InterviewJeune Marine N°255Nice

Interview de Nicolas PLUMION

Pour clôturer le dossier « spécial Nice » préparatoire aux Assises de la Mer (qui viennent d’être reportées à septembre 2021), nous avons rencontré Nicolas PLUMION nouveau Chef de la Station de Pilotage de Nice-Cannes-Villefranche succédant à André GAILLARD que nous avons rencontré en début de parution de ce même numéro.

Voir: Interview d’André Gaillard

Cette station fait preuve d’un extraordinaire dynamisme, animée par des acteurs successifs passionnés je vous laisse rencontrer Nicolas qui nous livre sa vision :

Jeune Marine : Bonjour Monsieur PLUMION, vous êtes actuellement pilote au sein de la station de Nice, pouvez-vous nous décrire votre parcours et nous expliquer vos fonctions actuelles ?

Nicolas PLUMION : J’ai été nommé pilote de la station de Marseille Fos en 2008 et je suis pilote de la station de Nice-Cannes-Villefranche depuis 2013. Après avoir été breveté C1NM, j’ai navigué principalement aux conteneurs chez CMA et sur les ferries opérant la liaison Corse-Continent.

En mars 2020, les pilotes m’ont désigné pour les deux prochaines années Chef de la Station de Nice-Cannes-Villefranche. Je succède à mon collègue André Gaillard qui avait accompli 5 ans dans cette fonction. Cette zone de pilotage a la particularité d’être très étendue puisqu’elle commence à Théoule-sur-mer et se prolonge jusqu’à Beaulieu en passant par les ports de Cannes et bien sur celui de Nice. Le trafic de cette zone est principalement lié au tourisme et au transport de passagers avec la particularité d’avoir Nice comme premier port cimentier de France. En temps normal notre activité se concentre sur les mouillages des paquebots et des méga-yachts sur les zones de Cannes, Golfe-Juan, Antibes, Saint-Laurent-du-Var, Villefranche et Beaulieu ; le reste de l’activité se déroule dans le port de Nice avec un trafic Commerce (Ferries, Cimentier, Barges, petite croisière) et yachting. Les nouveaux arrêtés posidonie pris par le préfet maritime nous montrent que l’environnement est au cœur des préoccupations et que la gestion des mouillages est devenue un sujet majeur.

Malheureusement, le contexte sanitaire depuis ce début d’année a fortement réduit l’activité des mouillages et principalement celle des paquebots, absents de nos zones. Notre baisse d’activité totale s’élève depuis le début d’année à près de 80%, ce qui entraîne pour la station une situation financière très dégradée. La station a accumulé un déficit important, ce dernier devra être comblé directement par les pilotes.

Malgré la mise en œuvre du dispositif d’activité partielle pour notre personnel et des mesures drastiques pour réduire au plus bas les coûts de fonctionnement , nous avons été obligés de céder en octobre dernier notre pilotine de servitude « Triton » à nos collègues de Port-la-Nouvelle. Les pilotes de la station de Nice-Cannes-Villefranche n’ont reçu aucune  rémunération cette année et, en raison du prolongement de cette crise sanitaire, je crains que la situation n’empire en 2021 si  des mesures de soutien pour la station ne sont pas trouvées d’ici la fin d’année. En effet, la station n’a bénéficié d’aucune aide particulière, elle se trouve la plus impactée parmi toutes les stations de pilotage de Métropole et d’Outre-mer et ne pourra pas continuer à fonctionner ainsi si la crise se prolonge

Jeune Marine : Pouvez-vous nous détailler l’activité du port de Nice et nous dire si elle a été impactée par la crise sanitaire ?

Nicolas PLUMION : Le port de Nice, en plein cœur de ville, connaît un trafic assez atypique avec majoritairement du passager en ferries ou navires de croisière mais également des caboteurs de ciment pour la Corse car, comme nous l’avons souligné, Nice est le premier port cimentier de France.

L’activité du port de Nice est partagée entre le transport de passagers, avec la présence de l’opérateur historique Corsica Ferries (CF) qui compte pour plus d’ 1/3 du trafic et les autres activés commerce qui regroupent les cimentiers, barges, cargos transporteurs de yachts et petite croisière, qui ont représenté cette année la moitié du trafic. Le reste concerne les yachts que nous pilotons dans ce port à partir de 50 m de long. 

Cette année la saison n’a pu commencer qu’à partir de la mi-juillet en raison des différents décrets et arrêtés empêchant une reprise du trafic passagers. La CF n’a repris son activité qu’à la mi-juillet ainsi que la petite croisière avec deux compagnies Ponant et CroisiEurope qui ont pu opérer dans le port jusqu’en octobre grâce à une jauge en passagers inférieure à 250, avec des taux de remplissage au départ de Nice parmi les meilleurs de France. Depuis, la deuxième vague a entraîné des annulations de rotations ferries et l’arrêt des croisières.

Le chantier de l’extension du port de Monaco touche à sa fin et entraîne depuis août une forte diminution du nombre de barges. Nous espérons que les matériaux pour les futurs chantiers de construction sur Monaco ou ailleurs pourront être acheminés par barges car il s’agit du moyen le mieux-disant pour limiter l’impact environnemental.

On peut constater une bonne tenue du trafic cimentier, notamment de la société Vicat qui renforce sa présence sur Nice avec la mise en service depuis le début d’année du Capo Cinto, cimentier desservant les ports de Corse et le port d’Impéria, ce qui évite dans ce cas le recours au tout camion, le transport maritime restant le moyen le moins polluant à la tonne transportée.

Enfin Nice, qui bénéficie d’une attractivité reconnue avec son port intra-muros, reste malgré la crise une destination privilégiée pour le yachting avec 20% du trafic du port, la Côte d’Azur étant la première destination mondiale pour cette activité.

Service d’un navire Corsica Ferries
Service d’un navire Corsica Ferries

Jeune Marine : Les navires à passagers ont été très critiqués par le passé, tant pour leurs émissions nocives que pour les bouchons routiers qu’ils génèrent : des solutions ont-elles été mises en œuvre ou sont-elles à l’étude pour faire baisser les émissions polluantes et fluidifier les accès ?

Nicolas PLUMION : Les navires à passagers et notamment la Corsica Ferries ont déjà fait de gros efforts pour diminuer leurs émissions de CO2. Ils sont en avance sur la réglementation pour satisfaire notamment aux demandes de la métropole NCA. Quant aux bouchons, ils ont été réduits cette année par la baisse de fréquentation mais également par le choix adapté des horaires d’escales.

Les branchements électriques des navires à quai prévus être installés par la métropole en 2021 vont fortement contribuer à une réduction des émissions et améliorer la qualité de l’air dans l’enceinte du port de Nice.

Jeune Marine : Nous avions présenté dans nos pages l’expérimentation du Shell GTL pour les pilotines (lire l’article) Avez-vous un bilan ? Comptez-vous généraliser son utilisation ?

Nicolas PLUMION : L’utilisation du GTL est un succès pour notre pilotine Nicea. Il y a certes un surcoût de quelques centimes par litre mais le résultat est plus que probant. Les émissions de Co2 ont été fortement réduites ainsi que les fumées noires.

Le reste de notre flotte ne peut pas fonctionner au GTL car les moteurs sont moins récents que ceux de la Nicea et ne sont pas, pour les constructeurs, compatibles avec l’utilisation du GTL.

Cependant, si nous retrouvons une capacité de réinvestir dans une future unité, alors ce carburant sera privilégié pour le choix des moteurs.

Film sur le GTL:

Jeune Marine : Cette année les Assises de la Mer se dérouleront à Nice, ce doit être une fierté de recevoir ces dernières chez vous : qu’attendez-vous de cet événement ? Le cabinet de la Ministre fait appel aux projets pour pérenniser le ministère et la politique de la mer : avez-vous des projets ou des souhaits à formuler pour l’avenir de votre port de commerce ?

Voir :  Le Cluster Maritime Français fait son assemblée générale

Nicolas PLUMION : J’ai évoqué les avantages  d’un port intra-muros comme celui de Nice, notamment pour la petite croisière et le yachting. Néanmoins, il y a aussi des contraintes liées à cette situation géographique qui éloigne ce port des principaux axes de transports.

Les Assises ont été décalées à septembre 2021, ce qui nous laisse un temps supplémentaire pour partager un diagnostic du rôle que doit jouer le maritime au service de la métropole. 

Nous devons avoir une nouvelle ambition maritime au service de sa population, de son tourisme et de ses entreprises. C’est le rôle stratégique que nos activités doivent remplir tout en limitant les impacts environnementaux et les autres formes de nuisances. Il faut pour cela reconsidérer nos ouvrages portuaires comme des vecteurs de valeur ajoutée pour le territoire et non comme des contraintes. Aussi, dans l’avenir, Nice peut devenir un exemple de mise en valeur du circuit court autant pour l’activité passagers que pour les marchandises, à terre comme en mer, grâce à une desserte multimodale adaptée au territoire et le maritime contribue à proposer une diversification des moyens d’approvisionnement pour sortir du tout camion.

Nous avons la chance d’avoir une métropole ambitieuse et à l’écoute sur tous les projets de développement durable. C’est au travers de ce projet unique en France, qui regrouperait en un même lieu tous les moyens d’une desserte multimodale, que je souhaite apporter mon engagement  et ma participation dans le cadre des Assises de la mer.

Jeune Marine : Vous venez récemment de prendre la suite de Monsieur André GAILLARD, avez-vous un objectif que vous souhaiteriez partager ?

J’ai été élu le mois dernier président de l’Union Maritime 06, association qui regroupe l’ensemble des filières professionnelles du maritime sur le département des Alpes-Maritimes.

Notre ambition est de réconcilier, le développement économique avec son environnement pour en faire un enjeu majeur, pour réfléchir ensemble à  la future desserte maritime du territoire. Avec notre communauté maritime, je souhaite porter haut les couleurs de notre territoire pour co-construire cette ambition au service de sa population et de son économie. 

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