des gains moyens de 13,7% sur une rotation complète du navire. Cela correspond à plus de 1500 tonnes de CO2 économisées par an. L’impact est considérable !

Aujourd’hui, nos clients atteignent a minima 10% de réduction de consommation avec notre solution. Ce gain peut être bien supérieur, comme on vient de le voir, et même atteindre 50% ou plus sur des navires spécialement conçus.

 

Jeune Marine : Peux-tu nous détailler ce que le système informatique apporte au marin ? Quelles données sont intégrées et quelles données sont proposées en solution ?

Alex Caizergues : Nous avons pensé notre logiciel d’abord pour le marin, qui l’utilise en permanence à bord de son navire, dans des conditions de mer qui ne sont pas toujours idéales. L’interface est donc focalisée sur l’adoption, le suivi des recommandations, et la mesure de la pertinence de ces recommandations pour les améliorer avec le temps. Bien entendu, l’intelligence artificielle est au cœur de la plateforme.

© Syroco

Syroco permet au marin de calculer les meilleures routes en fonction des contraintes (heure d’arrivée, tenue à la mer, consommation, vitesse, etc.) et de disposer en permanence de conseils d’optimisation du voyage. Pour ce faire, Syroco intègre les données de capteurs collectées à bord, les données de position et de vitesse du navire, et les données metocéaniques de notre partenaire Spire. La puissance de calcul dans le cloud assure de disposer toujours du meilleur choix de route possible, et de mettre à jour cette route dès que les conditions évoluent.

© Syroco

 

Jeune Marine : Donc nous sommes bien d’accord le logiciel ne vient pas prendre de décision mais vient conseiller sur les meilleures options qui se présentent à l’officier pour optimiser son parcours ?

Alex Caizergues : Bien entendu ! Le capitaine reste le seul maître à bord. Syroco présente à l’officier navigant des solutions de route optimisées, et lui donne les outils pour comprendre ces solutions (carte météo évolutive selon la position du navire et l’heure de passage, cartes marines, alertes à la navigation, etc.). Il revient toujours à l’équipage de prendre les décisions et de manœuvrer le navire. Et si pour une raison ou une autre, il dévie de la trajectoire conseillée, le logiciel va recalculer immédiatement une nouvelle route à partir de la nouvelle position. Rien n’est jamais figé.

 

Jeune Marine : Les ambitions de réduction des émissions de CO2 à l’horizon 2030 et 2050 sont importantes, les solutions matérielles et logicielles permettent-elles vraiment d’y parvenir ou est-ce uniquement une transition ?

Alex Caizergues : Pour atteindre ces objectifs ambitieux, le secteur va devoir jouer sur plusieurs tableaux. Le déploiement de solutions digitales d’optimisation comme celle de Syroco est une première étape. L’utilisation de la propulsion par le vent en est une autre. Les carburants bas carbone ou zéro carbone joueront aussi un rôle. C’est en alliant tous ces progrès technologiques que nous arriverons aux objectifs pour notre industrie.

© Syroco


 

CORSICA linea recrute... DES OFFICIERS PONT & MACHINE CORSICA linea recrute... DES OFFICIERS PONT & MACHINE

Nos abonnés lisent aussi...

Bouton retour en haut de la page