À la uneJeune Marine N°260Reportage

Tempête Arwen : Mise en sécurité du TBC Progress au port du Havre

Par Jean-Vincent Dujoncquoy

La tempête Arwen, en balayant la Manche le week-end du 27/11, a déclenché deux opérations de sauvetage : l’une dans le détroit du Pas-de-Calais pour assister le porte-conteneurs Maersk Bulan, en panne de propulsion au large du cap Griz-Nez.

L’autre a concerné, au large du cap de La Hague, le TBC Progress, d’une capacité de 32.300 tpl, également victime d’une perte de propulsion dans la nuit du 27 au 28 novembre dans le rail descendant du DSP des Casquets. Le hasard d’un tour de service au pilotage du Havre m’a amené à participer directement à la mise en sécurité de ce vraquier dans le port du Havre.

TBC Progress au large du Cap de La Hague © Marine Nationale

Chargé de 8500 t de malt, le vraquier TBC Progress  (177 mx 27×7.9m de TE ) faisait route de Rouen vers Las Palmas quand il a subi une avarie sur son moteur principal (fissure d’une chemise avec fuite d’eau dans le cylindre). Les vents de 40 à 50 nœuds l’ont très vite poussé à la dérive vers le cap de la Hague.

Le CROSS Jobourg est contacté par l’équipage du navire. Le RIAS Abeille Liberté et l’hélicoptère Caiman Marine sont mis en alerte par le Cross. Au lever du jour, la situation à bord n’est toujours pas maîtrisée, le navire s’approchant des rochers du cap de la Hague. Le préfet maritime décide de mettre l’armateur en demeure de faire cesser le danger que représente son navire pour la côte. Malgré les tergiversations du commandant du vraquier, une équipe de remorquage est treuillée préventivement à bord du navire. Les mécaniciens du TBC Progress ayant réparé la chemise, le Commandant tente alors de reprendre une route au large pour s’éloigner des dangers, mais une nouvelle avarie sur un second cylindre stoppe à nouveau le moteur principal.

Le préfet maritime décide d’agir d’office et ordonne le remorquage du navire par l’Abeille Liberté. Une équipe d’évaluation et d’intervention (EEI) est immédiatement treuillée à bord. Vers 10h00, la remorque est passée dans des conditions difficiles (creux de 6 mètres et vents de plus de 50 nœuds sur zone), à seulement 3 milles de la côte. Les premières heures du remorquage ont été critiques, avec le risque de rupture de la remorque. Le convoi tentant de s’écarter le plus possible de la côte, jusqu’à être clair de la pointe de Barfleur avant de prendre la route vers le port du Havre.

Arrivé sur rade du Havre dans la matinée du 28 novembre, le convoi a été pris en charge au début de l’après-midi par 2 pilotes de la station de pilotage, assisté de 3 remorqueurs Boluda.

Convoi à l’approche du chenal du Havre © S. Delaune, Pilotage Le Havre

 » Prévenus vers 11h du matin, nous avons rallié l’aéroport d’Octeville avec mon collègue pour embarquer à bord de l’hélicoptère Caiman Marine. Après avoir revêtu les combinaisons de survie de la Marine Nationale et un rapide briefing des procédures de treuillage, nous avons décollé vers 13h pour une mise à bord à proximité de la bouée LHA. Déposés à la suite du plongeur, nous enlevons la combinaison et le casque sur le panneau de cale, pendant que le Caïman récupère les trois membres de l’équipe d’évaluation et d’intervention avec leur matériel. 

Embarquement des pilotes à bord NH 90 Caïman de la Marine Nationale © P. Cour, Pilotage Le Havre
Treuillage pilotes par Caïman de la Marine Nationale © JVD jeunemarine.fr
Vue avant TBC Progress ©JVD jeunemarine.fr
 
Vue avant TBC Progress ©JVD jeunemarine.fr
Treuillage pilote © X. Brandel Pilotage Le Havre

A la passerelle nous rencontrons le second mécanicien et le second capitaine de l’Abeille Liberté qui, depuis le début de l’opération, assurent la sécurité du convoi à bord du TBC Progress  et les communications avec le CROSS Jobourg, l’Abeille Liberté, etc. et l’équipage du navire. Visiblement bien fatigués, ils semblent soulagés de nous voir prendre en charge la fin de l’opération.

Croisement dans le chenal © JVD jeunemarine.fr

Le Commandant, complètement accaparé par ses échanges de mails avec sa compagnie, les autorités, le pavillon, les assureurs, etc., ne prête à peine attention à notre présence. Après échange avec le Commandant de l’Abeille Liberté pour s’accorder sur le plan de transit, le convoi reprend sa route à 7 nœuds au sud du chenal avant d’engainer à environ 3,5 milles des digues du port du Havre. Visuellement, notre position d’équilibre est parallèle à la route de l’Abeille Liberté, mais décalée de 300 mètres au nord. Pas pratique pour chenaler vers le port entre les bouées. En utilisant la barre du navire, nous le ramenons dans le sillage de l’Abeille Liberté, avec une route fond très aléatoire en fonction des embardées du vraquier. 

Le convoi dans le chenal© C. Bertolucci, Boluda

Pendant ce temps, l’équipage philippin établit des « va-et-vient » entre la plage arrière et la plage avant, afin de préparer l’amarrage du navire à l’avant, les treuils étant hors service. Ils utilisent également la grue avant pour disposer de l’ensemble des amarres prévues, sous la supervision du Commandant, omni présent sur le pont du navire. Équipage débrouillard et plein de bons sens marin.

Arrivée aux digues du Havre © JVD jeunemarine.fr
Utilisation de la grue avant © JVD jeunemarine.fr

Nous crochons à l’arrière le remorqueur VB 22 afin d’avoir une possibilité de freinage et de gouverne au passage des digues que nous franchissons vers 14h45.

Après avoir largué l’Abeille Liberté à proximité du quai d’Asie, assisté par les VB 22, VB 26 et VB 17, le vraquier est accosté à son poste. Opération d’amarrage laborieuse à l’avant en raison de l’absence de treuils. 

Nous laissons l’équipage et le navire vers 17h, aux bons soins d’un comité d’accueil de gendarmes maritimes venant compléter l’enquête nautique de cette opération d’assistance.

Bravo à tous les intervenants, et plus particulièrement aux personnels des Abeilles International, pour leurs compétences parfaitement complémentaires des nôtres. C’était une expérience pleine d’enseignements et heureusement inhabituelle pour nous pilotes.  » 

 

CORSICA linea recrute... DES OFFICIERS PONT & MACHINE CORSICA linea recrute... DES OFFICIERS PONT & MACHINE

Nos abonnés lisent aussi...

Bouton retour en haut de la page